COMMANDITÉ

La plus québécoise des vacances ?

Au Québec, le camping a pris racine en même temps que les routes. Parce qu’on a beau être entourés de 3,6 millions de plans d’eau et de, genre, 1 000 fois plus d’épinettes, faut toujours bien être capable de s’y rendre. Ça fait que c’est dans la première moitié du 20e siècle qu’on a commencé à camper.

On gage que déjà, à l’époque, on se chicanait en montant la tente et on chialait contre les matelas de sol conçus pour des fakirs. On veut même pas imaginer à quel point tout devait être humide, tout le temps (le GORE-TEX® de 1925, c’était pas top).

Faut croire que le charme de la nature a quand même opéré, vu que 100 plus tard, on continue de remettre ça chaque été. Est-ce que c’est notre coureur des bois intérieur qui trippe autant ?

Avoir la paix (ou plus si affinités)

Les mouches noires, la météo imprévisible, le sable dans les bobettes : rien ne semble dégonfler l’enthousiasme des Québécois quand vient le temps de dormir à la belle étoile. Pour comprendre c’est quoi, le trip, on a demandé à une fille qui préfère camper à -40 oC que de fêter Noël.

Andrée Pharand n’a pas exactement le profil de la campeuse extrême. Elle ne supervise pas une ronde de jeannettes, elle n’est pas née dans le bois, elle ne travaille même pas à La Cordée. Mais pour cette fonctionnaire de 41 ans, le camping n’est pas qu’un simple passe-temps : c’est un mode de vie.

Elle n’est pas seule de sa gang. Les Québécois AIMENT le camping !

Selon un sondage réalisé en 2012 par la Chaire de tourisme de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, 25 % d’entre eux avaient planté leur tente quelque part au Québec dans la dernière année.

C’est-tu parce qu’on vit enfermés plusieurs mois par année ? « De la même façon que nous avons beaucoup de piscines alors que notre été est très court, peut-être en effet qu’on veut profiter au maximum du plein air dès que le soleil se pointe le bout du nez », croit Claudine Barry, chercheuse à la Chaire de tourisme et coauteure de l’étude.

Ce n’est pourtant pas ce qui pousse Andrée Pharand à planter sa tente aux quatre coins du Québec, et ce, presque toutes les fins de semaine… de l’hiver. « Camper l’été ? Arke ! C’est plein de bébittes, il y a du sable partout, tout devient sale... Moi, plus il y a de neige, plus je suis heureuse ! ».

Elle campe de temps en temps l’été, mais c’est surtout pour faire du repérage et y revenir à la naissance du petit Jésus. « La veille de Noël, cherche-moi pas en ville : je suis dans ma tente ! » s’exclame-t-elle. « Les gens me trouvent assez spéciale. Oui, il fait froid, mais t’as le plaisir de te réchauffer au poêle à bois. » (Oui, les poêles à bois de camping, ça existe.)

C’est un ami qui l’a mise au défi d’essayer ce type d’hébergement extrême. Ensemble, ils se sont initiés au « bushcraft », qui consiste à apprivoiser la vie en forêt en apprenant à rendre l’eau potable, à manger du Trillium – une plante comestible – ou à allumer un feu sans l’aide d’un Zippo. La page Facebook d’Andrée, Bushcraft Girl-Québec, témoigne de son intérêt pour la chose.

Décrocher

C’est dur à croire, mais la principale motivation pour près de la moitié des campeurs québécois est le repos. Pourtant, le premier turn-off évoqué par ceux qui détestent le camping est, précisément, le manque de sommeil occasionné par le matelas qui dégonfle, le soleil qui se lève trop tôt, et les oiseaux qui vivent leur vie parce qu’on est chez eux et non l’inverse.

« On ne se repose pas nécessairement, convient Claudine Barry, parce qu’on est toujours en action, mais c’est une façon différente de se détendre ».

Andrée Pharand le trouve, le repos, au fin fond des bois — même si elle y est ben, ben, ben occupée. « Il y a toujours quelque chose à faire : couper du bois, faire à manger... On cuisine quasiment toute la journée, parce que c’est plus long sur le poêle à bois. » Et quand elle dit qu’elle cuisine, Andrée ne parle pas simplement de faire griller des saucisses sur le feu : soupes, déjeuner deux-œufs-bacon et ragoût fait from scratch, à même le sol, font partie de son menu. « En plus, l’hiver, les ours hibernent, alors on n’a pas à avoir peur de se faire voler notre nourriture », dit-elle. Vu de même…

Pour Andrée, tout ça n’a rien d’extrême, bien au contraire. « On prend le temps de vivre ; on retourne à l’essentiel », dit-elle. « Ça m’a calmée intérieurement. Tu n’es plus aussi attaché à ta technologie. Tu réapprends à vivre. Le bonheur est simple : rien n’est compliqué. »

Pour les moins aventuriers, il reste toujours le « prêt-à-camper » (ou le glamping) et le camping urbain. Parfait pour ceux qui n’ont pas nécessairement envie d’égorger un écureuil à mains nues pour le souper.

TEXTE Judith Lussier illustrationS Mireille Saint-Pierre

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