Entente avec Air Canada

Espoir d’un meilleur service aérien régional

Le paysage du transport aérien régional au Québec risque d’être transformé à la suite de l’accord entre Air Canada et le gouvernement fédéral. Des ententes de service avec de plus petits transporteurs seraient annoncées sous peu et laissent espérer une baisse des prix des vols régionaux, mais elles ne font pas que des heureux.

L’accord annoncé entre Air Canada et le gouvernement fédéral prévoit que dès le 1er juin, le transporteur doit recommencer à desservir les aéroports régionaux qu’il avait délaissés en juin 2020, comme Baie-Comeau, Gaspé, Mont-Joli, Val-d’Or et les Îles-de-la-Madeleine (en dehors du service estival).

Air Canada ne desservira pas directement ces destinations, mais aura recours à des ententes interlignes avec des transporteurs régionaux, comme Pascan Aviation, établi à Saint-Hubert.

« Une entente interligne veut dire qu’un passager qui est à Gaspé peut acheter un billet aller-retour pour Paris [avec Air Canada] et faire une seule transaction, explique Yani Gagnon, copropriétaire de Pascan Aviation. Le volet jusqu’à Montréal-Trudeau va être fait par Pascan. »

L’entente annoncée avec Air Canada permettra à Pascan Aviation de desservir les aéroports de Baie-Comeau, Fermont, Mont-Joli, Gaspé et des Îles-de-la-Madeleine.

« À partir de juin, on va commencer les vols vers Montréal-Trudeau. On va être capables d’offrir la connectivité [avec les vols internationaux] à l’aéroport de Québec et à Montréal. »

— Yani Gagnon, copropriétaire de Pascan Aviation

La semaine dernière, PAL, ligne aérienne établie à St. John’s, à Terre-Neuve, et surtout présente dans les provinces atlantiques, a annoncé qu’elle desservirait désormais des destinations abandonnées par Air Canada, y compris l’aéroport de Val-d’Or, faisant dire à plusieurs acteurs du milieu qu’il y aurait une entente entre PAL et Air Canada pour reprendre certaines destinations.

« On voit que PAL met en place des vols partout où Air Canada va abandonner les routes, selon les mêmes conditions que celles que le fédéral exige d’Air Canada. C’est un peu bizarre pour PAL de faire l’Abitibi, déclare Serge Larivière, directeur général de la coopérative TREQ et président de l’Aéroport de Mont-Tremblant. On pourrait suspecter qu’il y a entente entre les deux. »

Air Canada n’a pu confirmer qu’il y avait une entente entre les deux compagnies, déclarant que l’entreprise « planifie servir les communautés par la conclusion d’ententes interlignes avec des transporteurs régionaux », écrit Pascale Déry, directrice, relations médias chez Air Canada.

La ligne aérienne PAL dit quant à elle travailler « en collaboration avec les transporteurs nationaux pour faciliter l’accès aux réseaux domestiques, transfrontaliers et internationaux ».

À Baie-Comeau, le maire Yves Montigny se réjouit de voir que le service aérien sera effectué par une autre compagnie qu’Air Canada.

« Clairement, Air Canada ne doit plus desservir Baie-Comeau, parce qu’on a toujours été mal servis, » dénonce-t-il.

Il déplore l’absence de promotion de ses vols par la compagnie aérienne et considère que le prix des billets vers Montréal était dissuasif et déraisonnable.

« On a d’autres joueurs qui ont levé la main [depuis le départ d’Air Canada en juin dernier] et qui semblent intéressés à avoir un prix raisonnable, continue le maire. Pascan, Air Liaison, PAL et TREQ, qui sont en démarrage. Tout ce beau monde pense que le prix devrait être entre 300 $ et 500 $ » pour un aller-retour à Montréal.

Un impact « pas nécessairement positif »

Si l’accord entre Air Canada et le gouvernement fédéral donne espoir d’une meilleure desserte aérienne en région, certaines compagnies se sentent laissées pour compte et craignent que les lignes aériennes ayant une entente avec Air Canada ne bénéficient d’avantages indus.

« Le retour dans les régions des joueurs majeurs, ça va avoir un impact sur les entreprises locales et ça ne sera pas nécessairement un impact positif », affirme Sébastien Denis, d’Air Liaison, un transporteur régional établi à Québec.

Il déplore que les ententes puissent être négociées avec des acteurs qui viennent de l’extérieur de la province au détriment des lignes régionales qui ont assuré le service depuis qu’Air Canada s’est retirée.

