Fraude alimentaire
Des tomates canadiennes cultivées... au Mexique
La Presse
Une entreprise canadienne devra payer 1,5 million de dollars en amendes pour avoir vendu des légumes importés en prétendant qu’ils étaient des produits locaux. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) impose aussi une période de probation de trois ans à Mucci, entreprise ontarienne qui vend des légumes partout au Canada, notamment dans les supermarchés québécois.
C’est la plus importante peine jamais imposée au Canada pour avoir enfreint les lois sur l’étiquetage. De novembre 2011 et janvier 2013, des tomates de serre, des poivrons et des concombres ont été emballés avec de fausses indications sur leur pays d’origine. Des légumes du Mexique auraient notamment été présentés comme des produits du Canada. L’ACIA estime que la valeur des produits vendus avec de fausses indications dépasserait 1 million de dollars.
Ce genre de condamnation est extrêmement rare. « C’est très difficile de démasquer des cas comme ça », estime Sylvain Charlebois, doyen de la faculté de management de l’Université de Dalhousie, à Halifax, et membre d’un comité d’experts de l’ACIA.
Les enquêtes pour ce type d’infraction sont essentiellement déclenchées à la suite de dénonciations, précise ce spécialiste de l’industrie agroalimentaire canadienne. Dans le cas de Mucci, c’est une inspection aléatoire qui a déterminé que des poivrons canadiens étaient vendus frais hors-saison, ce qui a éveillé les soupçons des inspecteurs de l’ACIA, qui ont poussé plus loin leur enquête.
Mucci est une entreprise familiale qui possède des terres agricoles et des serres en Ontario. Elle a collaboré à l’enquête de l’ACIA, plaidant un problème d’étiquetage. Mucci et ses dirigeants ont été reconnus coupables la semaine dernière d’infractions à la Loi sur les aliments et drogues, à la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation et à la Loi sur les produits agricoles du Canada.
Selon Sylvain Charlebois, ce genre de cas risque de se multiplier au cours des prochaines années au Canada.
« L’ensemble de l’industrie veut s’attaquer à ce problème, mais ne sait pas trop comment s’y prendre. Nous sommes au début du processus. »
— Sylvain Charlebois, doyen de la faculté de management de l’Université de Dalhousie
Souvent, poursuit le professeur Charlebois, c’est un scandale qui déclenche la vigilance. En Europe, les consommateurs ont été choqués en 2013 d’apprendre que leurs lasagnes au bœuf haché étaient faites avec du cheval, une viande moins chère.
« C’est de la fraude, tranche Sylvain Charlebois, car la contrefaçon est faite pour obtenir des gains économiques. »
DIFFICILE À CONTRÔLER
La fraude alimentaire est un problème courant, méconnu et extrêmement difficile à contrôler. Les cas les plus fréquents restent les poissons volontairement mal identifiés et l’huile d’olive altérée avec des huiles moins chères. Plusieurs pays ont décidé de s’attaquer au problème : l’Italie a ajouté des dents à sa loi sur la contrefaçon d’huile d’olive cette année. La police italienne a aussi saisi 85 tonnes d’olives peintes au sulfate de cuivre lors de la dernière intervention d’Interpol visant la fraude alimentaire. L’Espagne vient de saisir 120 tonnes d’huile d’olive contrefaite. Les États-Unis auront également un nouveau système pour tester l’huile d’olive importée dès l’année prochaine. Dans son rapport d’activité de 2015, le Réseau de fraude alimentaire de l’Union européenne calcule toutefois que les erreurs d’étiquetage sont les principales sources de fraude en Europe.