Arts visuels

Une rivière numérique au centre-ville

L’artiste visuel montréalais Daniel Iregui vient d’inaugurer sa première œuvre d’art numérique permanente dans le centre-ville de Montréal, à la suite d’une commande d’un centre de services Desjardins. Il s’agit d’une installation lumineuse de 11 m de long qui figure une rivière et fonctionne 24 heures sur 24.

Pour sa nouvelle succursale située à l’intersection des rues Peel et Sainte-Catherine Ouest, Desjardins souhaitait dynamiser les lieux avec une animation vidéo. Pour ce faire, l’institution financière avait fait appel à l’agence de production artistique MASSIVart qui lui a soumis les noms de plusieurs artistes visuels. Le choix s’est finalement porté sur Daniel Iregui, qui a proposé un concept différent de ce qui était prévu en mettant de l’avant non pas une œuvre vidéo, mais une œuvre interactive qui réagit à l’animation de la succursale. 

« Desjardins a été très ouvert à quelque chose d’innovant, dit Philippe Demers, fondateur de MASSIVart. Ils auraient pu tout aussi bien mettre des promotions en boucle à cet endroit, avec des taux hypothécaires par exemple, mais ils ont trouvé plus intéressant d’opter pour une œuvre d’art et ont trouvé que Daniel Iregui représentait bien la modernité québécoise. »

Québécois et international 

Artiste nouveau média, designer graphique, programmateur web, concepteur de scénographies et d’installations interactives, Daniel Iregui est le fondateur du studio Iregular réputé pour ses créations originales dans le secteur multimédia. Ses œuvres ont été exposées au Canada mais aussi dans son pays d’origine, la Colombie, en Angleterre, en Espagne, en Chine, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suisse, en Autriche et au Mexique. 

Moins politique et social que la démarche de Rafael Lozano-Hemmer, le propos de Daniel Iregui est tout autant chargé de poésie. Habitué aux galeries, aux espaces publics et aux festivals d’art numérique, il expérimente pour la première fois le fait d’intégrer une de ses œuvres dans une entreprise de façon permanente.

Une rivière de lumière

Son installation lumineuse de 11 mètres de longueur réagit aux activités humaines, notamment au bruit environnant, et génère, au moyen de DEL et d’algorithmes spécifiques, des effets visuels de façon aléatoire. Pour cet artiste de 30 ans qui crée une œuvre tous les deux mois, la programmation est le matériau de base. 

« La programmation est au cœur de l’œuvre, même s’il y a aussi de la création graphique, dit-il. Le logiciel crée une texture organique comme une rivière qui traverse les lieux. »

Intitulée River (Fleuve), l’œuvre évoque le Saint-Laurent avec des flux de lumière se déplaçant de gauche à droite. Des flux toujours inédits puisque la programmation fait en sorte que ce que l’œil perçoit est toujours différent de ce qui a été créé précédemment. L’intensité de l’animation, relativement douce, dépend de l’importance du bruit ambiant (des micros ont été installés dans la succursale) et du facteur temps. 

« L’œuvre est connectée en permanence avec ce qui se passe à l’intérieur du centre de services, dit Daniel Iregui. Elle change aussi selon le calendrier. Selon l’année, le mois, la semaine, le jour et l’heure. De façon théorique, je pourrais faire une photo de l’œuvre à un moment donné et savoir quelle heure il est ! » 

La création paraît ainsi plus sombre durant la journée, compte tenu de la lumière qui provient d’un grand nombre de sources, et elle est plus claire la nuit quand elle se détache de son environnement plus discret. « On la voit alors très bien depuis la rue », dit l’artiste. 

Daniel Iregui a également créé deux sortes d’instantanés de l’oeuvre River, une création réalisée avec l’aide d’une imprimante 3D et une impression en 2D intitulée Extrait Fleuve 1 (400 fragments). De grands tableaux sombres qui se retrouvent dans deux bureaux de la succursale.

Autres œuvres 

On reverra le travail de Daniel Iregui l’automne prochain alors qu’il entamera, avec son exposition Frames, une tournée de dix mois de cinq maisons de la culture montréalaises en commençant par celle d’Ahuntsic-Cartierville où il exposera du 1er novembre au 8 décembre. Il y présentera trois œuvres, dont deux interactives qu’il a créées de 2014 à 2016 à Montréal. 

Autres projets de MASSIVart 

Après avoir travaillé l’hiver dernier à l’intégration d’œuvres d’art dans les espaces restaurés de l’hôtel Reine Elizabeth, et précédemment avec l’hôtel W et les hôtels Alt, MASSIVart connaît, avec Daniel Iregui, sa première incursion dans le domaine financier. L’organisme travaille en ce moment sur un projet d’intégration d’art dans un hôtel aux Émirats arabes unis et a encore bien d’autres idées pour faire connaître les artistes contemporains québécois. 

« On veut s’orienter vers l’intégration d’art dans les centres commerciaux, dit Philippe Demers. On travaille là-dessus depuis trois mois afin de réinventer ces espaces avec de l’art et de la culture. Il semble y avoir beaucoup d’ouverture de la part des centres commerciaux, donc c’est très excitant. »

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