À l’école le samedi

De la récupération le week-end, deux profs par classe et davantage de tutorat : les écoles déploient différents moyens pour venir en aide aux élèves, mais certains parents baignent toujours dans le flou. Pendant ce temps, les syndicats affiliés à la FAE continuent de se prononcer sur l’entente de principe négociée avec Québec.

Plan de rattrapage de Québec

Le moment d’« user de créativité »

Des écoles ouvriront exceptionnellement leurs portes le samedi pour venir en aide aux élèves qui auront pris du retard en raison des grèves en éducation, qui ont privé certains de classes pendant un mois. Mais pour beaucoup d’élèves, le plan de rattrapage de Québec pourrait se traduire par la présence de deux profs en classe.

Le centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) confirme qu’une dizaine de ses écoles devraient offrir du tutorat le samedi dans le cadre du plan de rattrapage annoncé par Québec. L’école secondaire Saint-Luc sera du nombre.

« Dans la région de Montréal, environ 15 ou 20 écoles ont décidé d’organiser des cours le samedi matin », détaille Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES).

Faire l’école le samedi plutôt qu’après les heures de cours normales sera fort utile dans certains milieux, explique-t-elle.

« Le samedi, parfois, c’est la solution, par exemple avec des élèves de l’accueil. Ils vont à l’école en autobus, donc c’est difficile pour eux de rester après l’école », dit la présidente de l’AMDES. La fin de semaine, on compte sur les parents pour assurer le transport.

À la polyvalente de Sainte-Thérèse, qui accueille plus de 1800 élèves, il a été offert aux élèves de 4e et de 5e secondaire de faire du tutorat pour ceux de 1re, de 2e et de 3e secondaire après les classes. Ils seront payés au salaire minimum et seront supervisés par des enseignants.

Les inscriptions sont au rendez-vous, tant chez les élèves qui veulent aider que chez ceux qui ont besoin d’aide, dit Mélanie Poirier, conseillère en communication au centre de services scolaire des Mille-Îles (CSSMI).

« C’est peut-être quelque chose qui va rester dans les années futures, si la demande est là », poursuit Mme Poirier, qui observe que le tutorat par les pairs ne remplace en aucun cas un enseignant.

À cette école secondaire, on ouvrira également l’école les samedis de février pour offrir de la récupération, de même que pendant la semaine de relâche. Une cinquantaine d’enseignants se sont portés volontaires.

Des écoles de Montréal ont aussi choisi d’ouvrir pendant la relâche scolaire du mois de mars, de que l’évoquait le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, à l’annonce de son plan de rattrapage. Les élèves dont les profs sont affiliés à la Fédération autonome de l’enseignement ont raté 22 jours de classe.

Deux profs en classe

Professeure de la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, Mélanie Paré dit qu’elle « aime qu’on garde les services aux élèves en classe, de jour, quand ils sont avec leurs enseignants ».

Parmi les autres mesures qui ont la cote jusqu’ici pour aider les élèves à remonter la pente figure le coenseignement.

Cela permet à un prof qui n’a pas ses élèves, par exemple parce qu’ils sont avec un spécialiste (en musique ou en éducation physique, entre autres), d’aller aider un autre collègue dans sa classe.

Le prof appelé en renfort reporte alors ses autres tâches. « Si c’est sa période de planification, le prof va la déplacer pour être disponible pour faire de l’enseignement. C’est payé au 1/1000. Quelqu’un qui fait 80 000 $ par année, c’est 80 $ de l’heure », explique Kathleen Legault.

Mélanie Paré dit que la recherche a prouvé l’efficacité du coenseignement.

« C’est merveilleux, c’est ce que j’aurais choisi ! », dit la professeure.

« C’est quelque chose qui est vraiment efficace pour gérer la diversité dans une classe », explique Mme Paré.

« Les enseignants vont travailler à deux pour s’assurer d’aller rejoindre le plus d’élèves dans la classe », poursuit-elle en ajoutant que souvent, des orthopédagogues sont appelés en renfort pour coenseigner.

« Et ça se passe de jour, en classe, lors d’un moment où on a le plus d’impact. Ce n’est pas le soir, quand les élèves sont fatigués, ou le samedi, quand ils auraient pu avoir du temps en famille. »

— Mélanie Paré, professeure de la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal

Les parents en attente

Chez les parents, on est encore un peu dans le flou. Jeudi, des parents dont les enfants sont en difficulté n’avaient toujours pas eu de nouvelles de leur école, dit Sylvain Martel, porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ).

« Certaines écoles ont clairement spécifié que les services dépendent entièrement de la participation des enseignants. Peut-être que les parents dont les enfants n’auront pas de mesures devraient aussi être contactés, parce qu’on a l’impression que plusieurs restent en attente », croit M. Martel.

Le RCPAQ craint qu’on ne « laisse dormir » les 300 millions investis par Québec pour ce plan.

« Il a été clair qu’on pouvait s’en servir [des 300 millions] pour toutes sortes de moyens qui permettront de finir l’année… Il faut user de créativité. »

— Sylvain Martel, porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec

À la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), on indique que c’est ce vendredi que les représentants seront sondés pour savoir comment se déploie le plan de Québec jusqu’ici.

