Refuge pour femmes Chez Doris

Ces intervenantes qui sauvent des vies

Depuis la pandémie, Chez Doris offre des services jour et nuit aux femmes en difficulté. Une intervenante de l’organisme montréalais, responsable de trouver un toit décent à celles qui n’en ont plus, nous dépeint la réalité des démunies devant laquelle personne n’est à l’abri.

Violence conjugale, problèmes de santé mentale, traumatismes, toxicomanie, pauvreté, éviction, loyers hors de prix… Alexandra D. côtoie la détresse au quotidien. Celle de femmes qui ont tout perdu – leur joie de vivre, leur dignité, leur chez-soi et parfois même leurs enfants – à la suite d’une succession de malchances qui peuvent frapper n’importe qui.

Employée de Chez Doris depuis février 2020, elle est passée à travers le pire de la pandémie aux côtés de sa « formidable équipe qui a à cœur le bien-être des femmes ». « En intervention, l’outil, c’est l’intervenante, expose Alexandra. On doit être prêtes à faire face à toutes sortes de contraintes et de situations. Quand elles arrivent chez nous, les femmes sont extrêmement vulnérables. »  

« On les accueille à bras ouverts en leur disant qu’on n’est pas là pour les juger, mais pour les accompagner dans leur propre cheminement. On les respecte dans leur singularité et dans leurs choix. Elles nous font confiance et c’est pour ça qu’on peut les aider. »

Aider à la source

La jeune femme était intervenante de première ligne le week-end lorsqu’elle s’est vu offrir un poste à temps plein au service de logement, et elle en est devenue la responsable par la suite. Il faut savoir que Chez Doris aide les femmes en situation de précarité en répondant d’abord à leurs besoins de base ; on y fournit notamment des repas gratuits, des vêtements et l’accès à des chambres d’hôtel, pour qu’elles puissent être en sécurité pendant la pandémie. Mais une gamme d’autres services leur sont aussi proposés, comme de l’aide au logement, de la gestion financière, des consultations avec des professionnels de la santé, des activités sociorécréatives, etc.

Son défi à elle : aider les clientes à trouver un appartement avec le soutien des bailleurs de fonds privés ainsi que des programmes financés par le fédéral et le provincial – Programme de logements subventionnés (PSL), Programme de relogement rapide et Programme de logement autochtone Vers un chez-soi.

« Notre équipe accompagne les participantes à toutes les étapes, de la signature du bail au suivi psychosocial. Par exemple, avec l’achat de meubles, l’épicerie, le ménage et le budget. »

Entre le 1er novembre 2020 et mi-septembre 2021, son équipe a réussi à loger 88 femmes et 44 enfants qui ont été pour la plupart réunis avec leur mère après avoir été pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Mais ce n’est pas suffisant : une cinquantaine de noms figurent toujours sur la liste d’attente et, parmi ces femmes, seulement six ont été placées en logement ce mois-ci. « On croise les doigts pour obtenir de nouvelles subventions », espère Alexandra.

« On ne s’habitue pas à la misère »

Avec le confinement, la détresse des femmes a augmenté. Certaines ont été confrontées comme jamais à la violence conjugale. D’autres ont vécu dans l’insalubrité la plus totale. « Quand tu passes ton temps enfermée avec un mari violent, ou encore avec les rats et les coquerelles, ç’a un impact sur ta santé mentale », relève l’intervenante. Elle pense à une femme qu’elle a relogée. « En voyant l’appartement, sa fille de six ans m’a prise dans ses bras et m’a dit : "Merci, je n’entendrai plus les rats." Et elle s’est mise à pleurer. La petite avait du mal à dormir et faisait des cauchemars », raconte-t-elle avec émotion.

Même après huit ans d’intervention, elle ne s’habitue pas à la misère. Elle a du mal à ne pas penser à cette femme violentée qui rentrait chez elle le soir, ou à cette autre qui était sur le point de s’enlever la vie avant de trouver un nouveau logement.

« Souvent, j’en ai les larmes aux yeux. Je ne peux pas les repousser quand elles me tendent les bras. C’est mon travail, je le fais avec cœur. On aide les femmes à retrouver la joie, la dignité et une certaine normalité. Briser leur isolement est un service essentiel. »

Donner une deuxième chance

C’est d’ailleurs l’idée derrière le projet d’aménagement d’un refuge de nuit de 22 places et celui de construction d’une résidence de 26 studios en location avec une multitude de services d’accompagnement, pour lesquels Chez Doris sollicite des dons. « Il ne s’agit pas de donner à Chez Doris, mais de donner une deuxième chance à des femmes qui en ont besoin et qui sont brisées à l’intérieur, insiste Alexandra. C’est de les aider à combler leurs besoins fondamentaux et à croire en elles. Parce qu’elles sont capables de s’en sortir. »

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