Essai / L’état du Québec 2023

Des cris et des S.O.S.

Chaque semaine, un de nos journalistes vous présente un essai récemment publié.

« On trottine lentement derrière un climat qui change vite. »

Cette citation d’une des coprésidentes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) se trouve dans l’ouvrage L’état du Québec 2023, en exergue d’un texte rédigé par les économistes François Delorme et Clarisse Thomas.

Elle résume à merveille le constat général qui se dégage de la vingtaine de courts essais regroupés dans ce livre qui tombe à point nommé, au moment où les priorités du gouvernement Legault 2.0 sont déterminées.

Ce constat, c’est que les efforts consacrés tant à la lutte contre les changements climatiques qu’à notre adaptation à ce phénomène sont largement insuffisants.

La dramaturge Annabel Soutar (l’éminence grise de Christine Beaulieu pour la pièce J’aime Hydro) en parle comme de « notre incapacité collective à répondre de manière adéquate à l’urgence du changement climatique ».

L’ancienne porte-parole de Québec solidaire Françoise David est plus cinglante. « Le gouvernement du Québec n’est pas totalement aux abonnés absents. Mais, à côté de ce qui devrait être fait, de ce que les changements climatiques exigent comme mesures et comme leadership, c’est médiocre et inquiétant », écrit-elle.

Le problème, c’est qu’on n’a pas le courage de nos ambitions.

C’est une autre des conclusions auxquelles en viennent plusieurs des quelque 60 personnes (scientifiques, économistes, élus, journalistes du Devoir, etc.) qui ont collaboré à cet ouvrage.

Au Québec, on mise sur une transition douce, alors que nous avons plutôt besoin d’une véritable « transformation », estiment François Delorme et Clarisse Thomas. De solutions « plus incisives et plus concrètes ».

Le professeur de physique à l’Université de Montréal Normand Mousseau est sur la même longueur d’onde. Il rappelle que le Plan pour une économie verte présenté par la CAQ en avril 2022 « vise avant tout la décarbonation des secteurs par des changements technologiques ».

Mais cette approche est stérile. « Elle se présente comme une façon d’éviter de modifier substantiellement les habitudes des citoyennes et citoyens et des entreprises, en préservant largement le fonctionnement de l’économie actuelle. Toutefois, l’ampleur des changements nécessaires à l’atteinte de la carboneutralité est incompatible avec cette prétention que ceux-ci n’auront qu’un effet mineur sur notre mode de vie », souligne l’expert.

Il y a donc beaucoup de cris et de S.O.S. dans ce livre. Mais il y a aussi, rassurez-vous, bon nombre de solutions et de signes encourageants.

À commencer par le fait qu’il existe un consensus clair au Québec sur la question des changements climatiques. Un sondage CROP révèle que c’est un enjeu important pour neuf Québécois sur dix (89 %), qui disent espérer « voir les gouvernements et les entreprises s’y investir davantage ».

Seule note discordante, en 20 ans, le pourcentage de Québécois qui disent être prêts à accepter « davantage de pollution » afin de préserver des emplois est passé de 8 % à 31 %. Une tendance qu’on aurait tout avantage à examiner… et à désamorcer.

Car on ne limitera la hausse de la température de la terre à 2 degrés Celsius qu’au prix d’efforts majeurs.

Le verdict est implacable : aux grands maux, les grands remèdes. C’est pourquoi les experts qui ont contribué à L’état du Québec, à l’exemple de ceux du GIEC, rêvent d’une révolution.

Extrait

« Ce à quoi on se bute le plus, c’est certainement l’attachement des gens à leur mode de vie habituel. Du côté du milieu des affaires, c’est pareil : on fait les choses au nom d’un certain développement économique qu’on ne souhaite pas remettre en question. C’est le cas par exemple avec le développement industriel. […] Bref, tout le monde est pour la protection de l’environnement, tant que ça ne vient pas changer sa propre vie, ses habitudes ou son portefeuille, et ça, c’est un défi. »

– Évelyne Beaudin, mairesse de Sherbrooke

L’état du Québec, ouvrage annuel, est « pensé » par l’Institut du Nouveau Monde. Il s’agit d’un « organisme sans but lucratif et non partisan, dont la mission est d’accroître la participation des citoyen-nes à la vie démocratique, notamment en contribuant au renouvellement des idées et en animant des débats publics au Québec ». Il a été fondé en 2004.

L’état du Québec 2023

Institut du Nouveau Monde

Somme toute

224 pages

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