« Comme les parents devaient être contactés cette semaine, on se laisse jusqu’au début de la semaine prochaine pour se faire une idée là-dessus », écrit Stéphanie Rochon, directrice des communications de la FCPQ.

Le plan de rattrapage présenté par le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, au début du mois de janvier comporte un investissement de 300 millions de dollars. Il est prévu que les mesures se poursuivent jusqu’à la fin de l’année scolaire.

En plus de tutorat et d’activités pour les élèves handicapés, Québec souhaite que soit offert du soutien accru à l’apprentissage du français pour les élèves immigrants qui fréquentent des classes d’accueil.

300 millions

Valeur totale du plan de rattrapage de Québec pour aider les élèves après les grèves dans le secteur de l’éducation

500 000

Nombre d’élèves qui pourraient devoir bénéficier d’aide supplémentaire, selon les prévisions du gouvernement

42 millions

Valeur du fonds d’urgence destiné aux organismes qui œuvrent en éducation, par exemple en lutte contre le décrochage, en persévérance et en alphabétisation

Quatre syndicats pour, quatre contre

Deux des neuf groupes affiliés à la FAE ont rejeté jeudi soir l’entente de principe conclue avec Québec

Deux syndicats ont rejeté jeudi soir l’entente de principe conclue entre la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et le gouvernement du Québec. Plusieurs enseignantes ont annoncé le résultat des votes en fin de soirée sur Facebook. Jusqu’à présent, l’entente a suscité autant de soutien que d’opposition parmi les syndicats.

Le Syndicat de l’enseignement des Seigneuries a rejeté à 58 % l’entente de principe conclue avec Québec. L’entente avait été présentée jeudi soir en assemblée aux 705 enseignantes de ce syndicat.

Quelques minutes plus tard, les 6400 enseignantes du Syndicat de l’Enseignement de la région de Québec ont également refusé l’accord, à 60 %.

Il y a maintenant quatre syndicats sur neuf qui se sont prononcés contre l’entente (quatre l’ont appuyée). Dans la dernière semaine, le Syndicat de l’enseignement de la région de Laval et le Syndicat de l’enseignement des Basses-Laurentides ont également rejeté l’offre à 68 % et 72 % respectivement.

Le vote a été déchirant pour bien des enseignants. À l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, le plus gros syndicat affilié à la FAE, l’entente a été acceptée au milieu de la nuit la semaine précédente à 52 %, après plus de 8 heures d’assemblée.

L’entente n’a pas fait non plus l’unanimité du côté du Syndicat de l’enseignement de l’Ouest de Montréal (SEOM), qui a voté dans une proportion de 51 % pour l’entente, avec seulement 76 votes de différence entre les deux camps.

Un seul syndicat de la FAE ne s’est pas encore prononcé, soit le Syndicat de l’enseignement de la Haute-Yamaska (SEHY), qui votera le 31 janvier. La semaine dernière, le conseil d’administration du syndicat a recommandé à ses membres de rejeter l’entente de principe conclue avec Québec, en raison du « mépris apparent » du gouvernement envers les enseignants.

La présidente de ce syndicat, Sophie Veilleux, n’a pas voulu commenter cette décision « avant que les membres se soient prononcés ». Toutefois, dans son courriel, le syndicat a écrit qu’elle estimait que l’entente de principe « n’améliore pas de manière significative [les] conditions de travail, dont la composition de la classe ».

L’entente sera-t-elle acceptée ?

Avec autant de soutien que d’opposition parmi les syndicats, on ne sait toujours pas si l’entente de principe sera acceptée par la FAE.

On entend généralement qu’elle doit être acceptée à la double majorité, soit 50 % des voix et 50 % des syndicats affiliés, pour qu’elle soit entérinée. En fait, la procédure est plus complexe.

Pour être entérinée, l’entente doit obtenir une majorité d’« unités syndicales » et une majorité de « mandats » en sa faveur.

Tout d’abord, six « unités syndicales » sont attribuées à chacun des neuf syndicats. Chaque syndicat est libre de les diviser comme bon lui semble, par exemple par centres de services scolaires, si le syndicat en représente plus d’un. Ces votes ne sont donc pas automatiquement attribués au choix qui l’a emporté lors de l’assemblée.

Ensuite, des « mandats » sont attribués à chacun des syndicats en fonction du nombre de leurs membres. Pour chaque syndicat, les votes sont automatiquement attribués à l’option qui l’a emporté lors de l’assemblée.

La population devra être patiente avant de connaître l’issue du vote. Puisque la distribution de ces unités et de ces mandats n’est pas connue du public, il ne sera pas possible de savoir si l’entente sera entérinée avant le 7 février, lorsque la FAE fera l’annonce du résultat.

La FAE compte neuf syndicats affiliés qui réunissent 66 000 profs. Dans le cadre des négociations menant au renouvellement de leur convention collective, ceux-ci ont tenu une grève de 22 jours à la fin de la dernière année.

— Avec Marie-Eve Morasse, La Presse

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