Éditorial  Politique

La faiblesse des femmes

L’évaluation qu’on se fait des ministres devrait porter sur la capacité à prendre de bonnes décisions et non pas sur le jugement de démonstrations émotives

« Les femmes qui expriment de la colère ou de l’indignation sur la place publique sont considérées comme hystériques ou trop émotives. À l’inverse, les hommes qui montrent une certaine forme d’agressivité sont plus perçus comme ayant du caractère, de l’autorité, de la détermination. »

À la lumière de ce qui arrive à la ministre Lise Thériault, cet extrait d’un récent avis du Conseil du statut de la femme, dans lequel des politiciennes et d’ex-politiciennes se prononcent sur la place des femmes en politique, est particulièrement troublant. Beaucoup de chemin reste à parcourir.

Le mois dernier, évoquant le premier anniversaire de l’évasion d’Orsainville et la gestion de cette crise par la ministre, un animateur de radio de Québec a déclaré en ondes qu’il faudrait « greffer une paire de couilles » à Mme Thériault.

Il s’est excusé, mais la question demeure : un homme aurait-il eu droit à pareil traitement ?

Il y a ensuite ces larmes que Mme Thériault a laissé s’échapper devant les journalistes, alors qu’elle réagissait à un reportage d’Enquête sur les femmes autochtones. Une émotion interprétée par plusieurs comme un signe de faiblesse.

Puis vint cet accès de colère, comme le rapportait notre collègue Denis Lessard, lorsque Mme Thériault, également vice-première ministre, a, semble-t-il, harangué ses collègues lors d’une récente réunion du conseil des ministres.

Elle est maintenant en congé de maladie pour six semaines, vraisemblablement pour épuisement professionnel. On ignore les raisons personnelles qui l’ont poussée à se retirer momentanément de la vie publique, mais assurément, la politique est un sport difficile et éreintant, sans compter que Mme Thériault subissait aussi des pressions au sein de son cabinet depuis plusieurs semaines.

Comment est-on passé de l’image de la « tough » du gouvernement, de celle qui a tenu tête aux syndicats de la construction, à cette vision d’une femme qui a craqué et dont les capacités à assumer des fonctions « aussi importantes » que celles de la Sécurité publique sont remises en doute ? Où est passée la solidarité ministérielle censée faire en sorte que les sautes d’humeur qui se passent derrière des portes closes restent du domaine privé et que, publiquement, les collègues – majoritairement masculins – témoignent de leur soutien ?

Les spéculations vont bon train sur un possible remaniement. Il ne faudrait pas perdre de vue que pendant l’absence de Mme Thériault, les dossiers de la Sécurité publique ne tombent pourtant pas dans le néant ; ils ont été confiés à Pierre Moreau. Ensuite, l’évaluation des ministres devrait porter sur la capacité à prendre de bonnes décisions et non pas sur le jugement de démonstrations émotives.

On le constate, les pires ennemis des élus ne se trouvent pas toujours sur les banquettes de l’opposition, mais souvent parmi les collègues qui prennent place à leurs côtés. Et c’est peut-être encore plus vrai pour les femmes.

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