Kingdom of the Planet of the Apes

Avatar des singes

L’univers Planet of the Apes existe depuis les années 1960. Le roman, La planète des singes, de Pierre Boulle, a été publié en 1963 puis le film de Franklin J. Schaffner est sorti cinq ans plus tard. On comprend si les amateurs se sentent froissés par la comparaison du dernier volet avec la création – récente – de James Cameron.

Les similitudes entre Kingdom of the Planet of the Apes et Avatar sont cependant indéniables. Cela s’explique possiblement par la présence du scénariste Josh Friedman (War of the Worlds) au générique. En plus d’avoir collaboré à l’écriture d’Avatar : The Way of Water, il travaille sur les troisième et quatrième volets.

Les ressemblances ne se limitent pas à l’intrigue. Grâce à des effets spéciaux magistraux, on croit en ces singes capables de la parole et de prouesses physiques de haut vol avec la même crédulité que pour les Na’vis. L’émotion véhiculée par leur regard est particulièrement impressionnante. Les environnements sont également d’un réalisme époustouflant. À l’instar de James Cameron, Wes Ball (la série de films Maze Runner) a tourné à l’extérieur, en Australie, plutôt qu’en studio. La contribution du directeur photo Gyula Pados mérite d’être soulignée.

Kingdom se permet des moments contemplatifs à l’image des films se déroulant sur Pandora. La jolie musique de John Paesano les rend d’autant plus agréables.

Une bonne partie des deux heures vingt-cinq minutes montre comment les primates vivent, 300 ans après la révolution simienne menée par le chimpanzé Caesar (Andy Serkis) dans la trilogie précédente. On en déduit que le message d’unité de celui-ci a été détourné par certains ou n’a tout simplement pas été transmis à d’autres.

Singe contre singe

C’est le cas de Noa (Owen Teague, Bloodline) du clan des aigles, qui domestique des rapaces. La vie paisible de son petit village est anéantie quand des soldats du roi Proximus Caesar (Kevin Durand, The Strain) débarquent, à la recherche d’une humaine (Freya Allan, The Witcher). La famille et les proches de Noa sont enlevés ou tués, mais celui-ci parvient à s’échapper. Sur la route pour retrouver les siens, il rencontre Raka (Peter Macon, The Orville), sympathique orang-outang qui lui enseignera les dogmes de Ceasar. La paire retrouvera également l’humaine, qui les mènera au royaume de Proximus, où divers clans vivent dans la peur.

Les humains ne sont plus les rivaux principaux des singes puisque le virus créé par l’homme qui a permis à ces derniers de développer la capacité de parler lui a du même coup fait perdre la sienne. Le rôle de Freya Allan est important, mais on trouve rafraîchissant que la place des hommes dans le récit soit réduite.

Bien qu’ils soient référencés, il n’est pas nécessaire d’avoir vu les trois films précédents pour saisir l’essence de ce nouveau chapitre. Les fans de l’original de 1968 seront ravis des quelques clins d’œil. Deux autres longs métrages sont prévus. On souhaite qu’ils se concrétisent, car, seul, Kingdom n’atteint pas l’intensité de ceux réalisés par Rupert Wyatt puis Matt Reeves. Outre ses petites longueurs et un antagoniste quelque peu générique, il n’a que pour unique défaut des enjeux limités. Toutefois, s’il s’agit bien d’une nouvelle entrée en matière, elle est franchement réussie.

Science-fiction

Kingdom of the Planet of the Apes

(V. F. : Le royaume de la planète des singes)

Wes Ball

Avec Owen Teague, Freya Allan, Kevin Durand

2 h 25

En salle

7/10

Le retour

L’été des secrets

Quinze ans après avoir quitté la Corse, une veuve et ses deux filles adolescentes y passant l’été doivent bientôt faire face à leur passé.

Veuve travaillant pour un couple bourgeois parisien, Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna, César du meilleur second rôle féminin pour La fracture, précédent film de Catherine Corsini) n’a jamais révélé à ses filles Jessica (Suzy Bemba), 18 ans, et Farah (Esther Gohourou), 15 ans, pourquoi elle avait quitté la Corse peu après la naissance de la cadette. Lorsque Sylvia (Viriginie Ledoyen) et Marc (Denis Podalydès) lui proposent de s’occuper de leurs enfants lors de leurs vacances en Corse, elle saisit l’occasion d’y retourner avec ses filles.

Khédidja renoue bientôt avec Marc-Andria (Cédric Appietto), qui a bien connu le père de Jessica et de Farah, mais refuse de contacter son ex-belle-mère (Marie-Ange Geronimi) que ses filles croient morte. Pendant ce temps, Jessica, sage étudiante en sciences po, entame une liaison avec la délurée Gaïa (Lomane Dietrich), fille de Marc, née d’une première union. Quant à la farouche Farah, elle tourne autour d’Orso (Harold Orsoni), fantasque gardien de la plage.

