COVID-19

La société Moderna a annoncé lundi que son vaccin contre la COVID-19 a une efficacité de 94,5 %. Comme dans le cas de Pfizer, Ottawa a signé une entente avec Moderna lui permettant d’obtenir des millions de doses.

Moderna

Un deuxième vaccin suscite de nouveaux espoirs

Une semaine après Pfizer, une deuxième entreprise pharmaceutique a dévoilé, lundi, des résultats encourageants pour le développement d’un vaccin contre la COVID-19. La recette de Moderna serait efficace à 94,5 % selon les données préliminaires. Les autorités américaines pourraient être appelées à se pencher sur son utilisation d’urgence dès les prochaines semaines.

L’étude de Moderna a été menée auprès de 30 000 personnes. Quatre-vingt-dix participants ayant reçu un placebo ont développé la maladie, contre seulement cinq chez ceux ayant reçu le vaccin expérimental.

Le vaccin de Moderna a de plus rempli l’une des deux exigences de la FDA pour une approbation d’urgence : au moins cinq cas graves de COVID-19 ont été détectés dans le groupe placebo. Moderna en a recensé 11, contre aucun chez les cobayes à qui le vaccin a été administré.

En comparaison, Pfizer et BioNTech, qui ont annoncé le 9 novembre que leur vaccin est efficace à 90 %, n’ont pas précisé combien de cas positifs étaient graves. Ils n’ont pas ajouté de données sur les personnes âgées, alors que Moderna a déclaré que 15 participants ayant eu un résultat positif au test de COVID-19 avaient plus de 65 ans.

Par contre, Moderna n’a pas précisé combien de cas positifs âgés étaient dans le groupe placebo. Si les cinq cas positifs dans le groupe ayant reçu le vaccin avaient plus de 65 ans, cela signifierait que l’efficacité n’est que de 66,7 % dans ce groupe.

Selon Frédéric Ors, PDG d’IMV, entreprise de Québec qui planche aussi sur un vaccin contre la COVID-19, cette omission pourrait signifier que l’efficacité chez les personnes âgées est moindre que la moyenne de 94,5 %. « Ceci dit, avec un nombre aussi faible de personnes, c’est peut-être un effet statistique, dit M. Ors. Moderna veut peut-être attendre d’avoir plus de cas avant de donner une efficacité par âge. »

Moderna a justement indiqué qu’elle demanderait une autorisation d’urgence « dans quelques semaines », quand elle atteindrait le seuil de suivi de deux mois de la FDA et quand elle aurait terminé une prochaine « analyse intérimaire » avec 151 cas positifs. Comme cette analyse avec 151 cas positifs ne fait pas partie des exigences de la FDA, cela pourrait signifier que Moderna souhaite avoir des résultats plus solides ou encourageants à propos des personnes âgées, selon M. Ors. IMV a récemment reçu l’autorisation de lancer un essai clinique de phases 1-2 pour un vaccin contre la COVID-19, sous réserve de finaliser des études précliniques.

Deux vaccins en même temps

Si les deux vaccins sont offerts, ils seront administrés selon les stocks et les besoins. « Il se peut qu’on utilise un vaccin pour une région ou un groupe prioritaire, et un autre pour une autre région ou un autre groupe prioritaire », dit Nicholas Brousseau, de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Cela se fait déjà pour plusieurs vaccins, notamment celui de la grippe.

Peut-on utiliser un vaccin pour une première dose et un autre pour la deuxième dose ? « On le fait pour la grippe, mais pas pour d’autres vaccins », dit le DBrousseau. Cela dit, seuls les enfants ont deux doses de vaccin grippal. Pour le reste de la population, une dose suffit. Il y a cette année quatre vaccins pour la grippe, dont un à haute dose pour les personnes âgées.

« Étant donné les capacités de production des compagnies actuellement et le fait qu’on n’a pas d’indépendance de production de vaccins au Canada tant que le vaccin Medicago n’aura pas fait ses preuves, on n’aura probablement pas le choix d’utiliser plus d’une sorte de vaccin au Canada, ce qui ajoutera aux défis logistiques. »

— Maryse Guay, spécialiste de la vaccination à l’Université de Sherbrooke et au Centre de recherche de l’hôpital Charles-Lemoyne

Medicago, une entreprise de Québec, a lancé la semaine dernière son essai clinique de phases 2-3 pour un vaccin contre la COVID-19.

Don Sheppard, directeur de l’Initiative interdisciplinaire en infection et immunité de McGill (MI4), souligne qu’il pourrait y avoir des différences d’efficacité ou d’effets secondaires en fonction de l’âge ou d’autres critères. « Aussi, il y a la question de la capacité de congélation dans les différents milieux », souligne le DSheppard.

