Grand Prix du Canada

Le retour de Ferrari

Cela fait plus de 15 ans que Ferrari n’a pas remporté un championnat des constructeurs ou qu’un de ses pilotes n’a pas été sacré champion du monde. Plus de 15 ans, en somme, que le Scuderia n’a pas sérieusement aspiré au sommet de la Formule 1, coincée tantôt derrière Mercedes, tantôt derrière Red Bull.

Ce n’est pas nécessairement cette saison que la mythique écurie renouera avec sa domination des années 2000. Mais les signes d’un retour en force sont manifestes.

L’an dernier, au moment d’atterrir à Montréal, rien ne semblait fonctionner chez Ferrari, installée au quatrième rang du classement, 177 points (!) derrière Red Bull, en tête.

Cette fois, l’écart entre les deux n’est plus que de 24 points, avec Ferrari au deuxième rang. En neuf courses, Charles Leclerc et Carlos Sainz cumulent neuf podiums, soit autant qu’au cours de la saison 2023 en entier. Chacun a aussi remporté une épreuve. Leclerc ne rattrapera peut-être pas Verstappen au classement. Son ascension, néanmoins, est évidente.

Dans un sport individuel, il n’est pas rare d’entendre les athlètes parler de leur progression. De leur gain en habiletés, en maturité, en expérience…

D’une même voix, jeudi, le Monégasque et l’Espagnol ont plutôt justifié leurs succès du moment de la manière la plus simple qui soit : par le bolide qu’ils conduisent.

« Tous les pilotes performent à un haut niveau. La différence, c’est la voiture. Avoir la meilleure voiture, le dimanche [jour de course], c’est ce qui nous fait bien paraître. »

— Carlos Sainz fils

« Comme pilote, tu ne peux pas faire un si grand bond que ça, à moins d’avoir vraiment mal conduit l’année dernière, a abondé Leclerc. Ça revient au travail de notre équipe qui, je pense, a eu une très bonne approche au cours des sept ou huit derniers mois et qui a été rapide à identifier les lacunes sur la voiture. »

La monoplace italienne de 2024 est ainsi « plus facilement manœuvrable et plus rapide » que l’an dernier. Et les résultats sont à l’avenant.

Risques

La campagne 2023 a été la première de Frédéric Vasseur à titre de directeur général de Ferrari, à la suite de la démission de Mattia Binotto.

L’ingénieur français a apporté une touche d’audace, constate Charles Leclerc.

Sous sa gouverne, « les décisions ont souvent été les bonnes », croit-il.

« Une chose importante pour moi, c’est de ne pas avoir peur d’échouer. Dans le passé, nous avons souvent été prudents. Or, parfois, il faut emprunter des directions risquées. Aujourd’hui, nous en récoltons les fruits. »

— Charles Leclerc

Tout n’est pas parfait pour autant. La voiture mérite encore des améliorations, notamment dans les virages à basse vitesse, a illustré Leclerc. « C’est probablement la lacune principale, mais il n’y a pas que cela, a-t-il insisté. Beaucoup de petits détails, en définitive, font la différence. »

Il subsiste aussi des inconnues. La mouture 2024 de la Ferrari, par exemple, n’a pas encore été testée sous la pluie. Et comme par hasard, la météo s’annonce maussade pendant tout le week-end à Montréal.

Pluie ou pas, Charles Leclerc croit que son équipe possède ce qu’il faut pour remporter le titre sur un circuit qui porte le nom d’une légende de l’écurie.

Le coureur souhaite, pour y arriver, « tourner la page » sur son exaltant triomphe à Monaco il y a deux semaines.

« Ma tête est seulement ici, a-t-il assuré. Mon approche ne change pas. Je vais tout faire en mon pouvoir pour obtenir le meilleur résultat possible. »

Ça s’est, jusqu’ici cette saison, plutôt bien passé pour lui à ce chapitre. Et même s’il refuse l’étiquette de favori que ses adversaires veulent lui apposer, il lui sera impossible, au moins pour encore quelques heures, de complètement s’en débarrasser.

Lando Norris et McLaren

L’espoir fait vivre

« Je pense que c’est la partie la plus plaisante pour les gens qui regardent, de dire “qui va gagner ce week-end ?” plutôt que “il va gagner encore”. »

Plusieurs se sont lassés, la saison dernière, de la domination de Max Verstappen et Red Bull. Jusqu’à il y a un peu plus d’un mois, on croyait encore qu’aucune autre équipe n’arriverait à sérieusement menacer le triple champion en titre cette année.

