Rock

Grandeur psychédélique

J’connais rien à l’astronomie
Dany Placard
Simone Records
Quatre étoiles

Il dit qu’il ne connaît rien à l’astronomie. Avec son plus récent disque, Dany Placard montre pourtant qu’il sait piloter à vue dans des espaces sans limites, frôler des nébuleuses colorées et traverser avec panache des nuages de poussière d’étoiles.

Le voyage commence avec une guitare grattée qui évoque Run Like Hell de Pink Floyd. Dès lors, le plan de vol est clair : on sent que, même s’il ne reniera pas son côté folk (Pulperie), Dany Placard a une folle envie de planer.

Son rock n’a jamais volé avec autant de puissance et de grâce psychédélique : c’est enlevant, réalisé de manière élégante et le dosage entre les guitares qui pèsent et les claviers qui décollent est d’une justesse inouïe.

Il est étonnant, et même un peu décevant, qu’il cale sur ces musiques-là des textes parfois bassement terre à terre – Tu me manques marque ce décalage de manière assez spectaculaire (« Hier soir j’ai vomi dans l’bain », balance-t-il dès les premières mesures).

Ce décalage dérange, mais n’efface en rien la grandeur d’un disque qui sonne comme une tonne de briques. Avec J’connais rien à l’astronomie, Dany Placard est en orbite. Et on le suit.

Pop

Déroutant

High Road
Kesha
RCA
Deux étoiles et demie

High Road est le quatrième album de Kesha, mais son deuxième depuis qu’elle a perdu son procès contre le réalisateur Dr. Luke (pour agression sexuelle et harcèlement moral). Avec Rainbow, sorti en 2017, Kesha a pansé ses plaies. Avec High Road, elle a plutôt retrouvé une joie de vivre, a-t-elle expliqué en entrevue.

C’est ce qui se dégage de certains airs pop-countryesques de High Road. La chanson Cowboy Blues semble avoir été enregistrée dans une cuisine, alors que sur le duo BFF (avec Wrabel), Kesha rend un hommage (trop candide) aux meilleurs amis. 

Mais quel contraste avec les autres pièces arrangées avec une lourde artillerie pop. Il y a la ballade Shadow, qu’aurait pu interpréter Lady Gaga, ainsi que Tonight et Birthday Suit, où Kesha renoue avec celle qu’elle était sur son premier album, une fille trash qui aime faire la fête et qui multiplie les jurons. Sur Kinky, les crédits de la chanson indiquent même Ke$ha (avec un signe de dollar). Un habile et subtil clin d’œil à la Kesha du passé. 

Mais en fin de compte, tout ce mélange pop hétérogène n’est pas plus original et entraînant que cela. C’est plutôt déroutant. Comme Kesha le chante sur Potato Song (Cuz I Want To), elle en fait à sa tête. Compris ?

Rock alternatif

Sérieux crooner

Have We Met
Destroyer
Merge Records
Trois étoiles et demie

Et dire que tout a commencé en toute modestie dans un petit sous-sol vancouvérois, au milieu des années 90.

Dan Bejar menait alors un projet musical sans grande ambition qui consistait en une exploration des genres, plus précisément à l’ajout de touches numérisées sur des sonorités plus glam et à l’utilisation d’accords de guitares stridentes sur des ensembles à l’esthétisme pop, disco, voire crooner.

Le projet a grandi, porté par la démarche unique de cet artiste, et le groupe Destroyer a pris forme. Il a trouvé son public au milieu des années 2000 et la reconnaissance au début de la décennie suivante – avec Kaputt, en 2011, et surtout Poison Season, en 2015.

Nous arrive le 13e album du groupe, Have We Met, et, encore une fois, Bejar pioche à coup de sonorités synthétisées et de guitares électriques – qui se font plus discrètes ici, laissant place au piano et la basse – dans son terroir de prédilection, soit l’exploration de la musique lissée (yacht rock).

En résulte une pop rock adulte sérieuse – on pense quelques fois à du vieux Pet Shop Boys –, mais qui manque tout de même un peu d’originalité. 

On retrouve cependant un Bejar bien inspiré côté texte où, d’un humour noir – « Just look at the world around you…/Actually, no, don’t look ! » –, il disserte sur les qualités – et surtout les défauts – de la société et de l’être humain.

Chanson

Et la lumière fut

Horizon
Mon Doux Saigneur
Grosse Boîte
Quatre étoiles

Mon Doux Saigneur, sur un premier album homonyme paru en 2017, plongeait en lui pour panser en chansons le suicide de son père. Voilà qu’Emerik St-Cyr Labbé, de son vrai nom, émerge, se tourne vers l’Horizon puis prend la route pour nous trimbaler autre part où pointe la lumière.

Sa plume brute était déjà agile ; elle se déploie ici davantage, portée par des airs country-folk au groove persistant. Les cordes (guitares, lap steel, basse) et la batterie font autorité, jointes par des synthés, des percussions, des chœurs et des sursauts d’harmonica plaintifs. 

Sous ses airs de slacker, Mon Doux Saigneur peaufine des airs lo-fi gorgés d’influences – chanson keb, americana, pop, rock 60’s, psyché, grunge – qui font dodeliner de la tête et du bassin. 

Rarement, au Québec, sonorités anglo-saxonnes et textes signifiants s’arriment aussi bien (Horizon, Traîne Marie). Casa Losodeli et Content, ballade guitare-voix où le « chansonneur » fait la paix avec le destin tragique de son père, closent magnifiquement l’album, coréalisé par Tonio Morin-Vargas et Jesse Mac Cormack. « Reviens en vie si ça te dit, ou bien r’viens pas, y’a rien de grave, comme les autres tu passes. »

Rock

Portrait humain

Thin Mind
Wolf Parade
Sub Pop
Quatre étoiles

Cela fait deux ans que l’album Cry Cry Cry a sonné le retour de Wolf Parade. Cry Cry Cry, ce cri d’urgence, de désespoir, devant un monde flirtant de trop près avec la perdition, un monde qui perdait ses grands hommes (Cohen, Bowie) et portait au pouvoir des personnages nuisibles.

Pour ne pas trop déroger à la thématique, Thin Mind dresse un portrait négatif de l’humanité à notre ère d’écrans et de réseaux sociaux. Un constat que certains titres accueillent tout de même avec une pointe de positif. 

Ce cinquième album, toujours lancé sous étiquette Sub Pop, donne sa place à l’habituel rock mélodique, qui valse ici avec le glam, le post-punk, mais aussi la synth-pop, récurrente, aux claviers omniprésents (Forest Green, Against the Day). Spencer Krug et Dan Boeckner ont bien fait. 

On n’atteint pas le niveau de l’album Apologies to the Queen Mary, paru il y a maintenant 15 ans, mais Wolf Parade accomplit de nouveau ce qu’il fait de mieux : amalgamer habilement ses belles paroles, ses voix enveloppantes, ses mélodies envoûtantes, comme hantées, ses guitares au trémolo percutant et ses rythmes francs. 

Toutefois, la production s’est épurée alors qu’on la voudrait encore volontairement brouillonne. Wolf Parade emprunte une voie plus pop que prog pour nous harnacher. 

Somme toute, c’est avec joie que l’on rencontre Thin Mind. Le groupe indie rock montréalais a cette aura qui ne le quitte pas, que l’on retrouve avec plaisir et dont on s’enveloppe.

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