Moderna a promis que son vaccin se conserverait à température normale (entre 2 et 8 degrés, comme la plupart des vaccins) pendant un mois, contre une semaine pour celui de Pfizer. Sinon, ils doivent être conservés à - 20 degrés Celsius pour le vaccin de Moderna et à - 70 degrés pour celui de Pfizer. « Si on peut le conserver un mois dans le frigo, on va pouvoir le distribuer comme les autres vaccins », observe le DBrousseau.

Pourquoi deux vaccins utilisant la même technologie novatrice, l’ARN synthétique, ont-ils des dates de péremption au frigo aussi différentes ? « Avec les vaccins ARN, tout est dans la recette, dit Frédéric Ors, d’IMV. On met l’ARN dans des particules lipidiques pour améliorer le transfert d’ARN et aussi pour stabiliser la formulation. Moderna peut très bien avoir une meilleure recette. »

Rappelons que l’ARN est un code génétique, comme l’ADN. Les vaccins à ARN utilisent un virus inoffensif, dont ils modifient l’ARN pour qu’il produise des morceaux du virus de la COVID-19, le SARS-CoV-2. Ces morceaux de SARS-CoV-2 génèrent une réaction immunitaire chez la personne qui reçoit le vaccin, et la protègent contre le SARS-CoV-2.

FUTURS VACCINS

Les militaires participeront à l’effort de distribution

Ottawa — Alors que la société Moderna annonce avoir mis au point un vaccin efficace contre la COVID-19, les Forces armées canadiennes confirment qu’elles seront mises à contribution pour assurer la distribution des millions de doses que devrait obtenir le Canada durant le premier trimestre de 2021.

Le vaccin produit par Moderna, qui est efficace à 94,5 %, est le deuxième à susciter de vifs espoirs aux quatre coins du monde en une semaine. Lundi dernier, les sociétés Pfizer (États-Unis) et BioNTech (Allemagne) ont dévoilé des données préliminaires sur leur vaccin contre la COVID-19 qui démontraient une efficacité de 90 %.

Dans les deux cas, le gouvernement Trudeau a déjà conclu une entente lui permettant d’obtenir des millions de doses pour vacciner l’ensemble de la population canadienne.

Le Canada a signé une entente avec Moderna lui permettant d’obtenir 20 millions de doses du vaccin, baptisé ARNm-1273, avec des options d’achat de 36 millions de doses supplémentaires, a-t-on confirmé à La Presse lundi.

Et le gouvernement Trudeau a également conclu une entente lui garantissant l’équivalent de 76 millions de doses du vaccin mis au point par Pfizer et BioNTech. Cela permettrait d’offrir un vaccin à l’ensemble de la population canadienne dans les mois qui suivront son approbation.

Rappelons que ce vaccin nécessite deux doses, lesquelles doivent être administrées à trois semaines d’intervalle, et que le Canada compte environ 38 millions d’habitants.

Ententes avec plusieurs sociétés pharmaceutiques

Au cours des derniers mois, le gouvernement Trudeau a appuyé sur l’accélérateur afin de conclure des ententes avec plusieurs sociétés pharmaceutiques engagées dans une course contre la montre pour mettre au point un vaccin. Le but était d’éviter de « mettre tous nos œufs dans le même panier », a-t-on fait valoir.

Résultat : le Canada a sécurisé avec ces entreprises l’équivalent de 414 millions de doses de ces vaccins en développement.

« La stratégie d’approvisionnement du Canada est claire : sur les conseils des experts en épidémiologie et en santé publique, nous avons investi dans le portfolio de vaccins COVID-19 le plus diversifié au monde », a indiqué la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Anita Anand, dans un courriel à La Presse.

« Dans l’intérêt de la santé et du bien-être des Canadiens, nous ne pouvons pas nous permettre de miser sur un seul vaccin. C’est pourquoi nous avons obtenu l’accès à sept vaccins candidats de premier plan et avons rejoint COVAX. Nous n’avons pas mis tous nos œufs dans le même panier. »

— Anita Anand, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, dans un courriel à La Presse

« L’approche responsable du Canada nous a mis en position de force, avec les premières livraisons devant arriver au cours du premier trimestre de 2021, sous réserve de l’autorisation de Santé Canada. En bref, quand un vaccin sera prêt, le Canada sera prêt. »

Plan national de distribution

Témoignant par visioconférence devant le comité de la défense de la Chambre des communes, lundi, le major-général Trevor Cadieu, qui est directeur de l’état-major, Interarmées stratégiques, a indiqué que les Forces armées canadiennes sont en train de mettre un point un plan national de distribution du vaccin qui sera choisi par le gouvernement pour immuniser la population canadienne.

Ce plan est élaboré de concert avec l’Agence de la santé publique du Canada. « Nous travaillons avec optimisme et enthousiasme dans le cadre du groupe de travail sur la distribution du vaccin COVID-19. Plus précisément, les Forces armées canadiennes aident à élaborer un plan de soutien logistique pour le déploiement du vaccin », a déclaré le major-général Trevor Cadieu.

