Faire son fromage

OSER LA MOZZARELLA MAISON

On fait de la sauce tomate maison, des cornichons maison, des confitures maison, mais la fabrication de fromage maison ne fait pas partie des mœurs des Québécois. Pourtant, plusieurs fromages frais sont simples et rapides à faire, et le résultat est intéressant… à condition d’avoir des attentes réalistes.

UN DOSSIER DE CATHERINE HANDFIELD

FAIRE SON FROMAGE

Un art à la fois simple et complexe

Quand Max Valencia a immigré au Québec, en juin 2012, l’offre en matière de fromages l’a laissé… sur sa faim. Le fromage abordable ne lui plaisait pas. Et le fromage à son goût était trop cher pour ses moyens.

Quand un homme a un problème, il appelle sa mère. C’est justement ce que Max Valencia a fait.

« J’ai fait la connexion avec ma maman, qui faisait le fromage quand j’étais petit », raconte Max Valencia, joint par Skype alors qu’il était en voyage dans l’État du Michoacán, d’où il est originaire. Au Mexique, dit-il, il est d’usage de fabriquer son fromage à la maison.

Sa mère lui a refilé ses recettes de ricotta et de queso blanco, un fromage crémeux populaire au Mexique. Max Valencia et son amoureuse Pascale Richard (la raison de son immigration au Québec !) se sont donc mis à fabriquer du fromage chez eux, à Montréal.

En voyant l’intérêt que suscitait son fromage dans son entourage, le couple a eu une idée : en faire une entreprise. C’est ainsi qu’est née U MAIN, qui propose depuis un peu plus d’un an des kits pour faire du fromage frais maison.

Les ensembles de départ (« ricotta et queso blanco » et « mozzarella et paneer ») contiennent tout ce qu’il faut, à l’exception du lait : la recette, le thermomètre, le tissu à fromage, le sel à fromage et les autres ingrédients (présure, chlorure de calcium, culture bactérienne, etc.).

« La plupart des gens croient que c’est compliqué, alors que faire des fromages frais, c’est vraiment simple et ça ne prend pas beaucoup de temps », assure Pascale Richard, qui y voit une façon de manger plus sainement tout en économisant.

La technique de base est la même pour tous les formages : on ajoute de l’acide citrique dans le lait pour séparer le caillé (avec lequel on fait le fromage) du petit-lait (qu’on peut récupérer pour faire de la soupe ou autre). Les ingrédients, le moment auquel on les ajoute, la température du lait et la technique de presse varient d’un fromage à l’autre.

« C’est un peu comme de la science : une fois qu’on possède ces connaissances, c’est vraiment accessible à tout le monde », estime Pascale Richard.

À LA RECHERCHE DU BON LAIT

Quel est l’avantage de fabriquer son fromage à la maison ?

Nous avons posé la question au chef Alexandre Brunet, qui propose, dans son livre Les mains dans la pâte, une recette de mozzarella maison (voir autre onglet).

« La première fois que quelqu’un va réussir à faire sa propre mozzarella à la maison, il n’en reviendra pas du goût. Il va tomber à terre », résume Alexandre Brunet, anciennement propriétaire de Pizzas Stromboli et aujourd’hui propriétaire de la Pizzéria No 900.

Mais encore faut-il réussir sa mozzarella.

Car, contrairement à la ricotta, au paneer et au queso blanco, qui sont plutôt simples à réaliser, la fabrication de la mozzarella est un art complexe – autant la technique de filage, le moment d’ajouter les ingrédients que le choix du lait.

« Normalement, quand on fait de la vraie mozzarella, il faut avoir un lait qui est peu pasteurisé. Et au Québec, on pasteurise pas mal. »

— Alexandre Brunet, propriétaire de Pizzéria No 900 

Quand le lait est trop pasteurisé, dit-il, la pâte colle et ne prend pas.

« C’est sûr qu’une personne qui fait son fromage à la maison va travailler avec un lait pasteurisé, qui n’est pas nécessairement très frais », confirme l’agronome Louis Hébert, consultant pour la ferme Maciocia, qui produit de la mozzarelle artisanale fraîche.

Maciocia produit son fromage avec un lait de bufflonne frais, entier, pasteurisé à la toute dernière minute. Bref, un lait qu’on ne retrouve tout simplement pas en épicerie.

Alexandre Brunet constate une grande différence entre la qualité de la mozzarella artisanale et la qualité de la mozzarella issue d’un procédé industriel. « Il y a une mozzarella assez connue que je ne peux pas utiliser, car elle vire en crème lorsqu’on la fait fondre sur une pizza », résume-t-il.

S’il est quasi illusoire de faire à la maison une mozzarella de la qualité de Maciocia (l’entreprise a mis au point son produit avec un artisan italien pendant un an et demi avant de trouver la recette gagnante), on peut tout de même réussir à faire un très bon produit : au terme de plusieurs essais et erreurs, Alexandre Brunet y est arrivé en utilisant du lait biologique. 

Et si le fromage n’a pas la texture recherchée ?

