Opinion

CULTURE DU CANNABIS
Un appel au respect réciproque

Le gouvernement du Québec a récemment réitéré sa position sur la légalisation du cannabis.

Il a entre autres rappelé que les dispositions législatives provinciales et fédérales qui seront éventuellement adoptées devront être exemptes de toute ambiguïté pour pouvoir être appliquées efficacement.

À cet égard, on pourrait certainement remettre de l’avant les arguments qui motivent le Québec à encadrer la culture du cannabis à domicile comme il propose de le faire.

Mais le débat des derniers jours n’est pas là.

Dans son aspect juridique, le débat porte sur la compétence que possède chacun des parlements au Canada sur les différents aspects de la légalisation du cannabis.

Dans son aspect politique, il soulève la question de ce à quoi les citoyens sont en droit de s’attendre des relations entre les gouvernements au sein de la fédération.

Aspect juridique

C’est en vertu de sa compétence en matière criminelle que le Parlement fédéral a déposé un projet de loi qui prohibe la production de cannabis à domicile à plus de quatre plants. Puisque la décision du fédéral entraînera un nouvel espace législatif concernant le cannabis, il revient aux provinces d’exercer leur compétence pour encadrer les aspects qui s’y trouvent, comme la production et la commercialisation.

C’est à l’intérieur de cet espace que le gouvernement du Québec propose de permettre la culture de cannabis par des producteurs autorisés, ailleurs qu’à domicile. Ce faisant, les gouvernements à la fois fédéral et du Québec agissent pour la sécurité et la santé publique. Il n’y a là ni conflit d’intention ni conflit d‘application.

La ministre de la Justice du Canada a tort de prétendre que, dans le régime fédéral canadien, le Parlement fédéral peut, seul, créer un « régime national de légalisation du cannabis ».

D’ailleurs, toutes les provinces travaillent présentement à élaborer leur propre régime d’autorisation adapté à leur réalité. Ces différentes approches nous permettront, dans quelques années, d’améliorer nos lois en fonction de celles qui auront entraîné les meilleurs effets. N’est-ce pas là une des grandes vertus du fédéralisme ?

Aspect politique

Le Québec, comme toutes les autres provinces, a été entraîné dans un exercice exigeant qu’il n’a pas sollicité. Il a cependant accepté de coopérer pour encadrer, conformément à ses compétences législatives, les conséquences de la décision fédérale.

Le Québec a agi dans le respect de la décision fédérale. Il est en droit de s’attendre à un respect réciproque du fédéral à l’égard de sa décision.

Or, lors de sa comparution devant un comité sénatorial, en mars dernier, la ministre fédérale de la Justice a laissé entendre que les provinces devaient absolument autoriser la production de cannabis à domicile. Cela est contraire au droit et aura pour effet d’encourager la contestation citoyenne de la disposition québécoise.

Je me suis présenté au Sénat, au nom du gouvernement du Québec, pour rappeler la compétence des provinces sur la question et notre intention ferme de l’exercer. J’ai pris soin de mentionner qu’un amendement au projet de loi fédéral n’est pas nécessaire, mais que s’il était apporté, il éviterait aux citoyens d’assumer inutilement les coûts de possibles contestations judiciaires.

Le comité sénatorial en est aussi venu à cette conclusion, à l’unanimité.

En voulant bousculer le choix du Québec sur la question de la culture du cannabis à domicile, le gouvernement fédéral démontre le peu d’égard et de reconnaissance qu’il accorde aux volontés d’un partenaire provincial, indispensable à la réalisation de son engagement électoral ; un partenaire qui a démontré sa collaboration pour gérer une problématique née de la seule intention fédérale.

J’ose encore espérer que la classe politique fédérale saura corriger cet impair.

Les citoyens éviteraient ainsi des recours judiciaires inutiles et coûteux et, surtout, ils auraient la démonstration que leurs gouvernements sont capables de coopération et de respect… réciproque.

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