Premier débat Trump-Biden

Un duel aux impacts limités, selon des experts

Les partisans de Joe Biden retiendront leur souffle – et évalueront chacun de ses gestes et de ses mots. Ceux qui appuient Donald Trump vont s’attendre à voir le président lâcher ses coups de gueule et ne faire qu’une bouchée du candidat démocrate.

Au bout du compte, il est probable que l’exercice, qui devrait être regardé par jusqu’à 100 millions de personnes, ne change rien à l’issue du scrutin, dans cinq semaines.

C’est la lecture que les experts à qui nous avons parlé font du premier débat entre Trump et Biden, qui aura lieu à 21 h à Cleveland, en Ohio. Diffusé sans publicité sur les ondes des grands réseaux américains, le débat de 90 minutes sera modéré par l’animateur Chris Wallace.

« Tant que Joe Biden fait une prestation correcte et ne lâche rien d’insensé, je crois que le débat n’aura pas d’impact sur les intentions de vote des gens », explique Monika L. McDermott, professeure au département de science politique et spécialiste des élections à l’Université Fordham, à New York.

Là où Biden pourrait faire sourciller, c’est s’il semble prêter flanc aux critiques du président, qui l’accuse de ne pas avoir assez d’énergie et de faire des gaffes. « Je dirais que la pression est sur Biden », dit-elle.

Quant à Trump, les gens qui l’appuient après quatre ans d’une présidence hors norme peuvent difficilement être surpris par ce qu’ils verront et entendront.

« Trump peut dire ce qu’il veut, et cela n’a pas d’influence sur sa popularité. Donc je ne crois pas que la pression soit sur lui. Pour ses partisans, il semble intouchable. »

— Monika L. McDermott, professeure au département de science politique et spécialiste des élections à l’Université Fordham

Les débats ont-ils un impact ?

Si les journalistes et les experts en politique se passionnent pour ces débats et leurs moindres micromoments relayés sur Twitter, leur influence sur les intentions de vote est généralement passagère, au mieux.

Comme le soulignait un récent article du magazine The Atlantic : « Si les élections étaient gagnées en fonction des règles du club de débat, Hillary Clinton serait présidente et Elizabeth Warren serait la candidate démocrate de 2020. »

L’un des problèmes des échanges avec Donald Trump est sa propension à passer de la vérité aux mensonges, souvent dans la même phrase. Une analyse du Washington Post a calculé que le président avait fait plus de 20 000 déclarations « fausses ou trompeuses » depuis son arrivée au pouvoir. En une seule journée cet été, Trump a fait 62 déclarations trompeuses, selon le quotidien.

Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, a affirmé que Joe Biden devrait éviter les débats, soutenant que Trump « agira probablement d’une manière qui ne respecte pas la dignité de la présidence ».

Biden a répondu qu’il voulait participer afin d’« être un vérificateur de faits en direct pendant le débat ».

Frédérick Gagnon, titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand, directeur de l’Observatoire sur les États-Unis et professeur au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal, remarque que les intentions de vote « sont très stables » depuis des mois, en débit d’une actualité bouillonnante.

« Il y a eu le livre de Bob Woodward, le scandale de Trump qui insulte les militaires, et quelques petites gaffes de Biden… Mais l’aiguille de l’opinion publique ne bouge pas beaucoup. Il y a peu d’indécis : ils sont à 10 ou 12 %, contre près du double il y a quatre ans. »

— Frédérick Gagnon, titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand, directeur de l’Observatoire sur les États-Unis et professeur au département de science politique de l’UQAM

Les débats des candidats à la présidence sont fort regardés, mais ne changent généralement pas les intentions de vote, dit-il. « À part le débat Kennedy-Nixon de 1960, qui avait été très favorable pour Kennedy, ça n’a généralement pas de gros effets. »

M. Gagnon note que les attentes envers Joe Biden pour les débats sont peu élevées, ce qui pourrait être positif pour lui s’il s’en sort raisonnablement bien.

« On entend toujours dire qu’il ne sera pas bon. Mais chaque fois qu’il prend la parole en public à ce jour, il surpasse les attentes. »

L’élection du 3 novembre, dit-il, est surtout un référendum sur le travail de Donald Trump depuis quatre ans à la Maison-Blanche. « Beaucoup de gens votent Biden parce qu’ils ne veulent plus Trump. Et quand c’est ça, l’objectif, tu es prêt à pardonner bien des petites faiblesses de Biden, des petites erreurs. »

Deux autres débats sont prévus. Ils auront lieu les 15 et 22 octobre. Mike Pence et Kamala Harris, candidats au poste de vice-président, débattront quant à eux le 7 octobre.

