Immigration

Legault entrouvre la porte à une hausse des seuils

Québec — Après avoir promis en campagne d’accueillir tout au plus 50 000 immigrants par année pendant son mandat, François Legault entrouvre la porte à une hausse des seuils d’immigration si son gouvernement parvient à augmenter la proportion de nouveaux arrivants francophones.

Le premier ministre affirme que son gouvernement « n’est pas là du tout » en ce moment, mais signale du même souffle que sa nouvelle ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, examine la voie du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) pour maintenir une bonne proportion d’immigrants francophones. Le PEQ permet d’obtenir un certificat de sélection du Québec dans le but de s’y établir de façon permanente.

« Ce qu’on dit, c’est qu’on limite le nombre d’immigrants à 50 000 par année. Pourquoi ? Parce qu’actuellement, il y a une baisse chaque année du pourcentage de Québécois qui parlent français. Il faut trouver le moyen, dans les 50 000, d’en avoir plus qui parlent français. Une fois qu’on aura atteint cet objectif-là, bien, on pourra se [demander] : est-ce que c’est possible d’accueillir plus d’immigrants francophones ? », a déclaré M. Legault, mercredi.

« Mais là, on a un vrai problème. Pour l’instant, on veut régler le problème à l’intérieur du 50 000 », a ajouté le premier ministre à son arrivée au Conseil des ministres.

En campagne électorale, François Legault a affirmé qu’il maintiendrait les seuils d’immigration à 50 000 par année tout le long de son deuxième mandat. Le premier ministre a même déclaré qu’il serait « un peu suicidaire » pour le français d’accueillir plus d’immigrants au Québec. C’est donc un changement de discours du gouvernement Legault.

« Dans le 60 % [d’immigrants] qui est choisi par le Québec, autant les gouvernements du Parti libéral que du Parti québécois, on en prenait 50 % qui parlent français. Nous, on en a pris 80 %. Par contre, c’était dans une situation spéciale avec la pandémie. On a utilisé beaucoup le PEQ. Est-ce qu’on est capables de répéter ça ? C’est ce que Christine Fréchette est en train de regarder », a soutenu M. Legault.

Mme Fréchette a par le passé été PDG de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal et directrice des relations externes et institutionnelles chez Montréal International, organisation qui accompagne les entreprises du Grand Montréal dans leur recrutement de travailleurs étrangers qualifiés. Les chambres de commerce réclament d’ailleurs le rehaussement des seuils pour pallier la pénurie de main-d’œuvre.

Depuis les élections, le gouvernement de Justin Trudeau a annoncé qu’il souhaite accueillir 500 000 immigrants en 2025.

En maintenant ses seuils, le Québec verrait son poids démographique diminuer, de l’aveu même de François Legault. Mercredi, il a repris les mêmes arguments à propos de la protection du français, sans préciser la cible qu’il souhaite atteindre pour éventuellement accueillir plus d’immigrants.

La Planification pluriannuelle de l’immigration pour la période 2020-2022 arrive à échéance cette année. Les seuils pour 2023 devraient être déposés à l’Assemblée nationale d’ici la fin de la session parlementaire, qui doit débuter le 29 novembre. Les consultations pour le nouveau plan triennal auront lieu l’an prochain pour un dépôt des futurs seuils quelque part à l’automne 2023.

Indexation

Son ministre des Finances Eric Girard a également soulevé une autre possibilité : l’indexation du plafond d’immigration. « Est-ce que votre question, c’est si le [plafond de] 50 000 devrait être indexé ? Bien, c’est une possibilité. S’il est indexé à 2 %, ça ferait 51 000, 52 000, comme ça », a-t-il lancé en marge d’une conférence de presse sur une aide ponctuelle pour lutter contre la hausse du coût de la vie.

M. Girard a souligné qu’il est une « personne studieuse » qui a « des avis sur plein de sujets », et qu’il communique ces avis « au Conseil des ministres ». « Je vous encourage à poser des questions à la nouvelle ministre de l’Immigration », a-t-il ajouté.

Le gouvernement Legault réclame davantage de pouvoirs pour mieux contrôler la sélection qui relève d’Ottawa. Selon Justin Trudeau, Québec dispose de tous les pouvoirs nécessaires en immigration et « le Québec a depuis longtemps la capacité d’augmenter ses seuils d’immigration ».

— Avec Charles Lecavalier et Hugo Pilon-Larose, La Presse

Pomme de discorde en santé

L’immigration n’est pas la seule pomme de discorde entre Québec et Ottawa. Le gouvernement Trudeau a une fois de plus refusé mardi la demande des provinces d’augmenter les transferts fédéraux en santé de 22 à 35 %, en plus de lancer une pique au gouvernement Legault, qui confirmait mercredi l’envoi de chèques pour aider les Québécois à faire face à l’inflation. « Je ne sais pas pourquoi M. Trudeau s’obstine. On sait tous que les dépenses de santé, ce sont les dépenses qui augmentent le plus vite à cause du vieillissement de la population », a décoché M. Legault. Les provinces refusent que l’argent du fédéral soit accompagné de conditions, la santé étant exclusivement de leur compétence. À ce sujet, M. Legault a affirmé que « M. Trudeau pense qu’il est meilleur que Christian Dubé pour choisir comment dépenser l’argent ».

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