Opinion

Inuits à la télévision québécoisE
Clichés et stéréotypes

Les tentatives maladroites d’inclusion de personnes de couleur (noires ou autochtones) dans les différentes sphères, que ce soit dans la culture ou la politique, ne sont pas suffisantes.

Dès mon enfance, il m’arrivait rarement de m’identifier à un personnage de la télévision. Il y avait certains films réalisés par des Inuits, mais ce n’était pas suffisant. Malgré tout, je rêvais de devenir actrice. Depuis quelque temps, je commence à réaliser ce rêve, mais malheureusement, dans les derniers jours, j’ai dû refuser un rôle qui ne répondait pas à mes attentes parce qu’il véhiculait encore des stéréotypes sur mon peuple.

L’an passé, j’ai accepté le rôle d’Alacie dans la série Épidémie réalisée par Yan Lanouette Turgeon. J’ai accepté en sachant que ma bonne amie Niap jouerait le rôle de Nelli, un rôle positif qui reflète la réalité de centaines de jeunes du Nunavik qui viennent dans le Sud pour étudier. Pour une première expérience, c’était génial ; j’y ai rencontré une équipe enjouée et ouverte à nos propositions pour faire en sorte que nos personnages soient vraisemblables. Je dirais même que c’était le fun de jouer la morte.

À la suite de cette première apparition au petit écran, on m’a offert une audition pour une autre série télé. J’ai accepté de passer l’audition, mais en prenant soin de souligner qu’étant une femme inuk, certains détails du personnage proposé devraient être changés pour mieux représenter la réalité. Quelques mois plus tard, on m’informe que si je suis intéressée, c’est confirmé pour le rôle. On me demande mes disponibilités pour le tournage en mentionnant que le personnage est une « femme itinérante qui se fait soigner dans un centre d’aide pour les personnes provenant de régions éloignées ».

Pour être honnête, je ne suis même pas surprise, mais j’avoue que je me demande si on m’a condamnée à ne jouer que des sans-abri.

L’itinérance chez les Inuits est commune ; je sais où ils se tiennent à Montréal. Il y en a même de mon village qui me connaissent depuis ma naissance et qui dorment dans les rues hiver comme été. Ce n’est pas la seule réalité vécue par mon peuple.

On fait peu d’efforts pour représenter les Inuits qui ont un travail de 9 à 5, par exemple, ou ceux qui ont une famille, ou même les artistes qui se tiennent dans les studios de musique pour lancer un album entièrement en inuttitut. Ça, c’est mon quotidien. Les Inuits que je connais font tellement d’efforts pour unir notre peuple, nous rendre fiers et montrer qui nous sommes réellement !

Dans les médias, les Inuits que je connais sont visibles seulement dans des sections spécialisées « autochtones ». Depuis quelques années, les médias réalisent qu’ils représentent peu d’autochtones à la télévision, et encore moins des représentations positives. Radio-Canada a eu une belle initiative en créant Espaces autochtones, mais plusieurs de ses journalistes ne semblent malheureusement pas connaître des faits simples. Quelles sont les 11 nations autochtones du Québec et qu’est-ce qui les distingue ? Pourtant, il est si simple de faire une recherche sur l’internet pour trouver des documentaires, des livres et des lieux culturels autochtones.

Je suis Inuk du Nunavik ; ce n’est pas la même chose qu’Innu de la Côte-Nord.

Est-ce trop demander que d’avoir des rôles inuits positifs dans les grandes plateformes ?

Continuons sur la belle lancée qu’Épidémie avait proposée. Je n’accepterai plus de représenter les stéréotypes alors que j’ai passé tellement de temps à renseigner les gens sur ma culture et sur nos droits.

Bien représenter les différentes origines ethniques à la télévision n’apporte que du bien à tous ; ça démontre de l’ouverture et ça reflète le Québec comme il est réellement constitué, mais ça nécessite de réels efforts de recherche. Nous, les autochtones, sommes épuisés d’éduquer sans cesse. Il serait plaisant de sentir un réel soutien, et ce, au bénéfice de l’ensemble des citoyens du Québec. Je sais que les Québécois aiment leurs productions télé ; j’appelle à ce que ce milieu prenne ses responsabilités à la hauteur de son influence médiatique.

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