La facture du REM grimpe à 8 milliards
Sept ans de hausse
« On a passé quasiment plus de la moitié du projet dans des conditions de construction hors norme et avec énormément d’impacts », a expliqué le président et chef de la direction de CDPQ Infra, Jean-Marc Arbaud, lors d’une mise à jour publique sur le projet mercredi. Le coût actuel est fixé à environ 7,95 milliards. Une récente estimation du projet citait une somme de 7 milliards, mais plus tôt en 2018, à l’étape des premiers soumissionnaires, le coût estimé était de 6,3 milliards. L’année précédente, en 2017, le coût avait été fixé à environ 5,9 milliards. Mais au départ, lors du lancement du REM, en 2016, la facture prévue était de 5,5 milliards. En sept ans, le prix du REM a donc été gonflé d’environ 45 %, soit 2,45 milliards. Si on compare à 2018 et à l’étape du choix des soumissionnaires, toutefois, la hausse est de 26 %, soit 1,65 milliard. Pour M. Arbaud, la mouture de 2016 n’est cependant « pas le même projet » qu’aujourd’hui. « Il manquait des stations, de trains. Il y a eu énormément de modifications », a-t-il dit.
Trois facteurs
Trois grands facteurs expliquent cette augmentation des coûts, affirme CDPQ Infra : la pandémie et la guerre en Ukraine, d’abord, représentent à eux seuls 800 millions en raison des impacts importants sur les chaînes d’approvisionnement et la disponibilité de la main-d’œuvre. Les explosifs découverts dans le tunnel du mont Royal, en 2020, où ils avaient été laissés sur place en 1912, pèsent aussi lourd dans la balance. CDPQ Infra estime que les retards et les changements aux méthodes de travail engendrés par cet évènement entraînent des coûts supplémentaires de 350 millions. Plusieurs « optimisations » au projet apportées en cours de route ont aussi gonflé la facture de 500 millions. Des travaux visant des infrastructures exploitées par des tiers ont coûté 350 millions et les aménagements demandés pour améliorer les abords des stations, 150 millions.
« Le chemin critique, clairement, il passe par le tunnel. C’est une zone dans laquelle on démarre l’installation des voies ferroviaires. C’est un endroit très difficile. Il faut rentrer d’un côté et de l’autre. »
— Jean-Marc Arbaud, chef de la direction de CDPQ Infra
Des coûts absorbés
En guise de justification, CDPQ Infra affirme que la hausse moyenne des coûts de projets semblables au REM à travers le monde est d’environ 79 %. La hausse de la facture sera entièrement « absorbée » par CDPQ Infra, a néanmoins confirmé M. Arbaud mercredi. Son groupe s’attend toujours à un bénéfice de 8 % sur son investissement. À court terme, il n’y aurait pas non plus de changement sur la redevance d’environ 75,3 cents du passager-kilomètre pour 2023 que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) doit verser à CDPQ Infra. « On est toujours dans ces chiffres-là actuellement », a certifié M. Arbaud. « Selon notre entente avec la CDPQ, cette dernière assume entièrement les dépassements de coûts », a aussi assuré mercredi le cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.
Fiabilité de 99 %, mais…
Depuis l’ouverture du tronçon de la Rive-Sud, CDPQ Infra affirme que le taux de fiabilité du REM est de 99 %, avec six interruptions majeures de service pour un total de huit heures de panne, sur 880 heures d’opération. La moyenne des déplacements atteint 30 000 trajets par jour, en moyenne, avec un pic de 35 000 le 7 septembre dernier. Or, plusieurs enjeux demeurent avec les escaliers mécaniques, les ascenseurs et les communications lors d’interruptions, convient CDPQ Infra, qui reconnaît « l’importance d’apporter des correctifs rapidement ». « On n’est pas encore satisfaits du temps de réponse des ascenseurs, mais chaque fois, les incidents sont réglés et les solutions sont apportées », a d’ailleurs plaidé le premier vice-président aux affaires publiques de CDPQ Infra, Philippe Batani.
La suite en 2024
Jusqu’ici, un seul tronçon du REM est en service, celui reliant la Rive-Sud au centre-ville de Montréal, avec cinq stations, depuis le 31 juillet dernier. En juin 2022, la Caisse de dépôt avait annoncé que la livraison de 18 stations du REM, au centre-ville, à l’ouest et au nord, devait à nouveau être reportée. Pour l’instant, il faudra donc attendre au moins jusqu’à la fin de 2024 pour voir une autre antenne que celle de la Rive-Sud, un échéancier que maintient la Caisse de dépôt. Les tests commenceront au printemps 2024. « À partir de ce moment-là, on aura une idée claire de quand on pourra fixer la date de mise en service », a noté M. Arbaud. Quant au tracé devant relier l’aéroport au centre-ville, la livraison est toujours prévue en 2027 seulement, des travaux de construction de la station devant d’abord avoir lieu jusqu’en 2026. Une fois tous ses tronçons livrés, le REM fera 67 km et comptera 26 stations au total.
— Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse