Pénurie de main-d’œuvre

Les entreprises sous-traitent hors Québec, selon une enquête

Les PME du secteur manufacturier souffrent de la pénurie de main-d’œuvre au point de transférer des contrats à des sous-traitants hors de la province, ce qui cause une perte nette pour l’économie québécoise, déplore une association d’entreprises manufacturières.

STIQ a dévoilé lundi les résultats de la 13e édition du Baromètre industriel québécois. Le sondage téléphonique réalisé par Bip Recherche a été effectué entre le 18 janvier et le 16 février 2022, portant sur l’état de ces indicateurs en 2021. Quelque 500 PME ont été interrogées sur un univers de 3000 entreprises de 10 à 500 employés, un échantillon représentatif par rapport à la population d’enquête. La marge d’erreur est de 3,9 %, 19 fois sur 20.

Délocalisation

Environ 15 % des PME sondées délocalisent leurs activités hors Québec pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, causant une perte nette pour l’économie québécoise.

« Les entreprises doivent produire et livrer leurs commandes et si la seule façon de le faire, c’est d’en envoyer une petite partie à l’extérieur, ce n’est pas leur premier choix, mais elles vont le faire », dit, dans un entretien, Richard Blanchet, président-directeur général de STIQ.

En raison d’un manque de force ouvrière, 7 entreprises sur 10 se résignent à livrer les commandes en retard et 6 sur 10 refusent des contrats. Une entreprise sur cinq reconnaît qu’elle rogne sur la qualité de ses produits et services.

« Par rapport à 2019, on note une hausse significative des contrats ou des commandes livrés en retard (+ 11 points) et de la perte ou du refus de contrats ou de commandes (+ 7 points) », lit-on dans le document qui analyse le sondage.

Ce phénomène s’ajoute à une autre tendance qui consiste à ouvrir des établissements aux États-Unis pour pouvoir respecter les exigences du Buy American Act. Une entreprise comme Marmen, par exemple, a ouvert une filiale à Albany, dans l’État de New York, pour construire des éoliennes.

Pénurie de main-d’œuvre

La situation n’a jamais été pire depuis 13 ans, selon STIQ. Neuf PME sur dix considèrent le recrutement d’employés spécialisés comme un enjeu crucial, tandis que sept sur dix de celles-ci estiment que les défis de rétention de cette main-d’œuvre sont aussi grands. Il s’agit de niveaux jamais atteints depuis le début du Baromètre.

La proportion d’entreprises, à 44 %, qui font du recrutement à l’étranger bondit de 11 points de pourcentage depuis 2019.

Le nombre de postes à pourvoir connaît une augmentation de 36 % en seulement un an, avec une moyenne de 12 postes à pourvoir en entreprise. « Si on répartit cette moyenne sur notre univers de 3000 PME de 10 à 500 employés, on arrive à 36 000 postes ouverts dans les entreprises ciblées par notre sondage. C’est le plus haut niveau jamais atteint », dit M. Blanchet.

Perturbations dans l’approvisionnement

La pandémie a montré les lacunes du juste-à-temps. « L’enquête Baromètre met en lumière à quel point les problèmes de retards et de ruptures des chaînes d’approvisionnement ont des incidences majeures sur le secteur manufacturier québécois. Presque toutes les entreprises sondées (95 %) ont augmenté leurs prix et 80 % ont livré des contrats ou des commandes en retard », lit-on dans les faits saillants.

Que ce soit à cause de la pénurie de bras ou des ruptures dans l’approvisionnement, les PME en ressentent les effets à la ligne des profits.

Neuf entreprises sur dix affirment augmenter les salaires et avantages sociaux pour attirer les employés chez elles. Conséquence : six sur dix constatent une baisse de leur profitabilité, même si une forte proportion refile la facture à leur clientèle.

Le virage numérique se fait attendre

Malgré tous les beaux discours, le virage vers le manufacturier 4.0 n’a pas été pris par tous. « En trois ans, on ne relève pas de progression significative dans l’intégration de nouvelles technologies chez les manufacturiers », a constaté STIQ. L’organisme montre du doigt la pénurie de main-d’œuvre, le patron mettant toutes ses énergies à remplir ses commandes.

Sur cette question, le monde des PME se divise en deux, fait remarquer M. Blanchet. Celles qui ont entrepris dans le passé le virage numérique et qui ont profité de la pandémie pour aller plus loin, et les autres, les réfractaires au changement, qui sont restées sur leur quant-à-soi. Une entreprise sur deux n’a pas implanté une seule des nouvelles technologies. Pire, les entreprises peu avancées dans le virage numérique (28 %) accordent peu d’importance à l’enjeu de la numérisation.

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