Un père sur sept vit de la détresse psychologique élevée

Il ressasse des idées noires, a l’impression de ne pas être à la hauteur ou manque d’énergie pour accomplir ses tâches quotidiennes. Au Québec, un père sur sept ressent une détresse psychologique élevée, révèle un sondage dévoilé lundi par le Regroupement pour la valorisation de la paternité.

Alors que débute la 10e Semaine de la paternité sous le thème « Papa, as-tu besoin d’aide ? », le sondage réalisé par SOM montre que certains pères sont plus à risque de vivre de la détresse psychologique.

Parmi les pères qui ont un revenu annuel de moins de 35 000 $, plus d’un sur quatre vit de la détresse psychologique. On observe le même constat chez les pères sans emploi de même que chez ceux qui ont vécu une séparation dans les cinq dernières années.

Les pères anglophones (19 %), allophones (17 %), célibataires (19 %) ou ceux qui ont été victimes de violence dans leur enfance (17 %) sont aussi plus nombreux que la moyenne des pères (13 %) à vivre une telle situation.

« La détresse psychologique des pères est liée à des facteurs comme le manque de confiance dans l’exercice de son rôle, le faire d’avoir des difficultés dans la relation avec la mère, le fait de ne pas avoir de soutien de la part de son entourage », note Carl Lacharité, professeur au département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), qui a participé à l’élaboration du questionnaire d’enquête.

Données encourageantes

Le sondage, réalisé en ligne du 1er au 11 mars 2022 auprès de plus de 2000 Québécois ayant au moins un enfant âgé de 0 à 18 ans, renferme toutefois des données encourageantes. En 2021, un exercice similaire avait mesuré la détresse psychologique des hommes en général. Celle-ci s’élevait alors à près de 20 %.

« Chez les pères, on est à 13 %, souligne Carl Lacharité. On pourrait penser que le fait d’être père, c’est en partie un facteur de protection contre la détresse psychologique. C’est quelque chose qui donne un sens à leur vie, quelque chose qui les mobilise dans les tâches qu’ils ont à faire. »

Dany Farcy peut en témoigner. Père d’un garçon de 7 ans et de deux grands enfants de 27 et 21 ans, il a connu des heures sombres. Sa vie a été marquée par l’alcoolisme et les idées suicidaires. « La paternité, c’est ce qui me tenait en vie. C’est ce qui me donnait l’espoir de m’en sortir », confie l’homme de 55 ans.

Le travailleur de la construction qui habite dans la région de Baie-Comeau ne vit plus de détresse psychologique depuis près de sept ans, dit-il, parce qu’il est allé chercher de l’aide. « En passant, moi, le mot ‟aide”, ça m’irrite les oreilles. Je suis un rebelle. Ou plutôt, j’étais un rebelle. 

« Aujourd’hui, je suis le père que je voulais toujours être parce que j’ai su qu’il y avait des ressources. J’ai appris que tu peux arriver de loin, du plus profond de ton être, mais que ce n’est pas perdu si tu acceptes l’aide. »

Pour lui, le soutien salvateur est venu de la Maison Oxygène de Baie-Comeau, organisme qui offre un hébergement et des services aux pères en situation de vulnérabilité.

Mentalité tenace

Dany Farcy avoue qu’il a longtemps pensé « qu’un dur, qu’un tough, qu’un homme, ça ne demande pas d’aide ».

Cette mentalité tend tranquillement à changer chez les plus jeunes générations, observe Carl Lacharité. « Ils vont avoir plus tendance à parler de leurs émotions. »

Toutefois, cette image de l’homme qui résout seul ses problèmes persiste. « Quand ça coince vraiment, les vieux réflexes stéréotypés que l’on retrouve chez les hommes vont revenir. […] Ils vont encore considérer qu’aller demander de l’aide, c’est un signe de faiblesse », affirme le professeur de l’UQTR.

La détresse des pères « reste un peu souterraine, un peu invisible, note le chercheur. L’ensemble des résultats de ce sondage, c’est un vaste appel à l’empathie à l’égard des hommes, poursuit-il. Ça, ça signifie de se préoccuper des pères qui gravitent autour de nous. »

Comment faire ? « Il ne faut pas nécessairement leur demander : ‟Comment te sens-tu ?” C’est toujours un peu compliqué pour un homme de répondre à cette question », soutient le professeur. Il suggère plutôt cette formulation : ‟Comment ça se passe avec tes enfants ?” »

« Les hommes vont commencer à parler de ce qu’ils font avec eux, et puis, à travers leur réponse, ils vont commencer à parler de ce qu’ils vivent et de ce qu’ils ressentent. »

Consultez des ressources d’aide pour les pères

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