Terrain de golf de Rosemère

Des taux de contamination supérieurs aux normes

Rebondissement dans le feuilleton du terrain de golf de Rosemère, au cœur d’une controverse dans le nord de Montréal. Selon une étude environnementale obtenue par La Presse, le site n’est pas conforme « aux usages résidentiel et commercial projetés » en raison de taux trop élevés de mercure et d’arsenic. Il devra être décontaminé.

Bien que la Ville de Rosemère se soit engagée à consulter la population avant d’autoriser un éventuel projet résidentiel, ces nouvelles informations inquiètent des résidants. Ils contestent le bien-fondé des démarches entreprises récemment par la Ville et la MRC de Thérèse-De Blainville afin de modifier l’affectation du site au schéma d’aménagement, ce qui ouvrirait la porte au lotissement résidentiel.

En mars, les nouveaux propriétaires du golf ont proposé un projet de lotissement refusé par la municipalité, qui est engagée dans un bras de fer avec le promoteur, Quartier Melrose inc. Ce dernier a racheté le terrain pour 18 millions de dollars en 2018.

Or, selon une étude de caractérisation environnementale obtenue par La Presse, « les sols ne sont pas conformes aux usages résidentiel et commercial projetés sur le site pour les paramètres du mercure et/ou de l’arsenic ».

Le rapport avait été commandé en 2017 par l’homme d’affaires Sylvain Ménard, à la suite d’une offre d’achat de 27 millions de dollars faite aux anciens propriétaires du golf. M. Ménard a retiré cette offre après avoir pris connaissance du document préparé par la firme ABS, qui « recommandait de procéder à une réhabilitation environnementale dans les secteurs des aires de jeu [départs, allées et verts] des [18] trous du golf ».

Le rapport « final » et « confidentiel », dont La Presse a obtenu les « conclusions et recommandations », estime qu’il y a environ 35 793 m3 de sols contaminés, ou 71 583 tonnes métriques, qui ne sont pas conformes aux normes pour un éventuel lotissement résidentiel ou commercial. Les échantillons prélevés indiquent des taux de contamination au mercure et à l’arsenic supérieurs à la norme B, qui est requise afin d’autoriser un projet résidentiel.

Des inquiétudes pour la santé publique

« On est surpris d’apprendre que le site est contaminé à ce point-là et que ces informations ne soient pas connues des citoyens », a réagi Frédéric Pitre, porte-parole du regroupement Rosemère Vert, qui milite pour la conservation du golf.

Selon M. Pitre, qui est également professeur au département des sciences biologiques à l’Université de Montréal et spécialiste de la contamination des sols, la contamination du site est « préoccupante ».

« Il y a beaucoup d’inconnues. On ne sait pas non plus s’il y a encore des pesticides et quel serait l’impact sur la santé publique lors d’une opération de décontamination. »

— Frédéric Pitre, porte-parole du regroupement Rosemère Vert et professeur au département des sciences biologiques à l’Université de Montréal

De son côté, la Ville reconnaît qu’« un terrain ayant servi de golf pendant près de 100 ans » pourrait démontrer « des signes de contamination », mais elle indique qu’elle « ne détient aucun rapport ou étude qui confirmerait ou pas la contamination du terrain de l’ancien golf ».

Soulignons qu’en 2013, le club de golf avait mandaté la firme Sanexen afin d’« évaluer les enjeux environnementaux en relevant la présence d’indices de contamination potentielle et réelle pouvant affecter la qualité environnementale du site ».

Le rapport de 425 pages obtenu par La Presse conclut qu’il y a « des indices de contamination réelle et potentielle sur le site et sur les terrains environnants ». Sanexen recommandait alors une « caractérisation des sols et de l’eau souterraine aux endroits identifiés comme zones de contamination réelles et potentielles ».

Aucune trace officielle d’une contamination

Le terrain de golf ne figure cependant pas au registre des terrains contaminés du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Sur son site internet, la Ville de Rosemère indique qu’il n’y a aucun terrain contaminé sur son territoire.

Le ministère des Affaires municipales a indiqué ne pas avoir été « informé par la MRC d’une potentielle contamination du site ». La MRC Thérèse-De Blainville confirme qu’elle n’a reçu aucune information à ce sujet.

Le directeur des communications de Rosemère, Daniel Grenier, a signalé que la Ville souhaitait faire une étude environnementale du golf, mais les promoteurs ont refusé l’accès au site cet été. L’objectif de Rosemère, cependant, était de trouver les milieux naturels à fort potentiel écologique sur le terrain.

« Bien que nous ayons refusé d’emblée ce projet de développement, car il ne cadrait pas avec la vision urbanistique de la Ville, il est pertinent de souligner que ce type d’information n’avait pas à être divulguée, à ce moment, dans le cadre de cette phase de planification de l’aménagement du terrain », ajoute la municipalité dans une communication écrite.

Le porte-parole de Quartier Melrose, Guillaume Mongrain, a refusé de répondre aux questions de La Presse. Il nous a indiqué que « tout ce qui concerne le projet et son état se retrouve sur [le] site internet informatif ». Or, le site promotionnel de l’entreprise ne fait aucune mention d’une quelconque contamination ou d’un éventuel plan de réhabilitation des terrains.

Échange de mises en demeure

Un groupe de résidants a fait parvenir récemment une mise en demeure à la Ville de Rosemère afin qu’elle mette fin aux démarches entreprises pour modifier le schéma d’aménagement. Ces gens s’expliquent mal cet « empressement » sans avoir même réalisé au préalable d’« études d’impact sur l’environnement, la santé publique et la congestion routière ». Dans une autre mise en demeure envoyée aux nouveaux propriétaires du terrain de golf, Rosemère a demandé à la fin août que Quartier Melrose inc. cesse de laisser entendre dans ses communications que la Ville a donné son aval au projet.

50 % : La Ville souhaite préserver 50 % du terrain de golf pour en faire un parc.

Source : Ville de Rosemère

4354 m: Superficie du terrain racheté par Quartier Melrose inc., soit moins de 1 % du parc Michel-Chartrand à Longueuil

Source : Registre foncier du Québec

La MRC Thérèse-De Blainville a adopté le 7 juillet une proposition qui changerait l’affectation du terrain de golf à son schéma d’aménagement. Celle-ci passerait de « golf » à « résidentielle en milieu paysager ».

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