Trump sur la défensive après les révélations sur sa situation fiscale

Donald Trump cherchait lundi la riposte après les révélations explosives du New York Times sur sa situation fiscale à la veille d’un débat face à Joe Biden qu’il doit remporter s’il espère rattraper son retard dans les sondages.

750 $ : la modeste somme a marqué les esprits.

C’est, selon le quotidien new-yorkais, le montant d’impôt fédéral sur le revenu payé par Donald Trump en 2016, année où il a remporté l’élection présidentielle.

Le scoop est de taille, car ses déclarations de revenus sont au cœur d’une âpre bataille, Donald Trump ayant toujours farouchement refusé de les publier, contrairement à tous ses prédécesseurs depuis les années 1970.

Mine renfrognée, il a offert dimanche soir, lors d’un point de presse particulièrement décousu, l’image d’un président frustré, inquiet à six semaines de l’élection.

S’il était battu, il deviendrait le premier président à ne pas être réélu depuis plus d’un quart de siècle (défaite de George H. W. Bush face à Bill Clinton en 1992).

Au-delà du débat sur l’optimisation fiscale, l’article, qui dresse le tableau d’un groupe immobilier lourdement endetté, écorne encore un peu plus l’image d’un homme d’affaires à succès.

Mettant en avant ses talents de négociateur et son « instinct », il a toujours fait de son « succès » dans le monde des affaires un argument de campagne.

« Sa situation financière est tendue, avec des pertes opérationnelles et des centaines de millions de dollars de dettes pour lesquelles il s’est porté personnellement garant », écrit le New York Times.

« J’ai très peu de dettes par rapport à la valeur de mes actifs », a répondu sur Twitter le président américain, tout en reportant une nouvelle fois la publication de ses feuilles d’impôts.

Sondages stables, Biden en tête

S’il a dénoncé « des informations bidon », il s’est obstinément refusé à confirmer ou infirmer les chiffres désormais publics.

« Mon père a payé des dizaines de millions de dollars d’impôt », a avancé lundi matin son fils Donald Jr. sur Fox News, évoquant en particulier les impôts locaux.

Facteur inquiétant pour le président : la remarquable stabilité des sondages qui penchent tous en faveur de son adversaire démocrate.

Selon le dernier sondage Washington Post-ABC, l’ancien vice-président de Barack Obama a une avance de 10 points sur le plan national (53 % contre 43 %), quasiment identique à celle observée en août avant les conventions des deux partis.

Dans les États-clés qui détermineront l’issue du scrutin du 3 novembre, l’écart est moins important, mais Joe Biden reste bien positionné, en particulier dans le Wisconsin, remporté en 2016 par le républicain.

Le président américain s’est exprimé en début d’après-midi des jardins de la Maison-Blanche sur l’épidémie de coronavirus, sujet sur lequel il est resté plutôt en retrait depuis que les États-Unis ont franchi la barre des 200 000 morts.

Le candidat démocrate n’avait, lui, aucune apparition publique à l’horaire.

Test antidopage...

Mais à l’approche du débat de mardi soir, la stratégie de Donald Trump suscite des interrogations, tant son message est brouillé.

S’il ironise régulièrement – insultes à l’appui – sur l’état de santé physique et mental de son adversaire démocrate, il assure aussi que ce dernier est le favori du face-à-face à venir, fort de ses 47 années d’expérience en politique.

Ce week-end, il a de nouveau formulé une étrange demande : un contrôle antidopage pour Joe Biden.

Ce dernier s’est refusé, en souriant, à tout commentaire dimanche. Mais son équipe a envoyé une réponse cinglante à cette demande.

« Si le président pense que la meilleure façon de présenter ses arguments, c’est par l’urine, alors qu’il ne se gêne pas », a déclaré sa directrice de communication, Kate Bedingfield.

La stratégie n’a rien de nouveau. Il y a quatre ans, Donald Trump avait formulé exactement la même demande face à Hillary Clinton.