Puis Lando Norris a gagné à Miami. Et Charles Leclerc à Monaco. Ils s’ajoutaient à Carlos Sainz fils, qui avait déjà triomphé au Grand Prix d’Australie en début de campagne.

Soudainement, pour la première fois depuis 2021, trois Grands Prix consécutifs ont été remportés par trois pilotes différents. Il serait bien naïf d’affirmer que Verstappen est menacé pour le titre, mais pour la première fois en deux ans, l’issue des courses semble un peu moins prévisible. Et le spectacle est plus intéressant. C’est l’opinion de Lando Norris, qui a exprimé sans détour son bonheur devant cette compétition en piste, jeudi après-midi, dans les paddocks du circuit Gilles-Villeneuve.

« C’est bon pour nous tous. Tu as de l’espoir, tu sais que tu as une chance au moins. C’est plaisant. Je pense que c’est mieux pour les partisans, pour les gens qui regardent. »

— Lando Norris

« Pour moi, pour Oscar [Piastri, son coéquipier], pour tous les pilotes sur la grille, ou du moins les gars qui conduisent les six meilleures voitures, on arrive au circuit en se disant : peut-être que c’est notre week-end. […] Ça fait en sorte que tout le monde pousse encore plus, prend un peu plus de risques, et retire un peu plus de lui-même. »

« Quand tu sais que tu peux gagner un trophée, ça représente toujours un peu plus, n’est-ce pas ? C’est excitant pour moi. C’est excitant pour l’équipe. Et c’est encore plus excitant pour tous ceux qui regardent. »

Ne rien changer

Quelques semaines ont passé depuis la première victoire en carrière de Norris. Souvenons-nous qu’il a profité d’une rare erreur de Max Verstappen et d’une voiture de sécurité apparue au bon moment pour finir avec 7 secondes d’avance sur « Mad Max » à Miami.

Depuis, il a réussi une deuxième place en Italie et une quatrième place à Monaco. Le voici donc au troisième rang des pilotes à 113 points, à quelque 25 points de Charles Leclerc et à 56 de Verstappen.

Bien sûr, il conduit aussi une voiture désormais capable de rivaliser avec les meilleures. Depuis les améliorations apportées à la voiture en Autriche l’année dernière, au mois de juillet, ça n’arrête plus de bien aller pour McLaren.

Même s’il est désormais un champion de Grand Prix, il n’est pas question pour Norris de changer quoi que ce soit à sa façon de voir les choses et d’approcher les courses. On ne change pas une formule gagnante, dit-on.

« Du moment où tu essaies de trop changer les choses, c’est là que tu commences à sentir la pression ou les nerfs », a expliqué le Britannique de 24 ans. « Je fais la même chose qu’avant : je vais sur la piste, je regarde les données, j’essaie de conduire aussi vite qu’avant. Je me bats juste pour une position plus haute. Naturellement, ça vient avec un peu plus de pression quand tu es en qualifications et que tu essaies d’obtenir une position de tête et tout ça, mais ça ne change pas grand-chose en même temps. »

« C’est vraiment important que je sois à l’aise dans la voiture, confiant, et que je ne réfléchisse pas trop. C’est juste un meilleur sentiment de se battre pour un top 3 ou une victoire. Il y a plus d’excitation et une plus grande motivation. »

— Lando Norris

À Montréal, ce week-end, les pilotes pourraient avoir à composer avec des conditions changeantes, ce qui n’inquiète pas le moins du monde le pilote de McLaren. S’il précise que la voiture couleur papaye ne possède pas « le meilleur DRS » et qu’elle pourrait donc perdre « un peu de vitesse sur un tour comparativement à Ferrari et Red Bull », il refuse de s’avancer sur l’équipe favorite pour remporter les honneurs.

« Avec les vibreurs, qui font grandement partie du circuit ici, ce sera serré. C’est impossible pour moi de dire si ce sera nous, Ferrari ou Red Bull à l’avant. »

Et c’est parfait comme ça. Comme il l’affirme lui-même, « c’est ce qui fait que c’est excitant ».

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