COVID-19

Retrait préventif refusé pour une pharmacienne enceinte

Les pharmaciennes enceintes n’ont pas droit au retrait préventif, dénonce une pharmacienne de Blainville. Et pourtant, elles sont régulièrement en contact avec des voyageurs censés être en quarantaine. Une nouvelle étude publiée dans la revue JAMA Pediatrics indique justement que 10 % des bébés de mères infectées sont infectés eux aussi.

Une pharmacienne inquiète

Sophie Châtillon est enceinte de 18 semaines. La pharmacienne de 30 ans de Blainville a travaillé jusqu’à la semaine dernière dans une grande enseigne de sa région, et maintenant, son fils de 14 mois tousse, fait de la fièvre et aura un test de COVID-19 vendredi. Et pourtant, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) vient de lui refuser pour la deuxième fois un retrait préventif parce qu’il n’y aurait pas de transmission communautaire au Québec. « Mon médecin trouve que je devrais avoir un retrait préventif, dit Mme Châtillon. J’ai dû cesser de travailler parce que ma patronne, qui est très coopérative, mais qui ne peut rien faire pour ce qui est de la CNESST, ne pouvait pas me trouver assez de travail sans contact avec les clients. On voit des gens qui viennent de revenir de voyage et ne font visiblement pas leur quarantaine, qui toussent même. La semaine dernière, j’ai eu un appel d’une personne qui m’a dit qu’elle était passée en pharmacie et ne nous avait pas dit qu’elle avait eu un test positif. Des collègues dans d’autres pharmacies voient des gens avec une ordonnance qui viennent d’avoir un test positif. Depuis le 23 mars, M. Legault a déclaré qu’il y avait de la transmission communautaire. Et dans les hôpitaux, le personnel à risque de contact avec des patients atteints peut obtenir un retrait préventif. » Le conjoint de Mme Châtillon travaille dans une entreprise qui fabrique des camions-citernes de désinfectant déclarée service essentiel.

« Étrange »

Nicolas Bégin, responsable des communications à la CNESST, ne pouvait commenter le cas de Mme Châtillon, n’ayant pas assez d’informations sur les motifs du refus, mais trouvait « étrange » jeudi qu’on lui ait refusé un retrait préventif. Mme Châtillon a aussi contacté l’Association des pharmaciens professionnels salariés du Québec (APPSQ) et l’Ordre des pharmaciens du Québec, qui n’ont pas pu l’aider. L’APPSQ n’a pas répondu à la demande d’entrevue de La Presse et l’Ordre nous a indiqué que l’Institut national de santé publique était responsable des recommandations pour les travailleuses enceintes. « Puisque le document n’émane pas de l’Ordre, je ne pourrais pas vous l’expliquer, mais à la lumière de ce qui est indiqué, la directive semble être d’éviter de mettre les travailleuses enceintes en contact avec des cas potentiels ou confirmés de COVID-19 », a indiqué Julie Villeneuve, directrice des communications de l’Ordre des pharmaciens du Québec.

Des résultats encourageants

Une étude portant sur 33 bébés nés de mères infectées en Chine vient justement de paraître dans la revue JAMA Pediatrics. Trois de ces bébés étaient porteurs à 2 jours. « C’est plutôt rassurant, parce qu’on ne voit pas de complications à l’accouchement et que les bébés porteurs cessent de l’être à 6 jours », indique Fatima Kakkar, infectiologue au CHU Sainte-Justine. « Ça veut dire que c’est peut-être seulement une colonisation à l’accouchement, pas une transmission dans l’utérus. » Isabelle Boucoiran, obstétricienne-gynécologue et codirectrice du Centre d’infectiologie mère-enfant du CHU Sainte-Justine, ajoute que le seul des trois bébés infectés qui a eu des complications avait aussi une infection bactérienne. « Il ne semble pas y avoir d’infection in utero », dit la Dre Boucoiran, qui note que les mères dans l’échantillon de l’étude étaient assez malades, avec une pneumonie. « Ça ne m’étonne pas. Pour d’autres coronavirus, on rapporte aussi une transmission lors de l’accouchement. » Certaines données préliminaires indiquent que le virus de la COVID-19 pourrait avoir des ramifications neurologiques, car il semble affecter le goût et l’odorat. Cela est-il inquiétant pour les femmes enceintes ? « Je ne suis pas la bonne personne à qui poser cette question, mais on ne peut pas voir des atteintes neurologiques quelques jours après la naissance, il faut attendre de trois à six mois avec de l’imagerie médicale », dit la Dre Boucoiran.

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