Israël et le Hamas en guerre

Vers un assaut sur Rafah malgré les efforts pour une trêve

Jérusalem — Le premier ministre israélien a ordonné mercredi à l’armée de « préparer » l’offensive sur Rafah, où sont massés les Palestiniens déplacés par la guerre contre le Hamas, rejetant toute concession dans les négociations en vue d’une trêve dans la bande de Gaza.

« Nous avons donné l’ordre aux forces de défense israéliennes de préparer une opération à Rafah », a expliqué Benyamin Nétanyahou dans un discours à la télévision, le jour où la guerre entrait dans son cinquième mois.

Il a écarté l’idée d’une pause des combats, assurant que la victoire sur le mouvement islamiste palestinien était « une affaire de mois » et que les otages encore détenus à Gaza seraient libérés grâce à la « poursuite de la pression militaire ».

« Capituler devant les exigences délirantes du Hamas […] non seulement n’amènera pas la libération des otages, mais entraînera un autre massacre », a-t-il affirmé.

Adina Moshe, qui fait partie des otages libérés en novembre dans le cadre d’une première trêve, a dénoncé les propos de M. Nétanyahou. « Avec cette idée de détruire le Hamas, il n’y aura plus un otage à libérer », a-t-elle lancé.

Cette annonce intervient alors que le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, est en Israël dans le cadre d’une tournée régionale pour discuter d’un accord de trêve.

M. Blinken a assuré qu’il restait « de la place pour un accord » à la veille de l’ouverture au Caire d’un nouveau cycle de tractations parrainé par l’Égypte et le Qatar, selon un responsable égyptien. Il a aussi appelé Israël à prendre en compte « d’abord » les civils dans une opération à Rafah.

À Beyrouth, Oussama Hamdane, un responsable du Hamas, a accusé M. Nétanyahou d’avoir pour objectif « le génocide du peuple palestinien » en poursuivant la guerre.

« Film d’horreur »

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée sur le sol israélien par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza, qui a entraîné la mort de plus de 1160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.

Environ 250 personnes ont été enlevées ce jour-là. Selon Israël, 132 otages sont toujours détenus à Gaza, dont 29 seraient morts.

En riposte, Israël a juré de « détruire » le Hamas, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007, et a lancé une offensive qui a fait 27 708 morts dans le territoire palestinien, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, selon les données du Hamas.

Khan Younès, dans le sud du territoire palestinien, et la ville voisine de Rafah, refuge pour des centaines de milliers de déplacés qui craignent un assaut terrestre, ont été de nouveau frappés par des bombardements mercredi, selon un journaliste de l’AFP.

Dana Ahmed, une femme de 40 ans qui a fui la ville de Gaza, dans le Nord, et vit sous une tente à Rafah, a confié à l’AFP être « terrorisée à l’idée qu’Israël lance une opération terrestre sur Rafah ».

« Je ne peux pas imaginer ce qui va nous arriver, a-t-elle ajouté. Où irons-nous ? J’ai l’impression de vivre un film d’horreur. »

« Conséquences incalculables »

Pour sa cinquième tournée dans la région depuis le début de la guerre, le secrétaire d’État américain s’est rendu mercredi à Jérusalem et à Ramallah, en Cisjordanie occupée. Il vient soutenir une proposition de trêve élaborée par des responsables américains, qataris et égyptiens à la fin de janvier à Paris, à laquelle le Hamas a répondu.

À la suite d’un entretien avec M. Nétanyahou, il a dit espérer « reprendre la libération des otages qui a été interrompue » avec la fin de la trêve de novembre, après la libération de 105 otages et 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël.

Il a également discuté de « pas supplémentaires » pour acheminer de l’aide dans la bande de Gaza, assiégée par Israël et plongée dans une crise humanitaire majeure.

Environ 1,7 million de personnes, selon l’ONU, ont été déplacées par la guerre sur les 2,4 millions d’habitants du petit territoire dévasté.

Après avoir fui les combats plus au nord, plus de 1,3 million de déplacés s’entassent dans des conditions désespérées à Rafah, soit cinq fois la population initiale de cette ville adossée à la frontière fermée avec l’Égypte.

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a mis en garde contre les « conséquences régionales incalculables » d’un éventuel assaut sur Rafah qui « augmenterait de façon exponentielle ce qui est déjà un cauchemar humanitaire ».

Chacun devrait être « extrêmement préoccupé » par le respect de « l’État de droit » dans le conflit, a pour sa part affirmé à l’AFP le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, qui enquête sur d’éventuels crimes de guerre des deux camps.

Selon une source du Hamas, le projet de trêve prévoit notamment une pause des combats de six semaines, un échange de 200 à 300 prisonniers palestiniens contre 35 à 40 otages israéliens et l’entrée accrue d’aide humanitaire à Gaza.

Une source du Hamas proche du dossier a confirmé à l’AFP que son groupe avait pour objectif « un cessez-le-feu, la fin de la guerre et un échange de prisonniers ».

Mais Israël, qui considère, comme les États-Unis et l’Union européenne, le mouvement islamiste palestinien comme une organisation terroriste, soutient qu’il ne mettra fin définitivement à son offensive qu’une fois le Hamas éliminé et les otages libérés.

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