Internet des objets

Le jumeau numérique de l’intelligence artificielle

Pépinière de nouvelles technologies, l’Hôpital général juif de Montréal a mis en place, en collaboration avec le laboratoire de recherche IoT (internet des objets) de l’UQAM, un système d’armoires connectées qui permet de suivre en temps réel les uniformes utilisés dans les salles opératoires.

« Il y avait un problème avec la gestion des uniformes. Le personnel avait tendance à en prendre plus qu’il ne fallait et l’hôpital devait sans cesse en racheter pour pourvoir aux besoins. La pandémie a accentué cette problématique, sans parler des prix qui ont explosé parfois, le montant a été multiplié par quatre », explique Ygal Bendavid, professeur en gestion des opérations à l’ESG UQAM.

Pour contrer ce syndrome de l’écureuil, le professeur et son équipe ont apposé sur chaque vêtement un système d’identification RFID. « Il s’agit d’un circuit électronique composé d’une antenne et résistant à plusieurs lavages », indique Ygal Bendavid. Ensuite, l’employé n’a qu’à passer sa carte d’identité pour avoir accès au distributeur qui lui remet son vêtement de protection individuelle. Une fois son usage terminé, il suffit de le déposer dans une chute à linge branchée qui enregistre son retour.

« La puce intégrée envoie un signal qui indique en temps réel où se trouve l’uniforme. On ne réinvente pas la roue, mais on importe de meilleures pratiques de gestion d’équipements. »

— Ygal Bendavid, professeur en gestion des opérations à l’ESG UQAM

Évidemment, avant d’implanter un tel système, le centre hospitalier s’est assuré de l’adhésion des parties prenantes, et en particulier de son personnel. « Personne ne veut qu’une opération soit retardée parce qu’il n’y a plus d’uniformes, mais malgré tout, il a tout de même fallu deux ans avant que le projet pilote soit totalement déployé », affirme le professeur.

Des jumeaux numériques

Pour Ygal Bendavid, il ne fait aucun doute que cette technologie est complémentaire de l’intelligence artificielle. « L’un permet de capturer automatiquement tout ce qui se passe en temps réel, et l’autre permet de traiter une immense quantité de données qui proviennent de ce monde physique. On nomme cela les jumeaux numériques », explique-t-il.

Dans un hôpital, ce double usage aide à la prise de décisions. Il peut par exemple amener un gestionnaire à comprendre l’état actuel et futur d’un système de chauffage, de ventilation, etc. Ainsi, il est possible de prévoir son entretien et sa fin de vie. Le jumelage des deux technologies pourrait même améliorer la gestion d’un centre de vaccination. « La performance des centres de vaccination dépend de nombreux facteurs impossibles à analyser par un humain. On pense au nombre de personnes enregistrées, à la météo, à l’augmentation du taux de positivité, aux informations sur les médias sociaux, etc. C’est pour cela que nous avons un projet en cours où l’on regarde cette possibilité », explique Ygal Bendavid.

La technologie quand c’est nécessaire

Si les deux technologies sont complémentaires, cela ne veut pas dire qu’elles doivent toujours aller de pair. « Dans plusieurs projets, il faut évaluer la contribution d’une solution X versus une solution Y en se demandant ce que ça apporterait de plus. »

En contexte de santé numérique de plus en plus à la mode, il est d’avis qu’il ne faut pas se laisser absorber par les innovations technologiques et s’en servir lorsque cela correspond à un besoin. Les uniformes connectés en sont un bel exemple. « Oui, on pourrait analyser le nombre d’opérations prévues dans une journée, la probabilité des heures supplémentaires, le personnel sur place, etc. pour planifier le nombre d’uniformes nécessaires, mais rendu là, est-ce que ces données seraient vraiment utiles, ou cela ne serait beau que sur le PowerPoint d’un gestionnaire ? », demande le chercheur.

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