La santé à la merci de la crise climatique, avertit un rapport

Inondations, canicules, incendies de forêt et autres épisodes climatiques extrêmes créent une pression insoutenable à laquelle les systèmes de santé ne sont pas préparés, prévient le groupe Lancet Countdown dans un volumineux rapport publié mardi.

« Peu de changements significatifs »

Trente ans après l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), on constate « peu de changements significatifs », déplore le septième rapport annuel du Lancet Countdown, un regroupement d’experts internationaux qui publie ses constats dans la revue médicale The Lancet. La demande énergétique mondiale continue d’augmenter et comme à peine plus de 8 % de cette énergie provient de sources renouvelables, les émissions de CO2 provenant de combustibles fossiles atteignent de nouveaux sommets, dénonce le rapport international.

« Notre dépendance persistante aux énergies fossiles menace la santé des générations actuelles et futures », souligne la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, coauteure du compte rendu politique à l’intention des décideurs canadiens et présidente de l’Association québécoise des médecins en environnement.

Subventions et taxe sur le carbone

« Les données du Lancet Countdown montrent qu’en 2019, le Canada a accordé des subventions directes de 2,3 milliards de dollars (dollars américains réels de 2021) à l’industrie des combustibles fossiles », signale le compte rendu canadien. Or, ces subventions ont l’effet inverse de la taxe sur le carbone. En soustrayant ces 2,3 milliards des 4,1 milliards de recettes générés par la taxe carbone cette année-là, le « revenu net sur le carbone » n’est plus que de 1,8 milliard de dollars, font valoir les auteurs. « Ainsi, bien qu’il y ait un prix sur la pollution, il est fortement réduit », notent-ils.

Le pari de la santé

« Des données montrent que lorsqu’on parle de santé en parlant de changements climatiques, ça augmente la volonté et la motivation d’agir pour le climat », signale la Dre Pétrin-Desrosiers, qui est également médecin de famille au CLSC Hochelaga-Maisonneuve. Et améliorer la qualité de l’air, concevoir des aménagements durables qui réduisent la chaleur dans les villes ou réduire les infrastructures routières en favorisant les déplacements actifs sont autant de gestes qui ont des impacts positifs sur la santé des populations, rappelle-t-elle. « D’un point de vue scientifique, mais aussi pragmatique, agir pour le climat, c’est bon pour la santé. On peut voir l’action climatique non pas comme un fardeau ou une restriction, mais comme une occasion d’améliorer le monde dans lequel on vit. »

Des pressions intenables

Le « dôme de chaleur » qui a plombé la Colombie-Britannique à l’été 2021 a fait 619 morts. Les incendies qui ont ravagé l’Australie en 2019-2020 ont causé 450 morts, envoyé plus de 3000 personnes à l’hôpital pour des problèmes cardiovasculaires ou respiratoires et déplacé 47 000 habitants. Plus près de nous, des enquêtes sur les Québécois victimes des inondations de 2019 ont décelé des symptômes d’anxiété, de dépression et de stress post-traumatique, rappelle la Dre Pétrin-Desrosiers. « Ça vient avec une consommation de soins, mais on n’a pas nécessairement la flexibilité requise : actuellement, on parle constamment de détresse psychologique et de listes d’attente en santé mentale… »

S’y préparer

Maladies chroniques exacerbées, asthme aigu, bloc opératoire temporairement fermé : anesthésiologiste à Grande Prairie, en Alberta, le DAlika Lafontaine a vu de près les effets des épaisses fumées provenant des incendies de forêt qui ont ravagé le nord de sa province et la Colombie-Britannique durant plusieurs semaines en 2019. « Il faut commencer à planifier, sinon on va se retrouver dans des situations de crise auxquelles on n’aura pas le temps de se préparer », prévient celui qui est également président de l’Association médicale canadienne (AMC). « Il faut reconnaître que même si ce n’est pas encore rendu à notre porte, ça s’en vient, et apprendre des expériences des uns et des autres dans tout le pays. »

Un regard autochtone

« Au Canada, les premiers impacts se sont souvent fait sentir dans les communautés autochtones, dans les zones nordiques et rurales », rappelle le DLafontaine. Une perspective autochtone que le président de l’AMC, d’origine crie et métisse, entend faire ressortir dans le panel auquel il participe ce mercredi, à l’occasion du lancement du Lancet Countdown. « Un aspect vraiment important de la philosophie et de la culture autochtones, c’est que nous devons aller au-delà de l’ego et de l’individu pour avoir une vision du monde en phase avec l’écologie. Nos actions n’affectent pas seulement les gens qui sont autour de nous, mais les générations qui nous suivront. »

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