Petit crochet, grande mission
Toutes les semaines, la scène se répète à Montréal. À peine déposés dans la rue, de nombreux sacs de recyclage sont éventrés par des « valoristes », qui y récupèrent des contenants consignés. Et le contenu du sac se disperse ensuite aux quatre vents. Un banal crochet de métal pourrait régler ce problème.
Lancée par la communauté des valoristes, l’initiative « La Consigne J’accroche » propose aux citoyens de se doter d’un crochet pour y fixer un autre sac où réunir tous les contenants consignés. Le geste peut sembler anodin, mais son impact peut être considérable.
Depuis cinq ans, Denis « Casse la canne » Cassista sillonne les rues de Montréal sur son vélo, vêtu de son gilet de sécurité, à la recherche de canettes et de bouteilles de bière. « Les gens ne sont pas encore conscients de tout ce qui est consigné », raconte l’homme de 59 ans. L’ancien militaire se voit donc contraint de « piger dans le tas », en ouvrant les sacs un à un.
« Beaucoup de gens vont tout vider pour avoir une canette à 5 cennes, mais pas moi. »
— Denis « Casse la canne » Cassista
Parce qu’il tient à la propreté dans son travail, Denis prend le temps de refermer les sacs qu’il ouvre. Mais chaque fois qu’il en a l’occasion, l’homme recommande à ceux qu’il croise d’installer un crochet pour isoler les contenants consignés. « La plupart des gens ont allumé là-dessus », se félicite-t-il.
Vendus 15 $ dans les éco-quartiers participants de Montréal, à peine 187 crochets ont trouvé preneur depuis le lancement du projet, en 2017. Or, les instigateurs du projet, le Regroupement des éco-quartiers, la Coopérative des valoristes et la Société de développement social, restent convaincus de son importance. « C’est beaucoup plus qu’un crochet, c’est un mouvement », soutient Marica Vazquez Tagliero, vice-présidente de la Coopérative de solidarité des valoristes. En situation de précarité, ceux qui écument le recyclage sont souvent stigmatisés et très peu reconnus pour leur travail. Grâce aux crochets, dit Mme Vazquez Tagliero, leurs conditions de travail sont plus « dignes », plus « hygiéniques ».
BON POUR LA RÉCUPÉRATION
La séparation des contenants consignés des autres matières recyclables à l’aide du crochet prévient aussi leur contamination par des fragments de verre ou des résidus alimentaires, signale Simon Octeau, directeur général du Regroupement des éco-quartiers. Au Québec, environ 72 % des contenants consignés sont récupérés. Le reste (28 %) est jeté aux ordures ou dans les bacs de recyclage, estime Consignaction, l’organisme qui administre le système de consignation au Québec. L’adoption du crochet par une grande partie de la population pourrait augmenter ce taux de récupération.
Mais à lui seul, le crochet, qui a d’abord fait son apparition à Vancouver, ne peut pas tout régler. Pour Mme Vazquez Tagliero, il faut aussi d’autres modèles de collecte pour améliorer le taux de récupération. Plusieurs initiatives ont déjà fait leurs preuves ailleurs, dit-elle. Elle cite notamment en exemple les « poubelles participatives », apparues à Copenhague, au Danemark, et qui ont été récemment installées dans certains arrondissements de la ville. Elles sont dotées d’un anneau dans lequel les passants peuvent déposer canettes et bouteilles consignées. Une autre façon de simplifier la vie des valoristes tout en favorisant la récupération.
La rubrique « Planète bleue, idées vertes » fera relâche pour l'été. De retour en septembre.