« On essaye une approche différente »

La Presse vous emmène en patrouille avec une Équipe de concertation communautaire et de rapprochement du SPVM

Des policiers plus visibles et plus accessibles : c’est le mandat des nouvelles Équipes de concertation communautaire et de rapprochement (ECCR) déployées par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). La Presse a suivi celle du centre-ville le temps d’une patrouille.

Formées d’un sergent et de six policiers permanents, les ECCR n’ont pas à répondre aux appels d’urgence. Elles s’occupent d’échanger avec des résidants et des intervenants. Autrement dit, être sur le terrain pour tisser des liens et prévenir des situations qui, à la longue, dégénèrent souvent.

La patrouille quotidienne de Laurent Gingras, Kim Fortin et Joanna Benatar les conduit chaque jour du square Cabot, au centre-ville, jusque dans Hochelaga pour rencontrer des commerçants, des organismes, mais surtout des personnes vulnérables.

Comme de raison, le jeudi 7 octobre, deux sans-abri interrompent la patrouille. Ils se hurlent des menaces et serrent les poings. Mais un simple « Heille ! » guttural du sergent Gingras suffit à les calmer.

Les trois patrouilleurs poursuivent leur chemin. Ils arrêtent sans cesse pour saluer un visage familier ou écouter les plaintes d’une jeune femme à la recherche d’un logement.

Prendre le temps

Pour tisser des liens, il faut prendre le temps de s’informer des préoccupations des institutions présentes dans le quartier, comme la Mission St. Michael’s, organisme qui travaille avec des sans-logis et des personnes touchées par l’insécurité alimentaire. Une visite au CLSC s’impose également. Le trio s’y informe des endroits où conduire la « clientèle vulnérable ».

« On essaye une approche différente. On va essayer d’aller vers les gens. On peut ainsi mieux faire notre travail de prévention. »

— Le sergent Laurent Gingras, d’une ECCR du SPVM

À 9 h, la place Émilie-Gamelin, près de l’UQAM, a des airs de lendemain de veille. Des dizaines de personnes, parfois avec les facultés affaiblies, sirotent un énième café dans un gobelet de styromousse mâchouillé.

Sur place, sept policiers, aucun travailleur de rue. Ces intervenants travaillent fort, mais avec une main-d’œuvre réduite, explique l’agente Joanna Benatar. « Des fois, il n’y en a pas. Comme ce matin », dit-elle.

Les services pour sans-abri sont concentrés dans les quartiers centraux de Montréal, poursuit le sergent Gingras. Ce qui explique que de nombreux individus vulnérables se trouvent à la place Émilie-Gamelin le jour comme la nuit. Le travail de prévention s’avère essentiel pour assurer la quiétude des résidants et des visiteurs de l’endroit.

Commencer « par une question ou un bonjour »

Une dame se fige devant les trois policiers en uniforme. Son étonnement passé, elle fait part d’un débit rapide de ses frustrations. « Ce matin, ça va vraiment pas bien. Je suis encore dans la rue en train de ramasser de la bouffe à terre et de dormir avec les rats. Là, je m’en vais à Place des Arts. As-tu un ticket de métro ? »

Non loin de là, le sergent Gingras discute avec Sharon, une femme aux paupières lourdes entourée de sacs d’épicerie bourrés de vêtements. Le regard du policier s’éclaire quand il comprend d’où elle vient.

« Il y a un refuge pour femmes autochtones. Je vais les appeler. S’ils ont de la place, tu pourrais y aller maintenant si tu le souhaites. »

— Le sergent Laurent Gingras, d’une ECCR du SPVM, à une femme rencontrée à la place Émilie-Gamelin

L’ECCR se rend aussi quotidiennement dans le petit parc situé derrière la station de métro Beaudry, où la vente de substances illégales est fréquente. Le scénario qui se présente à l’équipe ce matin-là est toutefois fort différent. Un homme étendu au sol, le visage tordu de douleur, attire l’attention de l’agente Fortin, qui contacte Urgences-santé. Une soignante sort en trombe de la station de métro au bout d’une demi-heure. L’homme, atteint d’une pneumonie, lui détaille ses habitudes de consommation. Il a quitté l’hôpital avant d’avoir eu son congé.

Si l’uniforme est parfois intimidant, le véhicule de patrouille peut l’être davantage, insiste Laurent Gingras. « Dans un véhicule de patrouille, les citoyens sont vraiment moins portés à venir nous voir pour jaser, pour nous confier leurs préoccupations en matière de sécurité. On est moins porté à venir en aide à quelqu’un qui ne génère pas un appel. C’est toujours avantageux de retourner à la patrouille à pied. L’intervention se déroule mieux quand on commence par une question ou un bonjour plutôt qu’un ordre. »

les Équipes de concertation communautaire et de rapprochement

Les ECCR sont supervisées par un commandant. Dans chacune des trois zones couvertes, on retrouve deux groupes de travail formés par un sergent et six policiers permanents.

Phase 1 : Centre-ville — postes de quartier 12, 20, 21, 22, 23 et 38

Phase 2 : Nord-Est — postes de quartier 27, 30, 31, 33, 39, 42 et 45

Phase 3 : Ouest — postes de quartier 9 et 26

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