« Ce qu’on trouve choquant, c’est que pendant une période difficile, c’est les locaux qui ont gardé le fort. Et là, on n’a pas accès à de l’aide pour se consolider, grossir. On n’a pas accès aux ressources financières que les majeurs vont avoir pour retourner dans les marchés régionaux. »

— Sébastien Denis, Air Liaison

Air Liaison n’a pas eu d’appel d’Air Canada pour négocier une entente interligne.

À Val-d’Or, en plus d’Air Liaison, c’est la compagnie Air Creebec qui a assuré les vols vers Montréal en l’absence d’Air Canada.

Selon Pierre Corbeil, maire de Val-d’Or, des négociations auraient débuté entre Air Creebec et Air Canada, mais n’auraient pas bougé depuis longtemps.

Pour Serge Larivière, de TREQ, coopérative de transport aérien régional qui n’est pas encore en service, la présence du gouvernement fédéral comme actionnaire d’Air Canada pourrait permettre que les règles de la saine concurrence soient mieux respectées que par le passé.

Sébastien Denis est moins optimiste : « On donne de l’aide financière [à Air Canada] pour retourner dans les régions. Comme le gouvernement a pris des parts dans le transporteur, tu es en concurrence avec ton propre gouvernement. À ce niveau-là, ce n’est pas une concurrence qui est équitable. »

« On ne se bat pas à armes égales », conclut-il.

Aéroport de Saint-Hubert

L’ambition de devenir le numéro 2 de Montréal

L’aéroport de Saint-Hubert, sur la Rive-Sud de Montréal, veut pouvoir se développer pour attirer des compagnies aériennes au rabais et offrir des vols régionaux, nationaux et vers des destinations vacances. Pour se faire, le gouvernement fédéral doit changer une réglementation « anti-compétition » qui l’empêche d’accueillir des vols internationaux.

« Lorsque les choses seront revenues à la normale, on pense que Montréal a besoin d’un aéroport secondaire qui va offrir des vols régionaux, des vols domestiques au rabais et des vols vacances au rabais », dit Charles Vaillancourt, président du C.A. de l’aéroport de Saint-Hubert.

L’aéroport cherche à entrer en concurrence avec les aéroports américains, comme Plattsburgh et Burlington, où se dirigent de nombreux Québécois à la recherche de vols moins coûteux.

Le plan à long terme de l’aéroport comporte trois volets. Il s’agit de continuer à desservir les régions du Québec, mais en ajoutant des vols nationaux au rabais. La présence de transporteurs au rabais canadiens comme Swoop et Flair permettrait d’assurer la connectivité entre les régions et le reste du pays. Flair a récemment annoncé une incursion dans le marché québécois à partir de juillet prochain.

Le dernier volet consistera en une offre de vols internationaux au rabais vers les destinations vacances.

Pour réaliser ce dernier volet, l’administration de l’aéroport demande au gouvernement fédéral de lever un règlement qui stipule que les vols internationaux ne peuvent décoller que de l’aéroport Montréal-Trudeau.

« On préconise une démocratisation du voyage que l’exclusivité consentie à Dorval empêche », ajoute M. Vaillancourt.

La permission de faire décoller des vols internationaux de Saint-Hubert rendrait l’aéroport plus attrayant pour les compagnies aériennes, qui pourraient rentabiliser leurs activités pendant les mois d’hiver.

« Si Transports Canada nous permet de faire ça, on a un modèle d’affaires qui s’autofinance. On peut aller chercher de l’argent pour construire les infrastructures. »

— Charles Vaillancourt, président du C.A. de l’aéroport de Saint-Hubert

M. Vaillancourt ne croit pas qu’une telle augmentation du trafic et la présence accrue d’avions turbopropulsés plus bruyants créeront des problèmes avec le voisinage.

Les plaintes pour le bruit que reçoit l’aéroport sont principalement en lien avec les écoles de pilotage dont les avions tournent longtemps au-dessus des maisons. M. Vaillancourt ajoute que de nombreuses mesures ont été mises en place au cours de la dernière décennie.

« La technologie des moteurs d’avions tend vers des niveaux sonores extrêmement bas par rapport à ce qui se faisait, ajoute-t-il. Un jet qui décolle, on l’entend pendant 20-30 secondes et il est parti. »

« L’acceptabilité va venir en large partie du bénéfice que les citoyens vont retirer de l’aéroport. Présentement, l’aéroport opère, [les citoyens] en subissent les inconvénients sans avoir l’avantage » de pouvoir l’utiliser, explique Charles Vaillancourt.

Le projet n’a pas encore de date de réalisation, mais tient plutôt à une vision de développement à long terme.

« Toutes les grandes villes du monde ont des aéroports primaires et secondaires, conclut M. Vaillancourt. On veut que les gens aient accès à des vols au rabais au départ de Montréal. Il y a un marché pour ça. »

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