Ramenez-nous la Lune, Monsieur Hansen

Ne boudons pas notre plaisir : l’humanité retourne vers la Lune pour la première fois en un demi-siècle et le Canada est du voyage. On a le droit d’être enthousiaste.

On a appris lundi que c’est l’astronaute ontarien Jeremy Hansen qui partira avec une feuille d’érable sur sa combinaison pour un périple qui le mènera plus loin dans l’espace qu’aucun humain n’est jamais allé.

Accompagné de trois astronautes américains, M. Hansen fera deux fois le tour de la Terre, puis celui de la Lune, parcourant une distance (littéralement) astronomique de 2 millions de kilomètres.

Il s’en trouve pour dire qu’il n’y a rien de glorieux à retourner vers la Lune 50 ans après les missions Apollo. Que la somme de 1,43 milliard de dollars destinée à l’exploration lunaire annoncée dans le dernier budget fédéral devrait être consacrée à d’autres fins.

Ce n’est pas notre avis.

D’abord, il n’y a absolument rien de banal dans un tel voyage. L’espace reste dangereux et hautement difficile d’accès et requiert le meilleur de l’être humain.

Il faut ensuite comprendre que la mission Artemis II à laquelle prendra part Jeremy Hansen en 2024 est beaucoup plus qu’un crochet vers la Lune. Elle s’inscrit dans un retour des grandes missions d’exploration spatiale habitées.

Ce retour passera par la construction d’une nouvelle station spatiale, baptisée Gateway, qui orbitera autour de la Lune. Et il vise ultimement à amener l’être humain sur la planète Mars.

Que le Canada participe à une telle aventure est emballant. Pour un pays de la taille du nôtre, ça ne coule pas de source.

La place qu’occupera Jeremy Hansen dans ce retour vers la Lune, nous ne l’avons pas volée. Elle découle du fait que le Canada installera la troisième génération de son fameux bras canadien, le Canadarm3, sur la station spatiale Gateway. Le pays construira aussi un rover qui roulera sur la Lune à partir de 2026.

Ces contributions témoignent de l’excellence du secteur spatial canadien. Jeremy Hansen est donc la partie visible de tout un écosystème basé sur une expertise locale de pointe.

On peut arguer qu’il est possible d’envoyer des sondes et des robots explorer les astres sans risquer des vies humaines. Que les missions non habitées sont moins coûteuses et génèrent plus de connaissances scientifiques par dollar investi.

C’est vrai. Il est aussi vrai que ces missions non habitées peuvent parfois nous procurer de réelles émotions. En 1990, au moment de quitter le système solaire, la sonde Voyager 1 s’est retournée et a pris une dernière photo de la Terre. Intitulé « Pale Blue Dot », le cliché est à donner des frissons.

On a aussi vu l’enthousiasme généré par l’envol de l’hélicoptère Ingenuity sur la planète Mars en 2021 – un exploit d’autant plus suivi chez nous que l’ingénieure québécoise Farah Alibay y participait.

Mais ces plaidoyers pour garder les êtres humains sur Terre nient le désir fondamental de l’être humain d’explorer et de repousser ses frontières. lls font aussi fi du fait qu’il n’y a rien comme une aventure vécue par un humain pour en faire rêver un autre.

La phrase prononcée par Neil Armstrong en 1969 lorsqu’il a posé le pied sur la Lune restera imprégnée pour toujours dans notre imaginaire collectif. Et on a vu récemment comment Chris Hadfield et David Saint-Jacques ont frappé l’imagination des Canadiens, en particulier des jeunes.

Au-delà des aspects techniques et scientifiques d’Artemis II, c’est donc peut-être cette capacité de faire rêver et de se projeter dans quelque chose de plus grand que soi qui s’annonce comme le plus grand legs du retour vers la Lune.

Depuis sa nomination, lundi, Jeremy Hansen est devenu un ambassadeur. Un ambassadeur de la science, d’abord, un domaine où les modèles sont beaucoup plus rares que dans des secteurs comme les arts, les sports, la politique ou les affaires.

Un ambassadeur de l’excellence, ensuite, parce que s’il y a un domaine qui ne laisse pas place à l’erreur, c’est bien celui de l’exploration spatiale.

Monsieur Hansen, vous avez décroché la Lune. Votre voyage sera aussi un peu le nôtre. On vous en souhaite un bon.

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