#FreeBritney

Faut-il libérer Britney Spears ?

Admirateurs en colère, théories du complot, mot-clic en vedette sur toutes les plateformes : le mouvement #FreeBritney prend de l’ampleur et soulève de nombreuses interrogations. Pourquoi tant gens croient-ils que Britney Spears – sous tutelle depuis 2008 – est en danger ? La starlette a-t-elle lancé des appels à l’aide cryptés sur Instagram ? La Presse décortique le phénomène en cinq points.

La tutelle

2008. Des images de Britney Spears le crâne rasé font le tour des tabloïds. On apprend que l’artiste a perdu la garde de ses enfants et qu’elle séjourne fréquemment en maison de repos. L’ancienne enfant-vedette, atteinte de troubles de santé mentale, est en pleine descente aux enfers.

Cette même année, déclarée inapte à prendre soin d’elle-même, la chanteuse est placée sous la tutelle de son père, Jamie Spears, et d’un avocat, Andrew Wallet.

Depuis, Wallet a démissionné et papa Spears, gravement malade, a désigné comme tutrice la personne responsable des soins (care manager) de Britney, Jodi Montgomery. Douze ans plus tard, Britney Spears est toujours sous tutelle légale. Une situation qui n’étonne pas le professeur de sociologie de l’UQAM, Henri Dorvil.

« En général, au niveau de la représentation sociale de la maladie mentale, on a toujours considéré une personne qui en est atteinte comme une éternelle mineure, une personne qui n’a pas grandi », résume-t-il. On ne connaît pas les détails de la tutelle de Britney Spears ni de son état. Toutefois, la mesure initialement temporaire a été prolongée indéfiniment par la cour.

L’indignation

Si elle était assez en santé pour faire paraître quatre albums et partir en tournée durant la dernière décennie, comment se fait-il que Britney Spears n’ait légalement aucun droit sur sa propre personne ni sur sa fortune ? se demandent ses admirateurs.

Depuis quelques mois, ils mènent une véritable croisade pour la « libération » de la chanteuse. Sur Twitter, le mot-clic #FreeBritney (« Libérez Britney ») est partout. Une pétition #FreeBritney de près de 100 000 signatures circule. Des comptes se consacrent à mettre en lumière la situation présumée de Britney Spears, qui serait privée de ses droits de base (conduire, voir qui elle veut, dépenser plus qu’un certain montant d’argent), selon certains admirateurs.

Sous chaque publication Instagram récente de Britney Spears, des centaines de messages lancent des appels à sauver Britney Spears, évoquent des théories sur l’emprise qu’ont ses tuteurs sur elle et posent des questions récurrentes : où est Britney et comment va-t-elle vraiment ?

« Les célébrités fascinent les gens, explique Marie-Ève Carignan, professeure au département de communication de l’Université de Sherbrooke. Ils ont l’impression d’en savoir peu et veulent aller creuser pour mieux comprendre. Surtout quand on a des pans inconnus. Dans le cas [de Britney Spears], on sait peu de choses sur la tutelle à laquelle elle est soumise, c’est donc normal que ce soit un objet de [conjectures]. »

Les débuts de #FreeBritney

La tutelle de Britney Spears, aujourd’hui âgée de 38 ans, a été réévaluée par un juge le 22 juillet, à Los Angeles, à la demande de la chanteuse. Mercredi, un groupe de manifestants s’est réuni devant le tribunal où se tenait l’audience.

Si le mouvement a été lancé peu après sa mise sous tutelle, en 2008, c’est en 2019 qu’il devient viral. Alors qu’elle doit entamer une résidence à Las Vegas, Britney Spears annonce le report de ses spectacles et une pause indéfinie, puis cesse subitement de s’exprimer sur les réseaux sociaux, alors qu’elle avait pourtant habitué ses abonnés à de fréquentes publications.

Le site TMZ dévoile ensuite que Britney est de retour en maison de repos. Ne faisant ni une ni deux, ses admirateurs s’alarment sur Twitter, et plusieurs personnalités publiques joignent leur voix au mouvement. Miley Cyrus en a parlé lors d’un concert, Cher a retweeté un article parlant de la campagne, Paris Hilton et Courtney Love ont utilisé le mot-clic #FreeBritney, Rose McGowan a publié une vidéo sur YouTube où elle demande que Britney soit libérée.

« Quand des vedettes vont partager ces thèses et ces mots-clics, ça va donner du poids, parce que les gens vont s’appuyer sur le fait que telle personne les a partagés pour dire que c’est crédible », note Marie-Ève Carignan.

Les théories du complot

En 2009, la rumeur veut que le père de Britney (plus tard accusé de violences envers son petit-fils) l’ait menacée de l’empêcher de voir ses enfants si elle n’acceptait pas la mise sous tutelle. Ce sont les débuts de la campagne Free Britney. Dix ans plus tard, en 2019, la baladodiffusion Britney’s Gram propose une théorie, appuyée par un message vocal anonyme d’une « source sûre », voulant que Spears ait été internée contre son gré l’an dernier et que son père ait annulé sa tournée pour la punir d’avoir refusé de prendre ses médicaments.

Les révélations de Britney’s Gram ont fait grimper le niveau d’inquiétude des admirateurs et relancé le mouvement #FreeBritney. Beaucoup de gens qui se positionnent par le mot-clic #FreeBritney ont un comportement similaire à ceux qui adhèrent à des thèses complotistes, soulève Marie-Ève Carignan.

« [Les gens] commencent à y croire et vont aller fouiller pour en savoir plus sur ce qui leur semble devenir la vérité. Ils vont avoir tendance à se baser sur des éléments comme des photos ou des publications et se mettre à y chercher des sens cachés. »

— Marie-Ève Carignan, professeure au département de communication de l’Université de Sherbrooke

911 dans les cils

Récemment, les théories du complot se sont amplifiées. Certaines veulent que quelques-unes des vidéos de Britney Spears soient des appels à l’aide. Par exemple, une photo publiée sur Instagram où des internautes disent voir « Call 911 » tracé dans ses cils.

Le « biais de confirmation » donne l’impression que tout ce qui se passe confirme un complot, explique Marie-Ève Carignan. Alors que la campagne #FreeBritney battait son plein en 2019, à la suite des allégations d’internement forcé, Britney Spears avait finalement publié sur Instagram une vidéo (vue 11 millions de fois à ce jour) pour mettre fin aux rumeurs. « Ne croyez pas tout ce que vous voyez et lisez », avait-elle écrit, en demandant que l’on respecte sa vie privée. Mais lorsqu’une théorie du complot est bien ancrée, « on va retenir ce qui confirme notre idée et on va évacuer tout le reste, comme lorsque la chanteuse dit que tout va bien et qu’on y répond qu’elle a certainement parlé sous contrainte », analyse Marie-Ève Carignan.

La chercheuse précise que la théorie du complot et les hypothèses farfelues ne veulent pas dire qu’il n’y a pas de problème à la base… Il n’y a simplement pas assez de preuves tangibles que c’est bien le cas.

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