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Édition du 21 novembre 2023,
section ACTUALITÉS, écran 3
Montréal et Québec — La grève qui s’amorce ce mardi dans le réseau de l’éducation pourrait durer un bout de temps, mais les enseignants ont l’appui de nombreux parents, qui sont à même de voir les « conditions difficiles » dans lesquelles leur travail se fait. Le milieu communautaire, pour sa part, tend la main à ceux qui pourraient manquer d’argent.
Dans une lettre ouverte publiée ce mardi, plus de 350 parents signifient leur appui aux enseignants.
« Nous sommes à vos côtés et nous le demeurerons tant que le gouvernement ne prendra pas ses responsabilités et continuera à mettre en péril l’avenir des enfants québécois », y lit-on.
« Comme à l’habitude, le gouvernement dira que vous vous en prenez aux parents parce que vos moyens de pression nous forcent à trouver des solutions de rechange pour prendre soin de nos enfants. Mais ce désagrément temporaire n’est rien par rapport à la réalité quotidienne que vous vivez », poursuivent les signataires, qui font notamment état des « classes surchargées ».
Vicki Plourde est l’une des deux mères à l’origine de cette lettre ouverte.
« Ce n’est pas vrai [que le gouvernement] va instrumentaliser les parents. On est derrière les profs, on comprend la lutte que les profs vont mener et on veut montrer qu’on est avec eux autres, pas contre eux autres », dit la femme de Québec.
« On voit bien que le système tombe en ruine et que les profs font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont », ajoute-t-elle.
À la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), on ne prend pas officiellement position, mais sa présidente Mélanie Laviolette dit voir que, « sur le terrain, c’est difficile » pour les enseignants et qu’ils ont « besoin d’aide ».
« Les parents sont conscients des conditions difficiles dans lesquelles les profs évoluent, qu’il y a un essoufflement qui se ressent. Comme parents, ce qu’on souhaite, c’est que les enseignants soient les plus aptes à enseigner pour la réussite de nos enfants », dit Mme Laviolette.
« Si ça dure trop longtemps, ça peut jouer sur la réussite des élèves », dit Mélanie Laviolette.
Conciliation avec le Front commun
Face à l’impasse dans les négociations pour le renouvellement des conventions collectives du secteur public, le gouvernement Legault a annoncé lundi la nomination d'un conciliateur, à la demande du Front commun syndical, dans l’espoir d’en arriver à une entente.
Dans le milieu de l’éducation, seuls les syndicats membres du Front commun sont concernés par la conciliation. Celle-ci exclut donc les syndicats de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui négocie séparément avec le gouvernement.
Le conciliateur est Mathieu LeBrun. L’objectif de son mandat, qui débutera ce mardi, est « d’en arriver le plus rapidement possible à une entente négociée avec les syndicats du Front commun », dit le ministre du Travail, Jean Boulet. Au gouvernement, on précise que M. LeBrun aura pour rôle de favoriser les échanges, mais qu’il n’aura pas de pouvoirs décisionnels.
Pour les syndicats, il s’agit d’une « mesure exceptionnelle », dans le contexte où « demander l’intervention d’un conciliateur à la table centrale, ça ne s’est jamais fait ». La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a affirmé que le gouvernement prend tous « les moyens à [sa] disposition pour en arriver à une entente le plus rapidement possible ».
Des appuis et des repas
En parallèle du conflit qui pourrait s’enliser, le milieu communautaire tend la main aux enseignants qui seront en grève et sans revenus. Le Resto Plateau, un organisme qui fournit des repas à prix modiques dans le Plateau Mont-Royal, dit qu’il sera là en cas de besoin.
« On est sensibles à ce que vivent les enseignants en ce moment et notre ressource en sécurité alimentaire s’adresse à toute personne qui peut vivre de la précarité sur le plan économique ou social, et ça va être le cas des enseignants qui n’ont pas de fonds de grève », dit Gaëlle Descary, directrice communautaire au Resto Plateau.
Plusieurs syndicats n’ont en effet pas de fonds de grève. Des syndiqués ne seront pas payés à compter de ce mardi.
« Manger, c’est un droit et tout le monde devrait y avoir accès », dit Mme Descary, qui rappelle qu’il ne devrait pas y avoir de « honte » à aller chercher de l’aide. Le Resto Plateau sert environ 300 repas par jour.
