Le col roulé, vêtement de la sobriété énergétique ?

Certains politiciens français ont troqué récemment la chemise pour le col roulé pour préparer leurs concitoyens à un hiver qui sera difficile. Un vêtement qui est devenu le symbole de la sobriété énergétique.

En ces temps de crise énergétique en Europe, Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie, a changé sa garde-robe. « Vous ne me verrez plus avec une cravate, mais avec un col roulé. Et je pense que ce sera très bien, ça nous permettra de faire des économies d’énergie et de faire preuve de sobriété », a-t-il déclaré sur France Inter. Il a également publié sur Twitter une photo de lui portant le col roulé.

« Chacun a vu dans cette phrase le début des efforts qu’on va tous devoir faire cet hiver, et depuis, on observe les vêtements portés par tous les membres du gouvernement. Alors, lorsque quelques jours plus tard, le président Emmanuel Macron a mis son col roulé avec une veste par-dessus, on s’est dit qu’il voulait lui aussi envoyer un message par sa tenue vestimentaire », explique Elizabeth Pineau, correspondante à l’Élysée pour l’agence Reuters et autrice du livre Le vestiaire des politiques.

« Pourtant, même si l’Élysée a précisé que le président français portait souvent des cols roulés et qu’il ne fallait pas y voir de message, il reste que le vêtement est un bon outil de représentation et de communication pour les politiciens. »

– Elizabeth Pineau, correspondante à l’Élysée pour l’agence Reuters

L’objectif est clair : sensibiliser les Français à la crise énergétique. Le gouvernement a lancé un plan de sobriété énergétique et chaque geste compte, dont celui de baisser la température du chauffage à 19 °C dans les pièces principales et à 17 °C dans les chambres. Il va alors falloir s’habiller chaudement à l’intérieur et le col roulé semble tout indiqué, selon Stéphane Le Duc, ambassadeur du Collège LaSalle.

« Le col roulé est un vêtement qui avait disparu des garde-robes, mais il réapparaît en force cette année, surtout chez les hommes. Ceux qui ont abandonné la cravate portent le col roulé sous le veston, ce qui est très élégant. C’est à la fois un élément très accessible et confortable, tout en étant chic », dit-il. Stéphane Le Duc rappelle que dans les années 1960, le col roulé a été associé aux artistes, poètes et intellectuels, il était porté notamment par Jean-Paul Sartre et Samuel Beckett. C’est aussi dans les années 1960 que le couturier français Yves Saint Laurent a fait entrer le col roulé dans la garde-robe des hommes d’affaires.

Un vêtement emblématique

On se souvient évidemment du col roulé porté par André Caillé, président d’Hydro-Québec, pendant la crise du verglas en 1998. « Ce col roulé est devenu emblématique de la crise », se rappelle Steve Flanagan, porte-parole d’Hydro-Québec à l’époque et expert en relations publiques. « C’était une façon de démontrer sa solidarité envers les employés sur le terrain qui travaillaient à rétablir le réseau électrique. »

Le port du col coulé la première fois n’était pas calculé, se rappelle-t-il. « Nous étions en visite dans un centre d’appels de Saint-Hyacinthe, M. Caillé devait faire une entrevue avec Radio-Canada à l’extérieur et il n’avait pas de vêtements chauds. Ce col roulé se trouvait dans sa voiture, alors on le lui a apporté. Le premier soir, c’était donc improvisé, puis il a pris la décision de le garder pendant toute la crise. Nous étions au jour 2 et il ne pensait pas le porter aussi longtemps ! », raconte Steve Flanagan.

Alors que le temps froid arrive, les membres du gouvernement français doivent donner l’exemple. « On a vu la première ministre française Élisabeth Borne porter une doudoune à l’intérieur, puis un col montant, ce qui a suscité de nombreux commentaires et moqueries. Les gens s’en amusent, mais ils ont un souci d’exemplarité, et le vêtement, c’est ce qu’il y a de plus visible, mais il ne faut pas tomber dans l’excès ! », pense la journaliste Élizabeth Pineau. Certains membres de l’opposition française estiment que c’est anecdotique par rapport aux problèmes de l’énergie, et que le port du col roulé ne fait pas office de politique énergétique. « On va aussi regarder s’il n’y a pas de gaspillage dans les ministères et que les lumières ne restent pas allumées », remarque la journaliste.

« On veut convaincre les citoyens en utilisant ces symboles, mais est-ce vraiment efficace ? s’interroge Simon Thibault, professeur au département de sciences politiques de l’Université de Montréal. Les Français vont-ils s’habiller plus chaudement ? En tout cas, les publicistes et stratèges en communications croient que ces symboles ont de l’influence, car on retourne constamment à ces techniques qui sont vieilles comme le monde. »

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