Science

Un enfant de 7 ans reçoit une greffe de peau transgénique

Un réfugié syrien de 7 ans vivant en Allemagne a reçu une greffe de peau transgénique sur la presque totalité de son corps. Il s’agit de la première preuve concrète de la capacité des cellules souches de transformer les greffes en fournissant des organes, et ce, en réduisant ou éliminant le risque de rejet immunitaire. Nos explications.

La peau

Le patient avait perdu les deux tiers de sa peau à cause d’une maladie rare appelée épidermolyse bulleuse. Les médecins de l’Université de Modène, appelés en renfort par leurs collègues de l’Université de la Ruhr, en Allemagne, ont prélevé une section de quatre centimètres carrés de sa peau intacte. Ils en ont extrait des cellules souches, qui sont à la base de la régénération de la peau, et ont corrigé un gène défectueux responsable de la maladie, liée à la production d’une protéine appelée « laminine bêta-3 » (LAMB3). Cette protéine assure l’ancrage des cellules de la peau entre elles, et donc sa résistance structurelle. « Nous avons fait la preuve que des cellules souches transgéniques pouvaient régénérer un tissu solide en entier », a expliqué, lors d’une conférence de presse mercredi, Michele De Luca de l’Université de Modène, l’auteur principal de l’étude publiée dans Nature le même jour.

La greffe

En deux mois, les médecins italiens ont réussi à cultiver suffisamment de cellules de peau transgéniques pour avoir 0,85 mètre carré de peau. Ils ont greffé cette peau sur le petit patient en trois opérations, d’octobre 2015 à février 2016. Le Dr De Luca avait réussi par le passé à faire deux petites greffes similaires de peau transgénique sur des patients atteints de la même maladie.

Le patient

Seul le prénom de l’enfant, Hassan, a été communiqué aux médias. Sa maladie, surnommée la « peau de papillon » parce qu’elle est fragile aux chocs et ne se régénère pas, s’était aggravée après le voyage de Syrie en Allemagne. La greffe a éliminé 80 % de sa peau malade, et selon ses médecins, il peut maintenant jouer au soccer et se faire de petites blessures sans rester marqué parce que sa peau transgénique se régénère sans problème, près de deux ans après son retour à la maison. Il n’a pas non plus à avoir des applications d’onguent et les poils de sa peau repoussent, contrairement à ce qui se produit généralement lors des greffes de peau. Les parents de Hassan ont accepté de recourir à ce traitement expérimental parce que ses médecins en Allemagne ne voyaient pas d’autre solution que des soins palliatifs jusqu’à sa mort.

L’avenir

« Nous faisons maintenant une étude clinique sur 12 patients atteints de deux autres types d’épidermolyse bulleuse en Autriche, a dit le Dr De Luca durant la conférence de presse. Chaque type d’épidermolyse bulleuse implique une protéine différente. Nous pensons que l’approche pourrait être utilisée pour toutes les greffes de peau et pour d’autres types d’organes éventuellement. Notre technique pour faire pousser les tissus sur un substrat semble rendre les greffes plus faciles. » Il propose que des cellules souches épidermiques soient prélevées sur les bébés atteints de la maladie, parce qu’à cet âge, les cellules souches sont plus vigoureuses.

Cancer

Le Dr De Luca a par contre prévenu que dans d’autres types de greffes transgéniques, le remplacement du gène défectueux, qui implique l’utilisation d’un virus, peut provoquer des cancers. « Le risque de mutagenèse d’insertion a été clairement prouvé avec le système hémapoïétique », responsable de la production de cellules du sang, a-t-il dit en conférence de presse. Des chercheurs français et britanniques ayant utilisé cette technique pour traiter une maladie auto-immune en 2000 ont déchanté par la suite quand le quart de leurs patients ont eu une leucémie directement reliée au remplacement du gène défectueux.

Les cellules souches

Les cellules souches sont des cellules « totipotentes » : elles peuvent se transformer en n’importe quelle cellule du corps humain. Dans les premiers jours de vie de l’embryon, immédiatement après la fécondation de l’ovule par le spermatozoïde, toutes ses cellules sont des cellules souches. Certaines cellules souches survivent dans les organes adultes, mais il n’est pas clair qu’elles soient aussi flexibles que les cellules souches embryonnaires. Cette étude montre le potentiel thérapeutique des cellules souches adultes.

En chiffres

40 

Proportion des patients atteints d’épidermolyse bulleuse qui meurent avant l’adolescence

500 000 

Nombre de personnes atteintes d’épidermolyse bulleuse sur la planète

4000 

Nombre de personnes par année hospitalisées pour des brûlures au Canada

2,5 % 

Proportion des patients hospitalisés pour une brûlure qui reçoivent une greffe de la peau

Sources : DEBRA International, Bradford Burn Study, Université du Wisconsin

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