Le méthane et le climat

Dans le texte « Se sevrer du gaz en pointe hivernale » publié le 12 février, nous écrivions que le méthane qui forme le gaz naturel a un potentiel de réchauffement 25 fois plus grand que le CO2. Des lecteurs nous ont souligné que lorsqu’il est brûlé pour le chauffage, ce méthane n’est pas libéré dans l’atmosphère et que les produits de cette combustion sont plutôt le CO2 et l’eau. C’est vrai. Des études ont toutefois montré que les fuites de méthane dans les sites de production de pétrole et de gaz ainsi que dans les réseaux de distribution sont grandement sous-estimées et ont un impact important sur le climat.

Hydro-Québec et l’abattage d’arbres

Pour éviter la désertification des rues

Les auteurs de cette lettre s’adressent au gouvernement québécois afin de limiter l’abattage d’arbres au nom de la protection du réseau de distribution d’Hydro-Québec

En exprimant clairement son intention d’abattre les arbres à proximité de son réseau de distribution, Hydro-Québec reconnaît l’échec de ses interventions de taille effectuées sur les arbres.

Cet échec est visible depuis des décennies par la forme désarticulée des arbres, leur grande fragilité et les coûts élevés d’entretien qui augmentent d’année en année (de 40 millions en 1998 à 125 millions en 2023). Les changements climatiques révèlent encore plus la fragilité des arbres trop intensément taillés. L’abattage comme ultime solution annonce la désertification des rues en milieux urbains et périurbains, une catastrophe environnementale majeure en totale contradiction avec le besoin de verdissement des zones habitées.

Selon Hydro-Québec, le problème vient des arbres qui ont été plantés au mauvais endroit. Il semble plutôt que le problème vienne d’une erreur d’intervention.

En effet, des recherches menées par l’auteure principale de ces lignes, financées par Hydro-Québec et la Ville de Montréal (1998-2009), ont démontré que la manière d’intervenir d’Hydro-Québec augmentait le problème de concurrence des arbres avec les fils électriques. Les tailles pratiquées sur les arbres provoquent des repousses fortes et indésirables qui nécessitent des élagages tous les trois à cinq ans.

Selon la logique adoptée par Hydro-Québec, plus les arbres sont tenus loin des fils (par une zone de dégagement aux dimensions croissantes au fil des ans), plus ils mettent de temps à menacer de nouveau les fils par leur croissance. Les recherches indiquent plutôt que c’est l’inverse qui se produit. Plus la taille des arbres est forte, plus ils réagissent fortement et plus ils poussent rapidement en direction des fils, en plus d’être fragilisés, devenant dangereux.

Agents protecteurs

Les arbres ont la capacité de contourner naturellement et efficacement des fils (Arbres sous tension, éditions MultiMondes, 2018). Leur permettre d’établir une charpente forte et stable qui ne ploie pas facilement sous le vent ferait d’eux des agents protecteurs plutôt que dangereux et demanderait moins d’interventions à court, moyen et long terme.

Les branches et les arbres qui sont tombés sur les fils électriques lors des évènements météo extrêmes des dernières années ont soulevé l’indignation publique, avec raison. Et toujours la même conclusion de la part d’Hydro-Québec : « Il faut tailler plus ! »

Bien que ses interventions soient problématiques et coûteuses, Hydro-Québec maintient l’application d’une zone de dégagement qui, depuis des décennies, mène à l’abattage précoce des arbres devenus dangereux. La désertification des rues où passe le réseau de distribution n’est pas acceptable. Le besoin d’arbres à grand déploiement en zones habitées est en croissance pour répondre aux besoins de régulation du climat (réduction de la force des vents, de la pollution et des risques d’inondation, captation du carbone, etc.), et pour favoriser une meilleure qualité de vie (évitement des îlots de chaleur, réduction du bruit, etc.), sans compter les enjeux de santé publique.

Une nouvelle approche des arbres s’impose, s’appuyant sur les connaissances du mode de développement des arbres et la recommandation de « tailler le moins possible les arbres » inscrite dans les normes d’entretien arboricole du Bureau de normalisation du Québec.

La révision des règles d’intervention sur les arbres ne doit pas impliquer uniquement Hydro-Québec, qui a un biais en défaveur des arbres, y compris dans le cadre de sa chaire de recherche sur le contrôle de la croissance des arbres. Le gouvernement du Québec doit créer un comité d’experts multidisciplinaires et indépendants qui analyserait la problématique des arbres à proximité du réseau de distribution à la lumière des connaissances du mode de développement des arbres. Il aurait comme mandat d’identifier les balises à respecter pour l’entretien et la sauvegarde des arbres, tout en augmentant la sécurité à proximité du réseau et en diminuant les coûts d’entretien.

Les recommandations du comité pourraient servir de base pour un projet de loi qui viendrait encadrer les interventions d’Hydro-Québec sur les arbres à proximité du réseau de distribution. Il y a urgence d’agir !

*Cosignataires : Marc Grégoire, expert-conseil en foresterie urbaine, cofondateur du Centre de formation arboricole ; Pierre Bourque, directeur du Jardin botanique de Montréal (1980-1994), maire de Montréal (1994-2001) ; Pierre-Émile Rocray, ingénieur et pathologiste forestier, Ville de Montréal (1984-2010) ; Guy Laliberté, agronome retraité et professeur, Institut de technologie agroalimentaire du Québec (1983-2020) ; Christian Desmarais, aménagiste du paysage et enseignant au Collège Montmorency (1999-2019) ; Gilles Vigneault, poète, auteur-compositeur-interprète ; Serge Payette, professeur d’écologie végétale, Université Laval ; Pierre Thibault, architecte ; Jean Lamontagne, consultant en arboriculture ; Richard Séguin, poète, auteur-compositeur-interprète ; Naomi Jarry, enseignante en horticulture ornementale, Collège Montmorency ; Karl Goupil, enseignant en arboriculture, Centre de formation horticole de Laval ; Julie Durocher, arboricultrice-élagueuse ; Guy Primeau, arboriculteur-élagueur ; David Restrepo, président de la Société internationale d’arboriculture – Québec (2018-2019), arboriste grimpeur-élagueur, Ville de Paris

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.