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Cours de culture et citoyenneté québécoise

Quel progrès ?

Plus d’une année s’est écoulée depuis l’annonce du remplacement du cours d’Éthique et culture religieuse (ECR) par un cours de Culture et citoyenneté québécoise (CCQ), mais pour l’instant, nous sommes toujours dans l’attente de changements concrets pour nos enfants.

Si l’on en croit les informations qui ont filtré avant les fêtes, le nouveau cours est loin d’être prêt et des syndicats demandent même de reporter d’une autre année encore son implantation. Pourtant, il y a urgence à réformer ce cours vétuste, inapproprié, qui propage des stéréotypes et divise les élèves, et nous nous attendons à ce que le ministre de l’Éducation Bernard Drainville en fasse une priorité.

Mais au-delà des questions de délai et de formation des enseignants, qu’en est-il du programme lui-même ? À quels progrès doit-on s’attendre ? Notre analyse qui suit est basée sur le programme provisoire de CCQ rendu public l’automne dernier.

Moins de culture religieuse… mais la même orientation

Rappelons qu’ECR soulève d’innombrables critiques depuis sa création, principalement parce qu’il accorde une grande place aux religions, sans analyse critique, et exerce une pression sur les élèves pour qu’ils s’identifient à travers des appartenances et des pratiques religieuses. En outre, ECR est en porte-à-faux avec la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21).

Selon l’annonce du gouvernement, le nouveau cours CCQ misera, quant à lui, sur l’esprit critique, le dialogue et la valorisation d’une citoyenneté québécoise commune qui transcende les appartenances religieuses. Voilà d’excellents objectifs ! Mais qu’en est-il dans les faits ?

En consultant le programme provisoire, on constate que la culture religieuse qui occupait une place prépondérante dans ECR n’est plus énoncée comme compétence dans le nouveau cours, mais devient un sujet parmi d’autres. C’est effectivement une modification majeure qui devrait permettre d’éviter, ou du moins de réduire, la stigmatisation des personnes à travers des identités et pratiques religieuses.

Mais ensuite ? Comment rassembler ? Comment définir une identité citoyenne québécoise commune ? Malheureusement, le programme provisoire reste très vague sur ces questions pourtant cruciales dans le cadre d’un cours de citoyenneté.

Et l’éléphant dans la pièce, c’est l’absence presque totale de la laïcité de l’État. À part deux ou trois apparitions comme exemples indicatifs, la laïcité brille par son absence.

Mais alors qu’est-ce qui empêchera de continuer à promouvoir la laïcité dite « ouverte » dans le cours, autrement dit le concept multiculturaliste de gestion de la diversité religieuse interprétant la liberté religieuse comme la liberté absolue de pratiquer et même de promouvoir sa religion, en tout lieu et toute circonstance ? Actuellement, le message explicite ou implicite transmit aux jeunes à travers le cours ECR est que la loi 21 serait raciste et islamophobe. Comment est-ce que cela va changer si on ne donne aucune indication sur le mode de gestion du vivre-ensemble préconisé dans le nouveau cours ?

Liberté d’expression sous surveillance

Par ailleurs, on se rappellera que le nouveau cours a été annoncé à l’automne 2021 au moment où la censure d’œuvres littéraires, l’interdiction de prononcer certains mots et les entraves à la liberté universitaire – atteignant son paroxysme avec l’affaire Lieutenant-Duval à l’Université d’Ottawa – battaient leur plein. Jean-François Roberge avait alors insisté sur l’importance de défendre la liberté d’expression et d’outiller les jeunes pour leur permettre d’argumenter dans le respect. Très bien, mais concrètement, comment y parvenir ?

Malgré quelques mises en garde contre la censure et l’endoctrinement, les risques de dérapages sont nombreux dans le programme provisoire du nouveau cours. Comment aborder les thématiques liées aux appartenances religieuses, à l’identité de genre, au racisme, sans tomber dans le dogmatisme idéologique ambiant ?

Par exemple, dans le thème « Groupes sociaux et rapports de pouvoir », on peut lire les concepts « racisme, colonialisme, féminisme, décolonialisme, mouvement LGBTQ+ », etc. De quel féminisme s’agira-t-il ? De quel antiracisme ? De quelles luttes LGBTQ+ ? En cette époque marquée par les excès, choisira-t-on la vision des groupes les plus militants et les plus radicaux de chaque camp ?

Des théories qui peuvent diviser

Autant le marxisme était la doctrine prépondérante dans les années 1970, autant aujourd’hui ce sont les théories sociologiques dominées par le concept non scientifique de « race humaine » qui sont en vogue. Toute l’histoire de la civilisation occidentale est ainsi revue sous le prisme de la domination de la « race blanche », de l’impérialisme, du colonialisme, du racisme. Et ces nouvelles théories bénéficient d’un statut d’intouchabilité et de vérité absolue. Tout comme pour les religions. Ce n’est certainement pas ce qui permettra de développer le sens critique des jeunes ni de créer le sentiment d’une citoyenneté québécoise commune. Au contraire, c’est le communautarisme, la division, et le racisme qu’on alimente.

Plutôt que de cristalliser des croyances, des appartenances religieuses, « raciales » ou « de genre » et de diviser les jeunes en autant de groupes identitaires, le rôle de l’école est au contraire de rassembler, de créer du commun, mais aussi de considérer tous les jeunes de la même façon, non pas comme des membres de communautés, mais comme des individus, sur une base universelle.

Il ne faudrait pas que tout cet exercice ardu de refonte d’ECR n’ait servi, au bout du compte, qu’à remplacer un dogmatisme par un autre, une religion par une autre. La seule façon d’inverser la tendance est d’énoncer clairement le modèle de laïcité de l’État et les principes qui la sous-tendent dans le programme du nouveau cours.

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