« Chaque semaine est un record »

L’entreprise montréalaise Hopper fait face à une demande qui « explose »

La montréalaise Hopper élargit son offre de produits alors que la demande pour ses services liés à la réservation de voyages atteint un niveau de popularité record. Le grand patron de l’agence de voyages en ligne réalise toutefois que l’engouement actuel est insoutenable.

« C’est la folie en ce moment », lance le fondateur et PDG de Hopper, Frédéric Lalonde. « Chaque semaine est un record. »

Les gens ont envie de voyager après deux ans de pandémie, et ça se sent à travers l’industrie.

Hopper a doublé ses revenus depuis six mois, dit Frédéric Lalonde. « Booking vient d’enregistrer son meilleur trimestre depuis sa fondation en 1997 et eDreams, l’Expedia européen, vient d’annoncer ses meilleurs résultats en 10 ans », ajoute-t-il.

« En ce moment, on ne sent pas que le contexte économique pourrait freiner l’enthousiasme des voyageurs. Mais c’est absolument certain que dans l’année qui vient, il va y avoir un ralentissement », croit Frédéric Lalonde.

« C’est impossible que ce qui se passe en ce moment soit soutenu, parce que c’est deux ans sans voyager, c’est la réalisation que le gouvernement peut nous empêcher de voyager, ce que personne n’aurait cru possible. Mais c’est aussi en raison du fait que les gouvernements ont donné énormément d’argent aux consommateurs durant la pandémie. Les gens ont accumulé peu de dettes sur leurs cartes de crédit, alors ça a créé un supercycle, une vague anormale. »

La montée des taux d’intérêt rend les hypothèques et les autres dettes plus onéreuses, la volatilité boursière fait pression sur les épargnes de retraite, et l’inflation gonfle la valeur des biens de consommation.

« Il y a probablement une récession qui s’en vient. Ça ne peut pas continuer comme ça », dit Frédéric Lalonde en parlant de la demande pour des réservations de vols, d’hôtels et de véhicules de location.

Nouveaux produits

La demande et les coûts du carburant combinés à la capacité limitée font pression sur le prix des billets d’avion et les tarifs des hôtels et des voitures de location. C’est pourquoi, selon Hopper, le prix des voyages cet été atteint des sommets par rapport aux années précédentes.

La direction ajoute que les prix élevés, les retards fréquents et l’incertitude persistante exacerbent l’anxiété des consommateurs et que les produits financiers conçus par Hopper viennent calmer cette anxiété.

Hopper teste quelques nouveaux produits financiers depuis le début de l’année et elle est maintenant prête à les lancer officiellement.

La nouveauté préférée de Frédéric Lalonde est le produit « quitter peu importe la raison ». Ce produit permet de quitter l’hôtel au moment de l’enregistrement ou après celui-ci, et de réserver gratuitement une chambre dans un nouvel hôtel de la même catégorie d’étoiles sans frais additionnels.

« On peut arriver à l’hôtel et réaliser qu’il y a un marteau piqueur à côté de sa chambre », dit Frédéric Lalonde. L’insatisfaction peut aussi être en lien avec le ménage qui n’est pas à la hauteur, ou simplement avec le fait que le client s’attendait à avoir une vue sur la mer.

« Nous sommes les seuls sur la planète à offrir ça. »

— Frédéric Lalonde

Offrir un produit comme celui-là est facile, de l’aveu même du PDG. Ne pas perdre d’argent en l’offrant est une autre paire de manches. « C’est difficile », admet-il en expliquant que le coût est calculé de façon dynamique.

« Quand quelqu’un réserve une chambre au Ritz-Carlton et décide qu’il ne veut pas aller là, il nous faut payer au complet la nouvelle réservation. Il n’y a aucun risque pris par le fournisseur [hôtel ou transporteur aérien]. Il faut être extrêmement bon à calculer le risque. »

À chaque transaction, des algorithmes calculent à quel prix vendre le produit en fonction du risque. Si un client achète un billet d’avion avec une assurance correspondance et qu’il est connu qu’un ouragan se dessine, le prix va augmenter.

De façon générale, Frédéric Lalonde estime que le coût oscille toujours entre 6 et 15 % du prix du produit de voyage acheté. « Si vous achetez un billet d’avion à 100 $, ça va coûter en moyenne de 6 $ à 15 $. »

Dans un contexte où la demande « explose » et que « tout est plein partout », le PDG a de la difficulté à cacher son enthousiasme quant au succès et à la popularité potentielle de ce nouveau produit.

Annulation et gel

Hopper offre maintenant la possibilité – déjà offerte pour les vols – d’annuler instantanément un séjour, peu importe la raison, si l’enregistrement n’est pas déjà fait, et de se faire rembourser le coût de la chambre sans frais.

Autre nouveauté, les produits permettant de geler des prix de vols sont maintenant offerts pour la location de voitures pour une période allant jusqu’à 21 jours. Si le coût augmente, Hopper paie la différence jusqu’à 100 $, et si le coût baisse, le client paie le prix le plus bas.

« C’est important parce que ça veut dire qu’il est possible de geler un prix pour à peu près tout ce qui est disponible dans l’application de Hopper », dit Frédéric Lalonde.

Hopper a par ailleurs vite réalisé que les raisons de réserver directement auprès de son transporteur aérien ou de sa chaîne hôtelière sont nombreuses, ne serait-ce qu’en raison des programmes de fidélité.

Les produits financiers de Hopper sont donc désormais offerts aux utilisateurs, peu importe l’endroit où ils réservent.

« Si vous réservez directement sur le site d’Air Canada ou de n’importe quel transporteur, vous pouvez maintenant ajouter les produits de flexibilité qui étaient jusqu’à maintenant uniquement disponibles si vous étiez un client de Hopper. »

— Frédéric Lalonde

« On aimerait que tout le monde achète sur notre plateforme, mais la réalité est que ce n’est pas de cette façon que l’industrie fonctionne. Le fait de pouvoir ajouter ces produits financiers sur n’importe quelle réservation nous permet de franchir une nouvelle frontière. »

Hopper, dont la valeur a été estimée à 5 milliards US il y a six mois à peine, ne divulgue pas ses revenus. Le PDG soutient par contre qu’ils sont aujourd’hui 30 fois supérieurs à ce qu’ils étaient en 2019 avant la pandémie, notamment en raison de l’ajout des différents produits financiers développés.

La valeur brute des réservations sur Hopper devrait cette année se situer entre 4 et 5 milliards US.

Hopper compte notamment Investissement Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec, OMERS (la caisse de retraite des employés municipaux de l’Ontario), Brookfield et Inovia parmi ses investisseurs.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.