France

Les agressions à la seringue se multiplient

Environ 1100 personnes ont été la cible de piqûres depuis le début de l’année en France, un phénomène qui a pris assez d’ampleur dans le pays pour inquiéter, surtout avec la reprise des festivals d’été.

Marseille — Un soir de mai où le temps était déjà très chaud à Marseille, Diane*, 21 ans, est sortie pour « relâcher la pression », comme des milliers d’autres étudiants. Elle se remémore avec plaisir l’apéritif à la plage avec ses amis.

Les piqûres n’étaient pas une inquiétude. « Je suis toujours attentive à mon verre, je sais qu’on peut verser quelque chose dedans dans un but de soumission chimique. Mais les piqûres, pour moi, c’était limite de la légende urbaine. »

Quelques heures plus tard, la fête s’est poursuivie en discothèque.

« Il y avait vraiment beaucoup de monde. Je rigolais avec des inconnus, dans un couloir dans lequel il n’y avait pas assez de place pour circuler, et c’est là que je l’ai sentie. »

– Diane, victime d'une agression à la seringue

Une sensation désagréable, de pincement dans le bras, douloureuse, mais pas assez pour s’en inquiéter. « J’étais en soirée, un peu isolée de mes amis parce que j’allais aux toilettes. C’est là-bas que je me suis rendu compte de ce qui venait de m’arriver. » Dans le miroir des toilettes, Diane a remarqué que son bras était légèrement ensanglanté.

Croisée dans le couloir, une amie a constaté comme elle le sang sur le bras, puis une trace circulaire, une auréole rouge rapidement interprétée comme celle d’une piqûre. « C’était tout frais. Et j’avais de plus en plus de mal à respirer. Et quand mon amie m’a demandé si ça allait, j’ai fini par dire que non, ça n’allait pas. » Elle avait le cœur qui battait la chamade, des vertiges, des nausées.

Or, Diane est loin d’être un cas unique. Il y en a eu des centaines en France ces derniers mois.

Les agressions sont rapides et les auteurs, très rarement identifiés. Les victimes sont apparemment choisies au hasard, plutôt dans un cadre festif. Un rapport de l’Office anti-stupéfiants (OFAST), agence nationale de police chargée de coordonner l’action contre le trafic de drogue en France, citait, fin juin (dernières données disponibles), « environ 850 faits signalés » et presque autant de plaintes déposées sur le territoire. Un fait comprenant parfois plusieurs actes, ce sont près de 1100 personnes, à peu près autant de femmes que d’hommes, qui ont été répertoriées. Et un fil rouge existe entre tous ces témoignages : aucune trace de drogue n’a pu être trouvée chez les victimes. Les motivations des agresseurs restent pour le moins nébuleuses.

Après sa piqûre, Diane a été rapidement transportée à l’hôpital. Les symptômes y disparaîtront aussi vite qu’ils sont apparus. La petite plaie a bien été identifiée comme provenant d’une seringue, mais après quelques examens, les médecins ont estimé qu’elle allait bien. Un traitement antiviral préventif contre le VIH lui a été prescrit, ainsi que des examens toxicologiques et viraux pour connaître l’origine des symptômes et s’assurer qu’aucun produit nocif n’avait été injecté.

« Tout était négatif. C’était à la fois rassurant, parce que j’allais bien, mais c’était aussi angoissant, parce que je ne comprenais pas ce qui venait de m’arriver. »

– Diane

Lorsque, le lendemain, elle s’est rendue au commissariat pour déposer une plainte, le même genre d’incompréhension régnait. « Le policier ne savait pas trop comment enregistrer ma plainte. Moi, j’estime que c’est une agression à main armée, et forcément, je me dis qu’il y avait mauvaise intention de la part de mon agresseur. J’ai pensé à une agression sexuelle. »

Des festivaliers sous tension

Le phénomène crée l’inquiétude en cette période particulièrement festive. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a abordé le sujet durant une visite du festival Hellfest, le 25 juin, affirmant qu’il s’agissait d’une « psychose davantage qu’un phénomène réel », et qu’un défi lancé sur les réseaux sociaux pourrait être à l’origine de toute l’affaire.

N’empêche que des festivaliers sont sur leurs gardes. À Marseille, destination d’attrait pour les fêtards, les piqûres alimentent les discussions, le soir. « Mes amis et moi avons pris l’habitude de surveiller nos verres pour être sûrs de ne pas être drogués. Là, c’est encore pire, je regarde derrière mon épaule parfois », raconte Jean Allard, un sportif de 20 ans, pas rassuré par les propos des autorités.

D’ailleurs, à Marseille, le dispositif Safer mis en place lors du plus grand festival de la ville du sud de la France pour limiter les risques de violences sexuelles et sexistes, en juin, n’aurait pas été infaillible. Même si aucun cas de piqûre n’a officiellement été recensé par les autorités, une jeune fille a témoigné à la télévision France 3 avoir été victime de l’une de ces mystérieuses attaques.

« Le risque zéro n’existe malheureusement pas, mais nous sommes là pour les réduire », a indiqué à La Presse Marc Brielles, responsable du dispositif Safer.

* Prénom fictif pour protéger l'anonymat

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