Dans ce contexte tendu, le modérateur Chris Wallace, journaliste de Fox News, espère « les faire débattre » et les tenir aux « questions-clés » pendant 90 minutes. « Mon travail est d’être aussi invisible que possible. »

Le Washington Post appuie Biden

Le prestigieux quotidien américain Washington Post a déclaré lundi son soutien au candidat démocrate Joe Biden pour battre, le 3 novembre, Donald Trump, « pire président des temps modernes ». Dans un éditorial, le journal estime que l’ancien vice-président américain est, à 77 ans, « exceptionnellement bien qualifié, par son tempérament et son expérience, pour relever les défis colossaux » des quatre prochaines années. En 2016, le Washington Post avait déclaré son soutien à la candidate démocrate Hillary Clinton face à Donald Trump. Quatre ans plus tard, le milliardaire républicain brigue un nouveau mandat à la croisée de plusieurs crises historiques : la pandémie de COVID-19, qui a fait plus de 200 000 morts aux États-Unis et durement frappé l’économie, ainsi qu’un profond mouvement de colère contre le racisme et les brutalités policières. Avec à l’échelle mondiale, des « autoritarismes » en pleine ascension face à un « recul de la démocratie », et une « planète en danger à cause du changement climatique », souligne le journal. Toutes ces crises ont été « créées, exacerbées ou négligées » par Donald Trump. — Agence France-Presse

Les Afro-Américains dissuadés d’aller voter par l’équipe de Trump en 2016

L’équipe de campagne numérique de Donald Trump a tenté de dissuader des millions d’Afro-Américains de voter à l’élection présidentielle américaine de 2016, accusent des journalistes de la chaîne de télévision britannique Channel 4 News dans une enquête diffusée lundi. Les journalistes d’investigation de la chaîne affirment avoir obtenu un fichier utilisé par l’équipe de campagne il y a quatre ans, qui concerne près de 200 millions d’électeurs américains, classés en différentes catégories afin de pouvoir leur envoyer des publicités ciblées sur les réseaux sociaux. Parmi ceux-ci, plus de 3,5 millions d’Afro-Américains ont été placés dans une catégorie baptisée « dissuasion », avec pour objectif de les pousser à s’abstenir de voter, selon Channel 4 News. Les Afro-Américains étaient bien plus nombreux que d’autres communautés à être visés par cette stratégie, selon les journalistes qui expliquent qu’en Géorgie, par exemple, bien que les Noirs représentent 32 % de la population, ils constituaient 61 % des membres de la catégorie d’électeurs à dissuader. « Cette stratégie a précédé un effondrement du vote noir dans des États-clés comme le Wisconsin », souligne un des enquêteurs. La campagne numérique de Trump a inclus une équipe de la société britannique Cambridge Analytica, accusée d’avoir collecté et exploité sans leur consentement les données personnelles d’utilisateurs de Facebook à des fins politiques. — Agence France-Presse

Mort de Breonna Taylor : le policier inculpé plaide non coupable

Le policier inculpé après la mort de Breonna Taylor, une jeune Afro-Américaine tuée lors d’une perquisition en mars à Louisville, dans le Kentucky, a plaidé lundi non coupable aux trois chefs d’inculpation qui pèsent sur lui. Aucun des trois policiers ayant fait feu lors de l’opération n’a été inculpé pour la mort de la jeune femme. Brett Hankison est poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui, ses tirs ayant traversé l’appartement de voisins de Breonna Taylor. Aucune accusation n’a été retenue contre les deux autres policiers. Un jury a estimé qu’ils avaient agi en état de légitime défense. Brett Hankison, licencié par la police en juin, a comparu libre lors d’une brève audience par téléphone. Son avocat, Stewart Matthews, a demandé qu’il soit autorisé à conserver les armes qu’il possède « pour se défendre » en raison de « menaces contre lui sur les réseaux sociaux ». Sa requête a été rejetée par la juge présidant les débats.

— Agence France-Presse

COVID-19 : 150 millions de tests rapides seront distribués

Le président Donald Trump a annoncé lundi la distribution aux États-Unis de 150 millions de tests rapides pour détecter le coronavirus en 15 minutes, une méthode comparable aux tests de grossesse et bien plus rapide que les tests moléculaires utilisés depuis le début de la pandémie. De nombreux experts de santé publique militent depuis des mois pour l’utilisation de ces tests dits antigéniques peu coûteux afin de permettre aux gens de se tester plusieurs fois par semaine au besoin, et d’avoir un résultat quasi immédiatement, arguant qu’un test ultra-précis dont le résultat n’est connu que cinq ou sept jours plus tard est inutile, la période infectieuse étant alors généralement passée. Au total, « 50 millions de tests serviront à protéger les communautés les plus vulnérables », a annoncé Donald Trump dans les jardins de la Maison-Blanche, en compagnie du patron du laboratoire ayant conçu le test, Abbott, qui a reçu une autorisation de commercialisation en urgence à la fin d'août, le seul à présent dans le pays. Les enseignants, les maisons de retraite et les universités historiquement noires ou amérindiennes seront prioritaires, a dit Donald Trump. Plus tôt lundi, l’Organisation mondiale de la santé a annoncé un plan pour fournir 120 millions de tests rapides aux pays les plus démunis dans les six prochains mois.

— Agence France-Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.