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L’expulsion de l’ex-imam Hassan Guillet du Parti libéral du Canada a continué de faire réagir hier.

Chronique

Les curieux partages de Hassan Guillet

À peu près personne ne connaissait Hassan Guillet avant l’attaque de la Grande Mosquée de Québec. Lors d’une cérémonie à la mémoire des victimes de l’attaque, alors que le sang était à peine sec, l’imam Guillet a tenu des paroles de modération et de pardon qui ont fait le tour du monde (1).

L’assaillant de la mosquée, avait dit M. Guillet, était en quelque sorte lui aussi une victime, une victime de cette ère qui suinte l’intolérance.

Ses propos avaient fait le tour du monde. Le New York Times l’avait salué. Le Guardian de Londres aussi. L’auteure de Harry Potter l’avait encensé sur Twitter.

Hassan Guillet est alors devenu une sorte de star au Québec, un exemple de réserve et de dignité, un rejet de l’extrémisme.

On connaît la suite. Fort de sa notoriété récente, Hassan Guillet devait être le candidat du Parti libéral du Canada dans Saint-Léonard–Saint-Michel…

Jusqu’à son éjection récente du Parti libéral, qui lui a retiré la nomination après que des propos jugés antisémites et anti-israéliens eurent été récemment révélés par l’organisation juive B’nai Brith (2).

En lisant les révélations du B’nai Brith, j’étais dubitatif. On reprochait notamment à Hassan Guillet d’avoir relayé sur Facebook une vidéo célébrant la libération d’un militant pro-Palestine, Raed Salah. On lui reprochait aussi d’avoir affirmé qu’Israël pratiquait une politique d’apartheid envers les Palestiniens.

J’étais dubitatif parce que célébrer la libération des prisons israéliennes d’un homme militant pour la Palestine n’est pas en soi répréhensible.

Et même en Israël, l’idée que l’État hébreu pratique une forme d’apartheid envers les Palestiniens n’est pas une idée en soi haineuse. Même hors d’Israël, l’idée a ses adeptes, comme l’ex-président américain Jimmy Carter.

Sauf qu’en creusant un peu, on découvre que Raed Salah est un militant du Hamas – une organisation qui souhaite la destruction d’Israël – qui croit que les juifs font du pain avec le sang des enfants non juifs et que les juifs ont reçu l’ordre de ne pas se présenter au World Trade Center le 11 septembre 2001, entre autres conneries complotistes…

Puis, ces derniers jours, j’ai reçu d’autres informations. Hassan Guillet a aussi partagé sur Facebook – le 4 avril 2016 – la photo d’un homme du nom de Mohamed al-Gazhali, accompagné d’une de ses citations en arabe : « Vous n’avez pas à être un collaborateur pour bien servir l’ennemi, il suffit d’être un imbécile. »

Qui est Mohamed al-Gazhali ?

C’est un penseur de l’islamisme moderne, un Égyptien qui fut important dans l’organisation radicale des Frères musulmans. En 1992, Gazhali s’est porté à la défense d’islamistes qui avaient assassiné un intellectuel laïque égyptien du nom de Farag Fouda (3). Ceux qui s’opposent à la loi islamique méritent la mort, avait décrété le sympathique Gazhali.

Hier, Hassan Guillet s’est défendu d’être antisémite ou anti-israélien en conférence de presse, tout en exigeant de Justin Trudeau d’être réintégré sous la bannière libérale.

Je l’ai interviewé hier à mon émission, au 98,5 FM (4). Sa défense, pour avoir relayé du contenu célébrant les extrémistes Raed Salah et Mohamed al-Gazhali, est simple : je ne les connaissais pas…

Il y a ici deux scénarios.

Un, Hassan Guillet célébrait des islamistes qui n’ont aucun goût pour la modération, il le savait et ce n’était pas un problème pour lui avant que la chose ne devienne publique.

Deux, Hassan Guillet ne savait pas, mais partageait du contenu sans s’embarrasser de vérifier avec une simple recherche Google qui étaient ces hommes dont il célébrait d’une part la libération, d’autre part les miettes de « sagesse ».

Je veux bien donner le bénéfice du doute à Hassan Guillet et croire qu’il n’avait aucune idée que Raed Salah est un membre du Hamas (dont la charte prédit la destruction d’Israël) et que Gazhali est un islamiste qui a applaudi l’assassinat d’un « apostat ».

Disons que cette ignorance des faits n’est pas de la science-fiction. Ça se peut, même si je trouve ça un peu tiré par les cheveux.

Mais même si Hassan Guillet est victime d’une sorte d’imbroglio consternant, même s’il a été piégé par son ignorance de faits pourtant faciles à vérifier, reste qu’il a partagé le contenu d’authentiques salauds. Il a partagé du contenu qui glorifie des extrémistes.

Qu’il n’ait pas vérifié qui sont Raed Salah et Gazhali dans la galaxie de l’intolérance islamiste n’est pas en soi un péché capital pour Hassan Guillet, le citoyen.

Ce l’est pour Hassan Guillet, l’aspirant député.

C’est pour ça qu’au fond, la défense d’ignorance de Hassan Guillet compte peu. Un candidat qui aurait partagé du contenu du fasciste français Jean-Marie Le Pen en plaidant ne pas savoir de qui il s’agissait ne resterait pas candidat longtemps, que ses explications soient vraies ou pas.

Peu de partis tolèrent qu’un candidat flirte ainsi avec des idées extrémistes. Cette intolérance à l’extrémisme est une bonne nouvelle.