« Il faut lui donner un nouveau nom, le manger et essayer de nouveau ! », conseillent avec humour Pascale Richard et Max Valencia, qui rappellent, après tout, que le résultat final sera toujours… du fromage.

Faire son fromage

Un expérience mitigée

Nous avons tenté l’expérience de réaliser une mozzarella maison à l’aide de l’ensemble de U MAIN. Le résultat a été, disons, mitigé...

— Catherine Handfield, La Presse

Mozzarella maudite

Nous nous sommes procuré un kit U MAIN qui permet de fabriquer du paneer (niveau de difficulté : facile) et de la mozzarella fraîche (niveau de difficulté : moyen). N’écoutant que notre courage, nous avons directement opté pour la fabrication de la mozzarella.

Pour faire 450 g de mozzarella, il faut 4 litres de lait (préférablement à 3,25 %). Première étape : on verse le lait dans un chaudron et on y ajoute de l’acide citrique qu’on a préalablement dissous dans de l’eau. On brasse et on fait chauffer jusqu’à 32 °C. L’acide citrique fera cailler le lait.

Oups ! Le thermomètre indique déjà 37 °C. Cinq degrés trop tard, donc, on ajoute le prochain ingrédient : la présure, qui donnera la texture à notre mozzarella. On continue à faire chauffer le mélange jusqu’à ce que le thermomètre indique 42 °C.

À l’aide d’une cuillère trouée, on retire le caillé et on le dépose sur une passoire recouverte d’étamine (coton à fromage). Attention : on ne jette pas le petit-lait, riche en protéines, qui fait une bonne base pour la soupe, notamment.

Une fois le caillé bien égoutté, on le met au four à micro-ondes pendant une minute. La recette demande ensuite de « plier le caillé sur lui-même trois fois jusqu’à ce qu’il soit brillant ». Impossible : le caillé est beaucoup trop liquide. Et il n’est pas brillant. Houston, on a un problème…

On termine tout de même les étapes :  on remet le caillé au four à micro-ondes par tranches de 30 secondes jusqu’à ce que la température interne atteigne 57°C. On ajoute le sel. Théoriquement, il aurait ensuite fallu étirer le fromage et en faire des boules, des tresses ou des torsades… ce qui est impossible, même avec la meilleure volonté.

On se résout donc à étendre la mozzarella sur un bagel. Malgré tout, le goût y est : c’est bon. Selon Pascale Richard, copropriétaire de U MAIN, le moment où on met la présure est primordial dans la fabrication de la mozzarella. 

Comme on peut faire 16 recettes (8 boules de mozzarella, 8 boules de paneer) avec le kit, on refait l’expérience quelques jours plus tard, en ajoutant cette fois la présure au bon moment. On a réussi à faire des boules, mais la texture était encore pâteuse. Qui sait, la troisième fois sera peut-être la bonne... 

Faire son fromage

Recette de mozzarella maison

Recette tirée du livre Les mains dans la pâte, d’Alexandre Brunet, paru aux Éditions La Presse

INGRÉDIENTS

3 L (12 tasses) de lait 3,25 % (ne pas utiliser de lait UHT)

125 ml (1/2 tasse) de jus de citron

24 gouttes de présure (dans les magasins de produits biologiques)

30 ml (2 c. à soupe) d’eau

10 ml (2 c. à thé) de sel de mer fin

OUTILS NÉCESSAIRES

Étamine (coton à fromage)

Thermomètre à cuisson

Four à micro-ondes

Gants de latex (facultatif, mais préférable ; on peut se les procurer en pharmacie)

ÉTAPES

1. Dans une casserole, combiner le lait et le jus de citron, puis chauffer à feu moyen. En vérifiant avec le thermomètre, s’assurer que le lait atteint 38 °C, puis retirer la casserole du feu.

2. Diluer la présure dans l’eau. Ajouter au lait, mélanger, couvrir et laisser reposer 20 minutes.

3. Déposer un tamis au-dessus d’un contenant d’au moins 5 L (20 tasses) et placer l’étamine dans le tamis.

4. Verser délicatement le caillé dans l’étamine.

5. Laisser égoutter 10 minutes en mélangeant occasionnellement avec le bout d’une cuillère de bois.

6. Récupérer le caillé de l’étamine en le pressant avec les mains pour en retirer le maximum de liquide.

7. Mettre le caillé dans un contenant allant au fou à micro-ondes, puis le saler.

8. Chauffer le caillé 1 minute et demie à puissance maximale, puis égoutter l’excédent de liquide.

9. Avec les gants de latex (sinon avec deux cuillères à soupe), malaxer le caillé pendant 6 minutes, délicatement au départ, puis énergiquement quand il est moins chaud. Remettre au four à micro-ondes 30 secondes à puissance maximale. Le fromage doit être fondu.

10. Étirer la mozzarella et la replier sur elle-même. Répéter jusqu’à ce qu’elle tiédisse et devienne plus friable.

11. La réchauffer alors 30 secondes à puissance maximale, puis continuer à l’étirer.

12. Lorsqu’elle est tiède à nouveau, en former une boule et l’emballer dans une étamine.

13. Laisser reposer 10 minutes, retirer de l’étamine et servir.

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