La plus récente mise à jour économique du gouvernement caquiste a laissé sur leur faim les banques alimentaires, qui accusent un manque à gagner de 8 millions pour combler les besoins actuels.
Chez Moisson Montréal aussi, on se dit prêt à répondre à la demande d’organismes qui auraient davantage de besoins en raison des grèves dans le secteur de l’éducation.
Des parents cherchent aussi comment venir en aide financièrement au personnel des écoles. Stéphanie Bourbeau, dont la fille fréquente la maternelle dans une école du quartier Mile End à Montréal, dit qu’elle trouve « absurde » que les profs soient en grève à leurs propres frais.
« Parmi leurs demandes, il y en a qui sont salariales et on leur souhaite de meilleurs salaires, mais il y en a plein qui concernent la qualité de l’éducation : la taille des groupes, tout le soutien offert aux élèves », dit Mme Bourbeau. Elle tente de former un comité de soutien aux profs.
André Péloquin veut lui aussi aider les profs de l’école de sa fille, dans le quartier Rosemont. Il envisage de mettre sur pied une campagne de sociofinancement pour « aider un peu ».
« S’il y a des profs avec une position plus précaire à cette école-là, on pourrait peut-être donner un coup de pouce », dit M. Péloquin.
Les acteurs et les enjeux
Les 420 000 travailleurs du secteur public représentés par la CSN, la CSQ, la FTQ et l’APTS (c’est-à-dire le Front commun) commencent ce mardi une grève de trois jours. Des syndicats n’appartenant pas au Front commun leur emboîteront le pas. La FAE entame jeudi une grève générale illimitée, tandis que la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), qui compte 80 000 infirmières et autres professionnelles en soins, débraie jeudi et vendredi.
La dernière offre gouvernementale est de 10,3 % d’augmentation salariale sur cinq ans, en plus d’un montant forfaitaire de 1000 $ la première année. À cela s’ajoute une somme équivalant à 3 % réservée à des « priorités gouvernementales », ce qui fait que le gouvernement présente son offre comme valant 14,8 % sur cinq ans. Les syndicats ont rejeté cette offre, la qualifiant de « dérisoire ». Ils n’ont pas effectué de contre-offre, ce que réclame par ailleurs Québec.
À partir de quand les écoles seront-elles fermées ?
Dès le mardi 21 novembre, toutes les écoles publiques de la province seront fermées pour au moins trois jours. C’est que le Front commun syndical, qui représente près de 90 000 enseignants et l’ensemble du personnel de soutien des écoles, sera en grève. En conséquence, même les écoles dont les enseignants ne sont pas représentés par ce syndicat seront fermées les 21, 22 et 23 novembre. Les services de garde de ces écoles le seront aussi.
Est-ce que toutes les écoles rouvrent le vendredi 24 novembre ?
Non. La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui représente 65 000 profs, déclenchera une grève générale illimitée (GGI) à compter du 23 novembre. Neuf syndicats sont membres de cette fédération. Ils sont à Montréal, à Laval, à Québec, en Outaouais, en Montérégie, en Estrie et dans les Laurentides.
Sait-on quand ces écoles rouvriront ?
C’est la grande inconnue : combien de temps durera cette grève ? Les centres de services scolaires, dont ceux de l’île de Montréal, ont annoncé la semaine dernière que leurs écoles seront fermées « pour une durée indéterminée ». Les grévistes qui font partie de la Fédération autonome de l’enseignement n’ont pas de fonds de grève. C’est donc dire que ces profs seront sans revenus à compter de jeudi. Or, rappellent les syndicats, les membres se sont engagés dans cette grève en toute connaissance de cause, ce qui montre leur détermination à « se battre jusqu’au bout », disait la semaine dernière Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, à La Presse.
Le réseau privé est-il touché ?
De manière générale, non, mais les enseignants du collège Regina Assumpta de Montréal sont aussi en négociation pour le renouvellement de leur convention collective. Ils ont voté pour tenir quatre jours de grève les 22, 23, 27 et 28 novembre.
Qu’en est-il des cégeps et des universités ?
Les professeurs et une grande majorité des employés des cégeps publics font partie du Front commun, qui observera trois jours de grève les 21, 22 et 23 novembre. En conséquence, tous les cégeps publics (excluant donc les collèges privés) de la province seront fermés. Quant aux universités, elles ne sont pas touchées par ce mouvement.