Science

Combattre la poussière lunaire

« Notre pays retournera sur la Lune et nous mettrons des bottes américaines sur la surface de Mars », a lancé le vice-président Mike Pence au début du mois. Les défis technologiques de telles expéditions ne manquent pas, et l’un d’eux, quoique microscopique, est beaucoup redoutable qu’il n’y paraît…

« On ramasse de la poussière. »

Buzz Aldrin ne croyait pas si bien dire. Son commentaire, durant la descente du module d’alunissage le 20 juillet 1969, a des allures de prémonition quand on sait à quel point la poussière lunaire a compliqué la vie des astronautes américains.

La poussière lunaire s’accumulait sur les équipements des astronautes d’Apollo, ce qui les obligeait à les nettoyer fréquemment. La NASA a même ajouté une brosse spéciale pour éviter que leur cabine ne soit remplie de poussière, ce qui causait des irritations aux yeux et aux voies respiratoires. Les objectifs des caméras étaient obscurcis par la poussière lunaire qui s’y accumulait, ce qui causait un effet de halo. Même si les missions ne duraient que quelques jours, les câbles qu’ils tendaient à la surface de la Lune pour brancher leurs équipements avaient le temps de se recouvrir de poussière. Les attaches velcro rendaient souvent l’âme avant la fin du voyage.

Quand le président George W. Bush a relancé l’idée de retourner sur la Lune, en 2004, la NASA a immédiatement formé un groupe d’étude sur la question, Nasdirt. Son rapport, publié en 2008, concluait que les scaphandres d’Apollo fuyaient tellement à cause des petits trous créés par la poussière acérée que les missions n’auraient pas pu être allongées. Les équipements en souffraient aussi. Or, les missions Apollo passaient entre 21 et 75 heures sur la Lune, alors que les prochaines missions prévoient y passer plus de 300 heures.

La poussière est créée par les météorites qui bombardent la Lune. « Sur Terre, contrairement à la Lune, la poussière subit de l’érosion qui gomme ses aspérités, à cause de l’eau et de l’air », explique Kavya Manyapu, ingénieure de Boeing qui a consacré son doctorat, à l’Université du Dakota du Nord, à la lutte contre la poussière lunaire.

« De plus, le vent solaire arrive sur la surface de la Lune, alors que sur la Terre, l’atmosphère bloque ce rayonnement. Ça charge électriquement la poussière lunaire, ce qui la fait coller à toutes les surfaces, comme l’électricité statique qui fait coller les cheveux aux vêtements. »

Comment se protéger ?

Deux approches sont possibles pour se protéger de la poussière, l’une active et l’autre, passive. « On peut appliquer un revêtement à base de polymères qui repousse la poussière lunaire, dit Mme Manyapu. La solution active est d’insérer dans le scaphandre des nanotubes où on fait passer un léger courant électrique, ce qui crée un champ électrique repoussant la poussière. On a fait des tests et en combinaison, les deux approches repoussent de 80 à 90 % de la poussière lunaire. »

La NASA a déjà testé des polymères repoussant de façon passive la poussière lunaire, mais la technologie de fabrication n’était pas au point, selon Mme Manyapu. Les nanotubes dans lesquels on fait passer du carburant ont été utilisés sur la sonde Juno, qu’ils protégeaient contre les pertes de batterie lors de son long voyage vers Jupiter.

Mme Manyapu veut elle-même devenir astronaute et a suivi son brevet de pilote, avec une spécialité en pilotage acrobatique, pour y arriver. En 2012, elle a été choisie dans une liste de 400 finalistes pour une sélection d’astronautes de la NASA. « Mon père m’a beaucoup parlé du premier astronaute indien, Rakesh Sharma », dit Mme Manyapu, qui travaille maintenant sur la capsule lunaire de Boeing, Starliner. « Enfant, j’étais fascinée par les missions lunaires. »

La poussière sera-t-elle un problème sur Mars ? « Probablement moins, parce qu’il y a de l’érosion, une atmosphère », précise Mme Manyapu.

Quand ces technologies seront-elles prêtes ? « Il faut régler des questions de manœuvrabilité et de durabilité, ainsi que de coût pour les nanotubes, dit Mme Manyapu. Je dirais de huit à dix ans, à temps pour la prochaine mission lunaire. » D’ici là, ces approches pourraient servir aux industries où une propreté extrême est nécessaire (clean room) – par exemple, la fabrication de puces électroniques.

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