Et les islamistes glorifiés dans le contenu partagé par Hassan Guillet sur Facebook sont exactement cela : des extrémistes.

Ce qui est surprenant, c’est que Hassan Guillet soit surpris d’avoir été éjecté du Parti libéral.

Actualités

Hassan Guillet se défend de toute conviction antisémite

Cinq jours après son expulsion du Parti libéral du Canada (PLC) pour avoir tenu et relayé des propos jugés antisémites sur Facebook, Hassan Guillet a présenté sa version des faits, hier matin, dans une salle de Saint-Léonard. L’ex-candidat en a profité pour écorcher son ancien parti au passage.

Lors d’une conférence de presse, l’ex-imam et ingénieur s’est défendu de toute conviction antisémite.

Au dire de M. Guillet, le Parti libéral aurait reçu au cours de l’été, d’une source encore inconnue, un document dans lequel étaient détaillés certains de ses écrits. Ayant pris connaissance du document, la formation aurait invité M. Guillet à une rencontre, le 8 août, pour s’expliquer. Il aurait alors été décidé qu’un plan d’action serait adopté pour contrer les allégations d’antisémitisme qui pourraient faire surface contre le candidat-vedette. Selon M. Guillet, ce plan d’action aurait été adopté le mercredi 28 août. Durant ces rencontres, les membres du parti l’auraient assuré qu’ils ne le croyaient ni raciste ni antisémite, a-t-il affirmé.

Ce plan d’action n’aurait jamais été mis à exécution. Vendredi dernier, alors que les accusations ont été révélées au grand jour par le B’nai Brith, un représentant du parti aurait pris contact avec lui pour lui offrir de choisir entre la démission ou l’éjection. Selon M. Guillet, cette décision aurait été motivée par la crainte du Parti libéral de devoir affronter une tourmente dommageable en période électorale. « Ils avaient peur des médias », a-t-il déclaré.

Des commentaires qui dérangent

En décembre 2016, M. Guillet a écrit dans un commentaire que « les sionistes contrôlent la politique américaine » et, dans un autre, qu’Israël est un État d’apartheid.

On lui reproche aussi le partage, en avril 2016, d’une photo incluant une citation de Mohamed al-Ghazali. Ce dernier est un éminent théoricien islamiste égyptien, mort en 1996, qui approuvait l’assassinat de ceux qui ne se soumettraient pas à la loi islamique. M. Guillet a dit ne pas connaître l’entièreté de l’œuvre du personnage et a expliqué avoir partagé la citation parce qu’elle lui plaisait.

En janvier 2017, M. Guillet a relayé une vidéo célébrant la libération de Raed Salah, militant du Hamas qui a tenu des propos antisémites. M. Guillet a dit qu’il voulait simplement partager la vidéo d’un homme qui s’était fait arrêter alors qu’il manifestait contre la fermeture de la mosquée de Jérusalem, en Israël.

Lors d’une entrevue téléphonique en soirée avec La Presse, M. Guillet a affirmé qu’on aurait voulu le convaincre de ne pas faire de sortie publique fracassante. Mais c’était trop tard pour M. Guillet, qui s’est dit « trahi », lui et « sa communauté ».

« On est en droit de se poser la question : est-ce de l’incompétence ou de la mauvaise foi ? »

— Hassan Guillet

À ce stade-ci, les chances que le Parti libéral réponde à l’appel de M. Guillet sont nulles. « La communication est coupée », a déclaré le principal intéressé entrevue avec La Presse

Appelé à réagir aux propos de M. Guillet tenus en conférence de presse, un porte-parole du PLC a simplement répondu hier par courriel que le parti n’avait pas l’intention de reprendre M. Guillet dans ses rangs : la décision est « sans appel », assure-t-on. 

L’ex-imam devrait se présenter comme candidat indépendant, et affrontera vraisemblablement un nouveau candidat de son ancien parti. À la conférence de presse du matin, des affiches reprenant son portrait officiel de campagne, logo du Parti libéral en moins, étaient placardées au mur derrière lui.

De son côté, le Parti conservateur n’a pas tardé à sauter sur l’occasion. « Dans ce cas en particulier, nous savons que Justin Trudeau connaissait les vues extrémistes et le soutien au terrorisme de cet individu, et qu’il a tenté de les cacher aux Canadiens », a déclaré Andrew Scheer dans un communiqué publié hier. 

« Des propos de nature antisémite »

David Ouellette, porte-parole du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, ne souscrit pas aux explications de l’ex-candidat. Sans avancer que M. Guillet est raciste ou antisémite, M. Ouellette croit « qu’il a tenu des propos de nature antisémite et qu’il a célébré la remise en liberté d’un militant islamiste et antisémite », dit-il en faisant référence à Raed Salah.

Dans la même veine, le B’nai Brith a rejeté, dans un communiqué, les « excuses » de M. Guillet. « Nous sommes satisfaits de notre rôle dans l’exposition de remarques antisémites, et déçus qu’il ait échoué à les retirer », a déclaré l’organisation.

Une « douche froide » pour la communauté musulmane

Si Hassan Guillet a remporté l’investiture dans la circonscription de Saint-Léonard-Saint-Michel, c’est en grande partie à cause du soutien important qu’il a reçu de la communauté musulmane (en plein ramadan le jour du vote). Assis à ses côtés hier, Adel Achouri, président du Conseil des Maghrébins du Canada, a dénoncé la situation en indiquant que pour les jeunes qui s’étaient impliqués au sein du parti pour l’élection de M. Guillet, la « déception » était palpable.

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