Mode

Des manteaux biodégradables

Comment conjuguer l’envie de créer des vêtements et la préoccupation devant la crise écologique provoquée par l’industrie du textile ? De cette question complexe n’émerge aucune réponse toute faite mais, avec les manteaux entièrement biodégradables Olmsted, la Montréalaise Mélanie Ellezam offre une piste de solution.

Mélanie Ellezam n’en est pas à ses premiers pas en mode : c’est elle qui a fondé, en 2005, la société FIG, vendue en 2009. Depuis, elle a travaillé dans divers domaines, notamment en multimédia, mais au tournant de la quarantaine, elle avait envie de retourner à ses « amours » avec Olmsted, une marque qu’elle a démarrée en s’associant à son frère, Samuel Lambert (Lambert & fils).

C’est en voulant s’informer davantage qu’elle a pris toute la mesure de la « crise écologique » dans laquelle est plongée l’industrie de la mode, qu’on place au deuxième rang des plus polluantes sur la planète.

« Pour moi, ajouter à cette industrie extrêmement polluante et de consommation qui n’est pas indispensable, c’était hors de question. »

— Mélanie Ellezam

Un an de recherches

Pendant un an, Mme Ellezam s’est plongée dans des recherches sur les différentes matières, avec comme point de départ une question : qu’est-ce qui rend un produit vraiment écologique et durable ?

Il n’y a pas de réponse toute faite, mais force est de constater que, comme dans plusieurs autres secteurs, le plastique est l’ennemi à abattre. Et que, dans le vêtement, ses dérivés sont omniprésents.

Elle a étudié la possibilité d’utiliser du textile fabriqué à partir de bouteilles de plastique recyclées. « J'en suis venue à la conclusion que ce n’était pas nécessairement une solution : cela enlève de la responsabilité à une industrie, puisque son déchet devient la matière première d’une autre, sans compter qu’en fin de vie, le matériel n’est pas plus décomposable », estime-t-elle.

Un défi de taille

Les objectifs étaient fixés : créer des vêtements totalement exempts de matières synthétiques et, autre enjeu, fabriqués dans des conditions éthiques. Mais il restait à trouver le bon produit.

« Je me suis demandé quel pouvait être mon apport, en tant que Montréalaise. J’ai eu envie de me donner le défi de créer un manteau d’hiver avec les matières les plus écologiques possible. »

Le résultat, après des mois de travail : les manteaux Olmsted, conçus pour des températures allant jusqu’à - 30 oC, et aussi pour affronter diverses conditions climatiques, du froid polaire à la pluie. Ils ne comportent aucun composant en plastique, et sont donc biodégradables, en plus d’être entièrement fabriqués à Montréal, dans le petit atelier de l’entreprise.

Pour y arriver, Mme Ellezam a dû faire preuve de témérité et de persévérance. Ainsi, pour sa couche extérieure, elle a privilégié le coton ciré, résistant et imperméable ; ses recherches l’ont menée jusqu’à la société écossaise Hally Stevensons, fondée en 1864. Seul hic, son coton n’était pas biologique. Après plusieurs mois, elle a convaincu la société de créer un coton biologique ciré spécialement pour Olmsted, qu’elle utilisera aussi dans ses imperméables, prévus pour le printemps.

Privilégier les matières organiques

En excluant toutes les matières synthétiques, le duvet, organique et biodégradable, restait la meilleure option pour l’isolant. Très intéressée par le duvet recyclé, son « idéal », la designer a dû se résoudre pour l’instant à abandonner cette avenue, car la loi québécoise sur le rembourrage oblige encore les fabricants à utiliser seulement des matériaux neufs. Elle s’est donc tournée vers le duvet huttérite canadien, dont les oies sont élevées en liberté « dans les meilleures pratiques », estime-t-elle.

Il restait la question de la fourrure : après ses recherches, cette avenue ne lui semblait tout simplement pas envisageable. C’est donc de la peau de mouton, un animal « domestiqué et végétarien », qui se retrouve dans la doublure de ses cols. Une matière, souligne-t-elle, en quelque sorte recyclée, puisqu’elle l’achète en lots, des surplus vendus par de grandes entreprises.

Tout a été fignolé jusque dans les moindres détails des fermetures éclair (marque suisse Riri), très robustes, qui sont faites d’un métal sans nickel, jusqu’aux étiquettes et aux matériaux d’emballage pour expédier les produits, qui sont à base de papier recyclé biodégradable.

Ce travail et ces matières ont évidemment un prix – à partir de 1500 $ –, ce qui place les manteaux Olmsted dans un marché assez niché, et international, avec comme cible New York, où la marque a déjà fait plusieurs ventes.

« On n’a pas fait un produit en fonction d’un marché ; j’ai eu la volonté de rassembler les meilleurs composants et de faire fabriquer le manteau avec une de qualité de confection élevée », explique Mme Ellezam.

Responsabiliser l’industrie

La jeune entrepreneure n’aime pas trop l’industrie de la mode et ses diktats consuméristes. Minimaliste dans l’âme, comme en témoignent les coupes simples, légèrement « oversized » et sans fioritures de ces manteaux, elle a d’ailleurs nommé son entreprise en hommage à Frederick Law Olmsted, un architecte paysager célèbre à qui on doit le parc du Mont-Royal et aussi Central Park, à New York.

« Il s’est battu pour préserver les espaces naturels et c’était un non-interventionniste, il avait un certain minimalisme dans son approche », explique-t-elle.

Celle qui croit qu’on devrait davantage responsabiliser l’industrie – en obligeant les entreprises à récupérer et recycler leurs produits vétustes – voue par contre un amour véritable à l’objet qu’est le vêtement et à la matière à partir de laquelle il prend vie.

« Kate Fletcher, une auteure qui a écrit sur le “true materialism”, dit quelque chose qui m’inspire beaucoup, soit de chérir la matière. Ce qu’on crée, consomme, achète et produit, de considérer l’impact que ça a et d’en prendre soin. On ne peut vivre sans objets, mais on peut les aimer et les chérir. »

Les manteaux Olmsted pour hommes et femmes sont offerts uniquement en ligne.

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