Orchestre Métropolitain

Un Chant de la terre en demi-teintes pour la rentrée

Pour son retour à la Maison symphonique devant public dimanche après-midi, l’Orchestre Métropolitain (OM) a choisi un des sommets du répertoire pour voix et orchestre, le Chant de la terre de Mahler.

Distanciation physique oblige, le chef Yannick Nézet-Séguin a jeté son dévolu sur une transcription de l’œuvre réalisée par Arnold Schönberg (complétée dans les années 80 par Rainer Riehn) qui permet d’exécuter la partition à une cinquantaine de musiciens au lieu du double. Si on excepte la présence du piano, parfois passablement hors de propos (on pense à son entrée tonitruante, à la place des harpes, au début de « Der Abschied »), et la relative maigreur des cordes (seulement cinq ou six musiciens par pupitre), l’arrangement rend assez bien justice à cette musique qui, même dans sa version originale, reste d’essence chambriste.

Habitué à Mahler, un compositeur qu’il dirige depuis longtemps et à qui il a consacré plusieurs enregistrements, Yannick Nézet-Séguin est comme un poisson dans l’eau. Son interprétation relativement étale (au moins cinq minutes de plus que la moyenne des chefs) lui permet de creuser les détails.

Le maestro prend le temps d’accompagner chaque motif du début à la fin et de souligner les nombreuses aspérités harmoniques de l’œuvre.

On peut préférer une approche plus enlevée comme celles (au disque) de Bruno Walter, Jascha Horenstein ou Daniel Barenboim, mais le directeur de l’OM n’en reste pas moins tout à fait convaincant.

Pour assurer les deux parties solistes, Yannick Nézet-Séguin a fait appel à deux collègues de longue date, la mezzo-soprano Michèle Losier et le ténor Frédéric Antoun, deux chanteurs québécois qui ont brillamment fait leurs preuves à l’international.

De la première, nous retenons la beauté de la voix, d’une santé insolente, égale sur tout le registre, à la fois brillante et ronde et bien projetée dans les voyelles comme dans les consonnes. Le très long « Der Abschied » reste toutefois moins maîtrisé, la chanteuse comptant trop visiblement les mesures avant ses entrées et ayant un peu de mal à habiter les intervalles entre ses interventions.

Nous étions surpris de voir Frédéric Antoun s’attaquer à Mahler, lui qui choisit toujours soigneusement un répertoire adapté à sa voix de ténor belcantiste. Le chanteur fait carrière depuis des années dans un répertoire léger (Tamino, Ferrando, Tonio…) et commence à peine à aborder des rôles verdiens plus corsés. Or, Mahler, surtout dans la partie de ténor très bachique du Chant de la terre, demande une voix qui se situe à l’autre bout du spectre vocal, celle de Heldentenor (ténor héroïque), dotée d’un médium fourni et d’un aigu claironnant.

Malgré les indéniables qualités de Frédéric Antoun, on a ici une inadéquation vocale patente. Excellent technicien, il arrive évidemment à faire toutes les notes, mais avec une tension souvent rédhibitoire. Obligé de surcharger les graves pour passer par-dessus l’orchestre, le chanteur voit ses aigus engorgés. Sans présumer de leur emploi du temps, les Canadiens Ben Heppner, John Mac Master ou Michael Schade auraient été ici beaucoup plus à leur place.

Le concert avait commencé par l’œuvre Prayer de la Canadienne Vivian Fung, qui avait été créée sur l’internet pendant la période de confinement. D’une durée d’environ cinq minutes, évoluant dans un univers tonal tacheté d’agréables dissonances, la partition évoque la musique d’Arvo Pärt.

La musique évolue comme une arche, partant d’un accord tenu sur de longues mesures évoluant par tuilage (les différents instruments se passent les notes entre eux), avant un grand crescendo où est entendue une antienne de Hildegarde de Bingen, puis un decrescendo s’éteignant avec un tintement de triangle.

Le concert est offert en webdiffusion à partir du 2 octobre

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