Sur les traces du nouveau variant

Il n’est pas plus mortel, mais plus contagieux : la découverte du nouveau variant S britannique au Québec pousse l’INSPQ à adapter sa stratégie de tests, alors que la transmission communautaire est loin de s’essouffler dans la province et qu’une forte hausse des cas positifs est attendue au retour des Fêtes.

Le 18 décembre au laboratoire de l’hôpital Shriners pour enfants, le DRaymond Tellier constate qu’un test de dépistage de la COVID-19 présente un tracé différent des autres résultats positifs. « C’était un vendredi soir. Ça arrive toujours les vendredis soir, les évènements qui nous retiennent au travail », se remémore le microbiologiste du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) avec une pointe d’humour.

L’échantillon en provenance du CUSM a été analysé à l’hôpital Shriners. L’établissement réalise habituellement des tests poussés sur la moelle osseuse des enfants malades, mais prête son laboratoire au CUSM pour permettre d’accélérer le dépistage de la COVID-19.

La raison pour laquelle le variant a été détecté à l’hôpital Shriners est que son laboratoire utilise une méthode différente de celle de la plupart des autres laboratoires pour dépister le SRAS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19. Le test utilisé examine spécifiquement la partie du virus qui distingue ce nouveau variant du virus des autres, explique le DFrank Rauch, directeur du laboratoire clinique de l’hôpital Shriners.

« Il y a beaucoup de tests, donc on a établi ce partenariat pour que ça aille plus vite. Vu les besoins actuels, on a converti le laboratoire pour des tests de virus », explique le médecin.

Il a été impossible d’analyser plus en détail l’échantillon de la voyageuse en provenance du Royaume-Uni, puisqu’il a été jeté par le laboratoire privé qui s’était chargé du test. Ses contacts rapprochés, chez qui on a décelé le variant S, sont actuellement en quarantaine.

Ce qui était particulier, c’est la forte charge virale de deux des trois gènes du virus, explique le DTellier.

« Ce qu’on redoute, c’est que ça accélère la transmission à un moment où on n’a pas la maîtrise de la pandémie. Ça indique qu’il y a intérêt à utiliser plus qu’un seul test. »

— Le Dr Raymond Tellier

L’introduction du « mutant britannique » au Québec semble avoir été bien contenue, dit le DTellier. Mais il se peut que des cas de contamination au nouveau variant soient passés sous le radar. « En tant que citoyens, nous sommes un peu anxieux devant cette découverte. Mais en tant que virologues et chercheurs, nous tenons à faire ces découvertes », ajoute Raymond Tellier.

Stratégie de dépistage à adapter

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) mettra donc en place un programme de surveillance pour identifier rapidement les nouveaux variants du virus. Comme le variant S est plus facile à transmettre et pourrait accélérer la propagation, il est primordial de le repérer rapidement. Le séquençage – l’analyse du code génétique complet du virus – est habituellement de mise pour détecter les différents variants. Mais c’est long, soupire le DMichel Roger, directeur médical du Laboratoire de santé publique du Québec. Le procédé s’étale sur trois ou quatre jours, sans compter les trois journées nécessaires pour analyser le résultat.

Le laboratoire compte développer un test de dépistage plus rapide d’ici le retour des Fêtes. Ce test distribué dans quelques centres de dépistage à travers la province ciblera la mutation génétique propre à ce nouveau variant venu du Royaume-Uni. « Les tests standard en ce moment ne peuvent pas la distinguer. On va donner la nouvelle recette à certains centres pour qu’une proportion des 30 000 à 40 000 tests qu’on réalise en moyenne puisse déceler le variant S. » Toutefois, le test sera incapable de détecter d’autres variants.

« Il est possible d’en voir d’autres apparaître au Québec, surtout au retour des voyageurs. Pour les détecter, on préconise le séquençage. Le virus va muter, ça, c’est sûr. »

— Le DMichel Roger, directeur médical du Laboratoire de santé publique du Québec

On souhaite analyser jusqu’à 10 % des tests de patients positifs à travers la province pour repérer de nouveaux variants de la COVID-19. « En comparaison, en Angleterre, on en analyse 5 %, et au Canada on est à 3 % », précise le Dr Roger. Dans notre programme, on va cibler des populations plus à risque comme les voyageurs ou les cas de personnes possiblement réinfectées.

« Il faut être agressif en termes de prévention. Il faut que les gens soient conscients que, plus que jamais, on doit diminuer nos contacts. »

Le volume des tests de dépistage a diminué durant le temps des Fêtes. « On a encore pas mal de cas positifs. On fait moins de tests. J’ai l’impression qu’après les Fêtes et avec le retour des vacanciers, on peut s’attendre à plus de cas de COVID-19. »

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