« Nous aidons à établir un centre opérationnel national qui supervisera la distribution du vaccin », a-t-il déclaré. « Ce sera le centre de commandement et de contrôle qui coordonnera la distribution d’un vaccin COVID-19 à travers le pays », a-t-il précisé.

La distribution du vaccin produit par Pfizer et BioNtech pourrait être un défi important. Il doit être conservé à une température de - 75 degrés. Pour sa part, le vaccin de Moderna doit être entreposé dans des installations aux températures de réfrigération standard de 2 à 8 degrés Celsius pendant 30 jours. Il pourrait donc être distribué en utilisant des infrastructures de distribution et de stockage de vaccins largement disponibles.

En fin de journée, le président du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos, qui fait partie du comité ministériel de la COVID-19, a indiqué que la distribution du vaccin sera un défi important.

« Avoir accès à un vaccin est évidemment quelque chose de formidable. Mais le transporter, le stocker, l’administrer est essentiel. C’est pourquoi nous allons utiliser toutes les ressources que les Canadiens peuvent rassembler pour le faire », a-t-il dit.

Un Québécois collabore aux recherches de Moderna

Au lendemain de l’annonce d’un vaccin efficace à 94,5 %, le microbiologiste-infectiologue québécois Michaël Desjardins nous raconte de l’intérieur l’aventure de Moderna.

Michaël Desjardins, vous êtes microbiologiste-infectiologue et travaillez au Brigham and Women’s Hospital à Boston, un des 100 sites de recherche qui ont participé au développement du vaccin de Moderna. Qu’est-ce qui vous a amené à travailler sur cette recherche ?

« J’ai commencé à travailler au Brigham and Women’s Hospital à Boston en novembre 2019, soit quelques mois seulement avant la COVID-19. Je souhaitais notamment faire de la recherche sur la vaccination. » Il s’est donc retrouvé à travailler sur les vaccins contre la COVID-19.

Quelles sont vos tâches ?

« Ma tâche principale dans l’étude de Moderna est d’enrôler et d’assurer le suivi des participants. Je m’occupe du recrutement, du consentement des participants, et je réponds à leurs questions. » Le DDesjardins coordonne également la mise en place des procédés associés à l’étude, notamment les prises de sang, les tests de COVID-19 et l’administration des vaccins. « On a une relation privilégiée avec les participants », précise-t-il.

Comment choisissez-vous les participants ?

Les participants sont d’abord sélectionnés s’ils présentent un certain risque d’attraper la COVID-19, précise le DDesjardins. « Les gens avec très peu de contacts avec les autres ont évidemment un faible risque d’attraper la COVID-19. » Ils s’assurent également de sélectionner des personnes de différentes ethnicités et de différents milieux. « On veut un lot de personnes différentes », affirme-t-il. Ils ont également sélectionné un bon nombre de personnes de plus de 65 ans ou ayant des comorbidités, notamment des maladies pulmonaires, le diabète ou des maladies cardiaques.

Est-ce qu’il y a beaucoup de pression à travailler sur l’un des vaccins les plus attendus de l’histoire ?

« La pression ne vient pas des autres, elle vient surtout de nous-mêmes », indique M. Desjardins. Le spécialiste souligne qu’il veut que les recherches soient faites le plus rapidement possible, mais de façon sécuritaire. Afin d’y arriver, le Brigham and Women’s Hospital à Boston s’est entouré d’une équipe de près de 100 personnes pour travailler sur les essais cliniques des vaccins contre la COVID-19. « Tout est fait selon les règles de l’art pour gérer la sécurité, affirme le DDesjardins. Il n’y a aucune étape qui a été sautée. »

Quels étaient les défis avec ce vaccin ?

« La vitesse à laquelle il fallait faire les études, affirme-t-il sans hésiter. Il est rare que des études doivent être faites si rapidement en vaccination. » Il indique que de nombreuses ressources ont dû être mises en place pour y arriver. « On n’a jamais eu de vaccins approuvés contre aucun coronavirus. » Il précise donc que ce nouveau virus compliquait aussi les recherches.

Comment avez-vous réagi à l’annonce de l’efficacité du vaccin annoncée lundi matin ?

« J’étais très heureux. C’était une belle journée pour la science », se réjouit le DDesjardins, qui souligne qu’il est très encourageant d’avoir des données d’efficacité aussi significatives. Il se dit très optimiste pour l’avenir, tout en demeurant prudent dans l’attente des résultats finaux de l’étude. « On a enfin l’impression qu’on va avoir une solution à ce fléau-là », dit-il.

Quel est votre souhait pour les prochains mois ?

« Que tous les vaccins des compagnies soient efficaces et sécuritaires », indique Michaël Desjardins. Les entreprises auront la capacité de produire des millions de doses, mais elles ne seront pas en mesure de produire 7 milliards de doses aussi rapidement. « Si tous les vaccins peuvent fonctionner, ce serait l’idéal », conclut-il.

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