Umano Medical et la pénurie de personnel

Embaucher à l’international… pour exporter

En avril, Umano Medical, qui fabrique des lits d’hôpital à L’Islet, dans Chaudière-Appalaches, a embauché 16 Maghrébins après avoir reçu 10 000 curriculum vitæ au cours d’une mission de recrutement virtuelle organisée par Québec international. Leur arrivée est prévue pour juillet 2022 et l’employeur cherche une façon de faire construire un immeuble résidentiel pour les loger avec leur famille, alors que les logements sont aussi en pénurie.

« Plusieurs n’ont pas de permis de conduire, alors il faut s’assurer qu’ils pourront se loger dans le village », indique Ghislain Demers, coprésident d’Umano Medical, qui compte 360 employés.

L’entreprise utilise aussi d’autres stratégies pour déjouer la pénurie de main-d’œuvre : ouverture d’un bureau à Lévis, création de postes sur mesure en fonction des talents des gens, augmentation des salaires, etc., mais ce n’est pas suffisant. L’entreprise a une soixantaine de postes affichés dans tous les domaines, du machiniste à l’ingénieur en passant par le chargé de projet et le développeur web.

Forte croissance

De si grands besoins s’expliquent par sa croissance annuelle qui oscille entre 30 et 100 % depuis 2015, année où l’entreprise a lancé sur le marché son premier lit. Umano Medical est en fait le résultat de la fermeture d’une usine dont la production a été délocalisée au Mexique. Les anciens employés, dont Ghislain Demers, ont voulu garder le savoir-faire au Québec en développant leurs propres produits.

« Nos concurrents ont des chiffres d’affaires de plusieurs milliards, alors pour nous distinguer, nous devons investir énormément en recherche et développement pour créer des produits de qualité qui répondent à des besoins concrets, explique M. Demers. Puis, pour que nos investissements soient rentables, nous devons faire de bonnes ventes, et pour y arriver, ça nous prend de gros marchés. »

Umano Medical réalise environ 50 % de ses ventes aux États-Unis, 5 % au Royaume-Uni et 5 % en Australie. Le reste des affaires se réalisent au Québec et dans le reste du Canada.

Malgré les défis de la pénurie de main-d’œuvre, Umano Medical continue de voir grand et de développer ses différents marchés. La construction d’une nouvelle usine est d’ailleurs dans les projets pour pallier la demande.

« Lorsque la nouvelle usine roulera à plein régime, elle aura besoin d’au moins 200 employés, alors on se demande si on ferait mieux de la construire aux États-Unis en raison du manque de main-d’œuvre ici. »

– Ghislain Demers, coprésident d’Umano Medical

Des mesures concrètes pour contrer la pénurie

D’après un récent sondage de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), près de 70 % des entreprises ont dû refuser des contrats ou accumuler des retards de production à cause du manque de main-d’œuvre. De plus, 15 % affirment avoir pensé à déménager de 40 % à 50 % de leurs activités.

L’une des solutions proposées par l’organisme est de créer un programme de voie rapide pour que les travailleurs étrangers temporaires puissent immigrer de façon permanente.

« Faire venir des travailleurs étrangers temporaires est long, compliqué et dispendieux. Ce qui est ironique, c’est qu’une fois qu’ils sont ici, qu’ils ont pris de l’expérience dans l’entreprise et qu’ils se sont intégrés dans la communauté, ils doivent repartir. Plusieurs de ces travailleurs voudraient rester et plusieurs employeurs voudraient les garder. »

– Véronique Proulx, présidente-directrice générale de MEQ

La PDG de MEQ ajoute que les délais pour l’immigration permanente au Québec sont de 24 à 27 mois, alors que dans les autres provinces, ils sont de 12 à 18 mois. « Il faut rattraper notre retard. »

Elle souhaite aussi que le gouvernement accompagne davantage les PME qui ont besoin de travailleurs étrangers alors qu’elles n’ont souvent même pas une personne qui se consacre aux ressources humaines.

« On est rendu à 25 000 postes vacants dans le secteur manufacturier alors qu’on était à 19 000 avant la pandémie, ajoute Mme Proulx. Ça ne fait qu’augmenter. C’est un frein aux exportations et à la croissance. Les entreprises ne peuvent pas juste mettre des robots, parce que ça prend des gens spécialisés pour les gérer et il se fabrique aussi beaucoup de produits sur mesure au Québec. Si le premier ministre veut plus de produits fabriqués au Québec, ça prendra des travailleurs. »

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