Conflit au Haut-Karabakh

La paix par l’autodétermination

Comme tant de Québécois qui ont à cœur la vie du peuple arménien et d’une diaspora dont le courage et la résilience ne peuvent que susciter l’admiration, nous sommes préoccupés par la situation qui règne dans le territoire du Haut-Karabakh.

Comme cela est arrivé à de trop nombreuses reprises déjà, le conflit qui persiste entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet de ce territoire et de sa population donne lieu à l’emploi d’une force armée entraînant des pertes de vies. Au moment où ces lignes sont écrites, ces pertes de vie sont évaluées à plus d’un millier, y compris un nombre significatif de personnes civiles.

Un examen des faits révèle que ce nouveau conflit résulte d’une offensive lancée par l’armée de l’Azerbaïdjan le 27 septembre. Menée avec l’aide d’armes que la Turquie a diverties vers l’Azerbaïdjan, comme l’a reconnu le Canada en suspendant le 5 octobre les licences d’exportation de caméras qui aident les drones à mieux cibler la population civile arménienne, cette offensive, comme les précédentes, vise à reprendre le territoire dont le contrôle effectif échappe au gouvernement azéri depuis 1991.

Il y a d’ailleurs lieu de rappeler à cet égard que la dissolution de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) avait non seulement entraîné l’accession à la souveraineté internationale de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, mais également une proclamation, le 2 septembre 1991, de l’indépendance par l’Assemblée nationale du Haut-Karabakh. En réaction à cette proclamation, l’Azerbaïdjan mettra fin, le 26 novembre 1991, au statut d’autonomie que détenait jadis le Haut-Karabakh au sein de la république soviétique azérie. Ce geste n’empêchera pas toutefois la population de ratifier la proclamation d’indépendance lors d’un référendum tenu le 10 décembre suivant à l’occasion duquel 82,17 % des personnes inscrites approuveront cette proclamation d’indépendance à une majorité de 99,98 %.

Ainsi, la population du Haut-Karabakh a pu, il y a presque 30 ans déjà, disposer d’elle-même et déterminer librement son statut politique. L’Azerbaïdjan n’a jamais voulu prendre acte de cette démarche d’autodétermination et respecter la volonté si clairement exprimée par une population.

Alors que ce pays est, du fait de son adhésion en 1992 aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenu de « faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », il fait plutôt obstacle à l’exercice continu en œuvre de droit collectif si fondamental qu’il a été élevé au rang de norme impérative de droit international.

Le rôle-clé que doit jouer le principe d’autodétermination a d’ailleurs été reconnu par le Groupe de Minsk qui a été constitué par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en 1992. Coprésidé par les États-Unis, la France et la Russie, ce groupe s’est vu confier le mandat d’aider les parties à résoudre le conflit de façon pacifique et négociée et a proposé que la discussion du futur statut du Haut-Karabakh soit fondée sur « le principe de l’expression populaire, notamment lors d’un référendum ».

Si les Principes de Madrid formulés en décembre 2007 parmi lesquels se retrouve celui de l’expression populaire ne font pas tous consensus entre les parties, on peut espérer que ce principe guide en 2020 le Groupe de Minsk qui a maintenant repris du service. Après avoir condamné la violence, s’être dit inquiet de l’augmentation des morts de personnes civiles et réussi à négocier un premier cessez-le-feu avec les parties, celui-ci a rappelé l’importance d’une reprise de « négociations de fond, en toute bonne foi et sans conditions préalables ».

Les Québécois solidaires

Que nos frères et sœurs d’Arménie d’ici et d’ailleurs sachent que les Québécois, dont l’Assemblée nationale adoptait en 2003 la Loi proclamant le Jour commémoratif du génocide arménien et qui, par la voix d’un Bloc québécois ayant fait adopter une motion reconnaissant le génocide arménien adoptée par la Chambre des communes le 21 avril 2004, sont solidaires de leur lutte permanente pour l’existence, la reconnaissance et la paix.

Et s’agissant de la paix, nous nous permettons de reprendre ici les propos du président américain Woodrow Wilson. Connu également de l’Arménie pour sa sentence arbitrale du 22 novembre 1920 relative aux frontières du pays, celui-ci avait, trois ans plus tôt, formulé l’avis selon lequel « aucune paix ne peut durer ni ne devrait durer si elle ne reconnaît et n’accepte le principe que les gouvernements dérivent tous leurs pouvoirs légitimes du consentement de ceux qui sont gouvernés ».

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