BAnQ pour tout le monde

La Marie Grégoire que j’ai eue devant moi il y a quelques jours n’avait rien à voir avec celle qui a endossé le rôle de présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), en juillet 2021.

Celle dont la nomination avait été qualifiée de « partisane » par certains marchait alors sur des œufs.

Plusieurs observateurs avaient exprimé leur « malaise » de voir cette femme, sans expertise en bibliothéconomie, obtenir ce poste prestigieux. L’ex-députée adéquiste avait répliqué en disant qu’elle voulait être jugée sur ses actes.

Moins d’un an après cette nomination, Marie Grégoire a accepté de me parler du premier pan de sa vision de ce que devrait être le réseau de BAnQ et des bibliothèques. Selon elle, cela passe par une approche dite de « société apprenante », un concept qui est connu en France depuis quelques années et auquel on devrait s’intéresser davantage.

Défendu par des spécialistes du monde de l’éducation, ce concept met de l’avant une société où tout est mis en place pour permettre aux citoyens, de la petite enfance jusqu’à la fin de leur vie, d’avoir accès à un apprentissage.

Pour cela, il faut relier des ressources et des lieux qui vont accompagner ceux qui aiment apprendre. Il faut également accepter de sortir du cadre traditionnel de l’éducation et de la formation.

Les bibliothèques et les centres d’archives peuvent devenir des maillons importants de cette chaîne. C’est ce que Marie Grégoire souhaite faire avec les institutions qu’elle dirige.

« L’idée de la société apprenante m’habite depuis longtemps. […] C’est devenu clair qu’avec tout ce que nous détenons, nous devons jouer un rôle pour avoir une pertinence plus grande dans la société québécoise. On a une obligation de faire une différence dans la vie des Québécois. »

– Marie Grégoire, directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Les Français ont trouvé une définition de ce que doit être une société apprenante. Marie Grégoire a créé un évènement qui permettra au Québec d’avoir sa propre interprétation. Un grand forum aura lieu le 15 juin et va réunir de grosses pointures du monde de l’éducation, de la sociologie, de la petite enfance, de même que de celui des archives et des bibliothèques.

François Taddei, l’un des chercheurs du rapport Vers une société apprenante présenté au gouvernement français en 2017, s’exprimera par visioconférence.

Quatre observateurs entendront les panélistes : Frédéric Bouchard, doyen de la faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, Mia Homsy, présidente-directrice générale de l’Institut du Québec, Régine Laurent, analyste politique et présidente de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, et Kim O’Bomsawin, cinéaste et sociologue.

Quant à Pauline Marois et au sociologue Guy Rocher, ils donneront respectivement les allocutions d’ouverture et de clôture.

Quand elle est entrée en poste, Marie Grégoire a pris connaissance d’un sondage sur la notoriété de BAnQ. « Notre logo est connu de 9 % des Québécois. Bon, ça demeure un logo. On a aussi appris que 41 % connaissaient nos services. On jouit d’une grande cote d’amour des abonnés. Mais que fait-on des autres Québécois ? »

Marie Grégoire veut que les collections servent à de nouvelles expériences qui vont aider des gens à découvrir de nouveaux métiers, qui vont offrir de nouveaux chemins vers l’apprentissage.

« Le milieu du documentaire joue un rôle hyper important dans la vie des gens, mais c’est un peu souterrain. […] On acquiert des documents, on les conserve, mais la médiation, la démocratisation du savoir, c’est là qu’on veut donner un coup de barre. »

– Marie Grégoire, directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Je lui ai demandé si elle n’était pas en train d’empiéter sur le terrain du ministère de l’Éducation. « Absolument pas », m’a-t-elle dit. Pour elle, une société apprenante qui atteint ses objectifs est celle qui crée une gigantesque synergie avec toutes les parties.

Plus je l’écoutais, plus je réalisais que nous composons avec des modèles architraditionnels basés sur l’atteinte de diplômes.

Mais l’apprentissage est quelque chose qui n’a pas de fin. On semble l’oublier à force de pitonner devant la télé à la recherche d’une bonne émission.

J’ai autour de moi plein de gens de 50, 60, 70 ans qui ont une réelle soif d’apprendre. Pour l’assouvir, ils ont le choix de retourner sur les bancs d’école ou d’assister à des conférences offertes dans des auditoriums le dimanche après-midi.

Peut-on enrichir les sources et les moyens qui permettent l’apprentissage ? Peut-on faire preuve de créativité dans ce domaine ? Peut-on susciter le plaisir d’encore apprendre ? La société québécoise dont on rêve pour demain a l’obligation de réfléchir à ces questions.

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