Sondage pancanadien sur la crise de la COVID-19

Les Québécois les plus optimistes face à l’avenir

Comment qualifieriez-vous l’année qui vient de s’écouler ? Excellente, bonne, moyenne, difficile ou terrible ? Et comment entrevoyez-vous celle qui s’amorce ? C’est ce qu’a demandé l’Institut Angus Reid aux Canadiens à la fin de janvier. Bien qu’ils résident dans la province la plus touchée par la COVID-19 (selon le nombre de décès et de cas par 100 000 habitants), les Québécois se démarquent par un certain optimisme.

L’année 2020 a été incontestablement éprouvante. Dans ce sondage réalisé du 20 au 24 janvier auprès d’environ 1500 Canadiens et dont les résultats ont été dévoilés mercredi, 63 % des répondants ont qualifié l’année dernière de « difficile » alors que pour 14 % d’entre eux, ce fut « terrible ou la pire de [leur] vie ». Si les Québécois ont opté pour la pire dans 15 % des cas, ils ont été moins nombreux à la décrire comme « difficile » (51 %) et plus à la qualifier de « moyenne » (25 % contre 15 % des Canadiens). Pour 8 % des Québécois, 2020 a été bonne. Sans surprise, seulement 1 % l’ont trouvée « excellente ».

Mais c’est surtout l’optimisme des Québécois face à l’année qui s’amorce qui est souligné par les auteurs du sondage. « Au Québec, seulement 35 % des résidents s’attendent à une année en dessous de la moyenne, écrivent-ils. Les plus pessimistes au sujet de l’année à venir sont les Canadiens de l’Ouest et ceux de l’Ontario. »

Dans l’ensemble, c’est la moitié des Canadiens qui s’attendent à une année difficile (46 %) ou terrible (5 %). Un écart considérable avec le Québec, souligne Roxane de la Sablonnière, professeure de psychologie sociale à l’Université de Montréal. Fondatrice et directrice du Laboratoire sur le changement social et l’identité, elle est membre de l’équipe du projet de recherche « COVID-19 Canada : la fin du monde tel qu’on le connaît ? » qui se penche actuellement sur les conséquences sociales de la pandémie sur les Canadiens.

Cet optimisme québécois, son équipe l’a observé dans le cadre des vagues de sondage qu’elle a menées pour ce projet de recherche.

« Pourquoi ? demande-t-elle. C’est la grande question. Il y a beaucoup de recherches scientifiques qui disent que d’avoir vécu auparavant des grands changements dans la société, des crises, ça pourrait avoir un effet protecteur. Peut-être que c’est ce qu’on observe. »

La Révolution tranquille, la crise d’Octobre, voilà des exemples de bouleversements qui ont fait évoluer la société d’une certaine façon qui auraient pu favoriser le développement d’une résilience collective. Et il n’est pas nécessaire d’avoir vécu personnellement ces évènements marquants pour en ressentir l’effet.

« C’est une connaissance de l’histoire, de ce que le peuple a vécu. On passe à travers une situation difficile ensemble, se souvenir de ça amène une certaine cohésion de groupe, une estime de soi collective. »

— Roxane de la Sablonnière, professeure de psychologie sociale à l’Université de Montréal

Précisons toutefois que cette théorie ne s’applique pas nécessairement dans les cas de grandes ruptures qui ont perturbé le fonctionnement des sociétés. Pensons à ce que vit la Syrie par exemple.

Une crise de santé mentale

Mais au-delà de ce plus grand optimisme dont font preuve les Québécois, ce qui frappe la chercheuse, c’est qu’« une grande majorité de gens ont eu une année horrible ou difficile ». « Ça fait écho à tout ce qu’on voit dans les sondages, incluant le nôtre, sur la santé mentale. Les gens écopent beaucoup de cette crise et on s’en rend compte maintenant. Il faut penser autrement. On est habitué à penser de façon individuelle. C’est une crise qui touche tout le monde. On doit comprendre pourquoi et aller vers des réponses collectives. »

Elle pense particulièrement aux jeunes qui sont « extrêmement touchés ».

« [Les jeunes] sont en construction identitaire, explique Mme de la Sablonnière. Ils ont besoin de points d’ancrage sociaux qu’ils n’ont pas en ce moment. Ça crée des trous dans leur développement. Ils n’ont pas non plus l’expérience des personnes plus vieilles qu’eux, qui ont vécu d’autres évènements dans leur vie. »

Le sondage de l’Institut Angus Reid n’a été mené qu’auprès d’adultes, mais il montre que les groupes qui ressentent le plus les effets de la pandémie sont les hommes âgés de 18 à 34 ans, de même que ceux ayant un revenu familial inférieur à 25 000 $ par année. Au sein de ces groupes, 20 % et 22 % des répondants ont respectivement qualifié 2020 de « pire année de [leur] vie ».

Bien que la lumière commence à poindre, le tunnel continue de s’allonger. L’étude souligne qu’en mars et avril derniers, une majorité de Canadiens entrevoyaient un retour à la normale à l’automne 2020. Au moment du sondage à la fin du mois de janvier, 61 % n’envisageaient pas ce retour avant la fin de 2021, et ce, même si le premier ministre Justin Trudeau maintient que ceux qui souhaitent être vaccinés le seront d’ici le mois de septembre. Pour 21 % des Canadiens, ce retour à la « normale » n’aura même jamais lieu. Et sur ce point, les Québécois ne sont pas différents.

Le sondage de l’Institut Angus Reid a été mené en ligne auprès de 1559 adultes canadiens entre les 20 et 24 janvier 2021. À titre de comparaison, pour un échantillon probabiliste, la marge d’erreur s’élève à plus ou moins 2,5 %, 19 fois sur 20.

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