Que faire avec l’OMS ?

Alors que la pandémie met en lumière des problèmes liés à notre connectivité internationale, elle est devenue une excuse pour des politiques nationalistes, isolationnistes, xénophobes et racistes.

La guerre entre les États-Unis et la Chine pour le contrôle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’est qu’un exemple de ce qui nous attend dans la période post-COVID-19.

Il est pourtant essentiel que les pays occidentaux adoptent des politiques étrangères et multilatérales solidaires pour une sortie de crise sur le long terme. Et nous devons profiter de l’effritement de la position d’hégémonie internationale des États-Unis pour réformer et renforcer nos institutions internationales.

Travailler ensemble

En temps de pandémie, nous devons équiper nos organisations internationales pour qu’elles gèrent les aspects globaux de cette crise. Bien que les États-Unis aient temporairement retiré leur menace de suspendre leur contribution à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il faut prévoir leur départ. Donald Trump n’a donné qu’un mois de répit à l’organisation pour établir une évaluation indépendante de sa gestion de la crise.

Leur départ devra être vu comme une occasion de réformes plutôt qu’une invitation à laisser périr l’OMS. En plus de réinvestir dans l’organisation pour combler la perte de 15 % de son budget, il faudra augmenter sa transparence et son indépendance face aux pays donateurs. Il faut aussi réguler les liens potentiels de certains scientifiques de l’organisation avec des compagnies pharmaceutiques, un lobbying qui était déjà critiqué lors de la crise du H1N1 en 2009.

De plus, les États-Unis ont fondé en 2014 la Global Health Security Agenda, qui compte 67 membres. Si l’OMS n’est pas renforcée, des experts craignent que cette organisation prenne les rênes et soutienne les pays en crise en installant des systèmes de surveillance qui peuvent détecter et contrôler des épicentres de propagation de maladies, mais sans nécessairement améliorer la santé des populations.

Propriété intellectuelle

L’OMS jouera également un rôle crucial pour partager les avancées technologiques dans la création d’un vaccin en libre accès. Alors que nous voyons une solidarité scientifique sans précédent, les règlementations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), comme l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle, priorisent encore le droit des compagnies à breveter des médicaments et à interdire la création de génériques à faible coût. Le régime de propriété intellectuelle international actuel priorise le profit sur la santé mondiale.

Alors que Médecins sans frontières et d’autres organisations appellent à réguler les profits potentiels sur la médication et les vaccins liés à la COVID-19, l’OMS pourra mettre de la pression pour ce type de régulations. L’organisation a déjà lancé un projet de banque de partage scientifique sur le nouveau coronavirus, en appelant les pays à partager leurs recherches de manière volontaire.

Manque d’écoute

Plutôt que de critiquer le manque de réactivité de l’organisation, la crise devrait nous faire réaliser son importance dans la gestion de crise globale. L’OMS a sonné l’alarme et parlait déjà d’urgence mondiale le 31 janvier. Il a fallu plusieurs semaines avant l’implantation de mesures d’urgence par les pays membres.

L’organisation ne peut évidemment pas obliger les pays à adopter l’état d’urgence. Les organisations internationales n’ont que peu de pouvoir coercitif. Et à moins qu’on établisse un gouvernement mondial, ce qui semble peu probable dans le court ou moyen terme, il en demeurera ainsi. Les gouvernements, surtout le gouvernement américain, doivent s’attribuer une grande part de responsabilité quant à la lenteur de leur gestion de crise et cesser de faire porter la faute à l’OMS.

Cette pandémie doit mener à une plus grande coordination internationale plutôt qu’à un nationalisme de repli sur soi. C’est notre seule voie de sortie, et peut-être apprendrons-nous à mieux coopérer pour la prochaine crise.

* Maïka Sondarjee est chercheuse au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM).

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