Le variant milliardaire

Les ultrariches ont vu leur fortune exploser pendant la pandémie

En ce mois de janvier, nous affrontons le début d’une troisième année de pandémie de COVID-19 sous le signe du variant Omicron avec une certaine lassitude, voire de l’épuisement. Il existe pourtant une petite partie de la population mondiale qui aurait toutes les raisons de se frotter les mains (avec ou sans Purell) : les milliardaires.

Depuis le début de cette pandémie, leurs comptes en banque se sont remplis à un rythme spectaculaire. Le nouveau rapport d’Oxfam paru aujourd’hui indique que les 10 hommes les plus riches du monde ont vu leur fortune doubler, passant de 700 milliards à 1,5 billion de dollars américains au rythme de 1,3 milliard par jour. Vous avez bien lu : 1 milliard. Par jour. En fait, l’ensemble des milliardaires ont vu leur fortune augmenter davantage pendant la pandémie qu’au cours des 14 dernières années. Le Canada ne fait pas exception : la fortune des milliardaires y a augmenté de 57 % (87,4 milliards de dollars).

On dit parfois que la folie consiste à refaire sans cesse la même chose en espérant un résultat différent. Si c’est vrai, il y a de quoi s’inquiéter pour les dirigeants des principales puissances mondiales qui continuent, année après année, d’entretenir un système économique marqué par des inégalités extrêmes.

Nous le rappelons ici : cette injustice mondialisée est un choix politique. L’attitude des pays riches concernant les vaccins de COVID-19 en est une parfaite illustration.

Les principales puissances ont accumulé un maximum de doses au détriment des pays moins fortunés. L’échec annoncé de cette stratégie a entraîné d’innombrables morts à travers le monde qui auraient pu être évitées et nous voilà maintenant aux prises avec le variant Omicron et ses ravages.

Des inégalités meurtrières

Pendant que les ultrariches parcourent l’espace dans des fusées privées (espérant peut-être découvrir un nouveau paradis fiscal au détour d’un astéroïde), ici-bas sur la planète Terre, les inégalités tuent. Elles tuent notamment en empêchant des populations entières d’avoir accès aux soins de santé ou de lutter contre les évènements climatiques extrêmes. Elles tuent en particulier les femmes, les personnes racisées et les communautés marginalisées, qu’elles maintiennent dans des conditions de travail précaires et des environnements violents.

Ces morts déplorables et ces fortunes indécentes sont inextricablement liées. Elles s’expliquent par la violence d’un système où la spéculation boursière, l’évasion fiscale et les situations de monopoles sont banalisées.

Vu comme cela, le portrait de notre économie mondialisée peut sembler bien sombre. Des solutions existent pourtant. L’une des plus directes passe par l’impôt. Une réforme fiscale ambitieuse sur le plan national et international est essentielle pour lutter contre ces inégalités meurtrières. De nouvelles règles redistribuant la richesse et le pouvoir de manière plus équitable permettraient de financer une économie qui bénéficie à toutes et tous, notamment à travers les services publics.

Au Canada, une taxe annuelle graduelle sur la fortune des multimillionnaires et milliardaires pourrait rapporter 79 milliards de dollars par an, soit assez pour augmenter le budget de la santé de 57 %.

L’heure est à l’action. Une majorité de Canadiennes et de Canadiens pensent que l’inégalité des richesses devrait être combattue par une augmentation des impôts sur les plus riches et les grandes entreprises⁠1. Prenant acte de cette nouvelle donne, la plupart des partis ont proposé une forme de taxation de la richesse aux dernières élections fédérales⁠2. L’actuel gouvernement canadien a donné des signes d’ouverture sur le sujet sur le plan local et international, mais ceux-ci doivent maintenant s’accompagner de mesures plus courageuses.

L’enrichissement spectaculaire qu’ont connu les milliardaires depuis le début de la pandémie n’est que le dernier variant d’une économie profondément déréglée. Ce « variant milliardaire » ne profite qu’à une poignée d’individus et nuit au reste de l’humanité. En taxant mieux la richesse aujourd’hui, nous pouvons limiter le développement de cette regrettable mutation de notre système économique et bâtir ensemble un avenir à égalité.

* Cosignataires : Katrina Miller, directrice générale de Canadiens pour une fiscalité équitable ; Shawn-Patrick Stensil, directeur des programmes de Greenpeace Canada ; Jen Hassum, directrice générale de l’Institut Broadbent ; Jennifer Carr, présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada ; Sylvie Trottier, membre de Ressources en mouvement

1. Lisez « Wealth tax ? Canadians like the idea » (en anglais)

1. Lisez « Canadians think their tax system is unfair... » (en anglais)

2. Lisez « How the main federal parties plan to tax the wealthy » (en anglais)

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