L’an dernier, Le retour, de Catherine Corsini, a failli ne pas se retrouver en compétition à Cannes. Sélectionné, rejeté, resélectionné, le film, lumineux, délicat et sensuel, avait créé la controverse en raison des soupçons de harcèlement concernant la cinéaste et deux techniciens, et à cause d’une scène de masturbation impliquant deux acteurs mineurs ajoutée au cours de tournage. La scène, filmée en gros plan, sans nudité ni contacts physiques, a été coupée au montage.

Écrit avec Naïla Guiguet, scénariste française née d’une mère sénégalaise et d’un père corse s’étant inspirée de ses propres souvenirs, Le retour évoque en mode mineur La belle saison (2015), où Catherine Corsini, qui puisait à même ses propres expériences, relatait une histoire d’amour entre deux femmes de milieux différents. Bien que les scènes à caractère sexuel y sont plus pudiques, elles n’en sont pas moins dénuées de passion.

Si Guiguet et Corsini n’évitent pas les clichés du récit d’apprentissage sur fond de vacances estivales, elles signent en revanche un drame familial prenant teinté d’une pertinente réflexion à saveur sociale. Écorchant gentiment le couple aisé, condescendant bien que bienveillant, elles traitent avec sensibilité – et parfois même avec quelques pointes d’humour – de déterminisme, d’hérédité et de racisme.

Secondée à la photo par Jeanne Lapoirie (Benedetta, de Paul Verhoeven), Catherine Corsini tire profit des paysages de l’île de Beauté sans pour autant se perdre inutilement dans la contemplation ou la carte postale. Intimiste, attentive, sa mise en scène met bellement en valeur le talent et la complicité du magnifique trio féminin auquel Esther Gohourou apporte du piquant.

Drame

Le retour

Catherine Corsini

Aïssatou Diallo Sagna, Suzy Bemba, Esther Gohourou

1 h 47

En salle

7/10

Madame de Sévigné

Jamais sans ma fille

Lorsque sa fille quitte Paris avec son mari pour échapper à son emprise, une marquise entreprend de lui écrire chaque jour.

Entre 1671, année du départ de sa fille en Provence, et 1696, année de sa mort, la marquise Marie de Rabutin-Chantal, mieux connue sous le nom de Madame de Sévigné (Karin Viard), a écrit plus de 760 lettres à sa fille Françoise (Ana Girardot). Sans le savoir, l’ardente épistolière, qui fréquentait les mêmes salons que Madame de La Fayette (Noémie Lvovsky) et Monsieur de La Rochefoucauld (Robin Renucci), allait offrir à la littérature française ses plus belles lettres.

Le long métrage homonyme que lui consacrent la réalisatrice Isabelle Brocard (Ma compagne de nuit) et son coscénariste Yves Thomas (Saint-Cyr, de Patricia Mazuy) fait toutefois bien peu de place au génie littéraire de la dame. Au moins nous épargnent-ils les détails triviaux quant à l’hygiène de vie de la marquise, qui se plaisait autant à relater à sa fille les cancans de la cour du Roi-Soleil que ses problèmes de digestion.

Objet d’adoration de sa mère, Françoise se sent écrasée par cette femme éprise de liberté, qui brille en société grâce à son esprit vif et la présente comme un prolongement d’elle-même. Inséparables jusqu’au mariage tardif (pour l’époque) de Françoise avec le comte de Grignan (Cédric Kahn), nommé lieutenant-général de Provence par Louis XIV, les deux femmes vivront maintes disputes et réconciliations au gré d’une colossale correspondance et d’intenses retrouvailles.

Madame de Sévigné paraît peu aimable dans l’œil d’Isabelle Brocard, qui déboulonne le fascinant monument littéraire qu’incarne avec grâce et conviction Karin Viard. C’est d’ailleurs le talent de l’actrice, jumelé à celui d’Ana Girardot, qui campe sa fille avec fougue et élégance, qui brille le plus dans ce film en costumes où la simplicité l’emporte sur l’excentricité. Ainsi la réalisatrice favorise les scènes extérieures ensoleillées afin de rappeler l’amour de Madame de Sévigné pour la nature ; au faste de la cour, elle préfère la sobriété des salons intimes.

S’ils célèbrent l’humour caustique et le verbe raffiné de la belle marquise, dans des dialogues qui sonnent souvent de manière artificielle, la cinéaste et son complice s’acharnent à la montrer en mère abusive, intrigante et manipulatrice. Ils s’appliquent également à décortiquer la relation toxique entre ce monstre d’égoïsme et sa fille, qui s’émancipe grâce à l’esprit d’indépendance que lui a ironiquement inculqué sa mère.

Ce faisant, Isabelle Brocard et Yves Thomas développent à peine les personnages évoluant autour des Sévigné mère et fille, négligent l’union entre Françoise et Grignan et évacuent toutes les intrigues politiques du Grand Siècle. En s’attardant à illustrer la mélancolie qu’éprouve la première en l’absence de la seconde, Madame de Sévigné distille l’ennui.

Drame

Madame de Sévigné

Isabelle Brocard

Karin Viard, Ana Girardot, Cédric Kahn

1 h 32

En salle

6/10

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