Nous avons le pouvoir de corriger les erreurs du passé

Nous sommes aujourd’hui le 21 juin, jour du solstice d’été, mais aussi Journée nationale des peuples autochtones. Cette célébration revêt une importance particulière cette année puisqu’il est impossible de passer sous silence les évènements récents. Des blessures qui sont profondes et qui n’ont jamais cicatrisé ont été ravivées récemment. Les tragédies des derniers mois sont révélatrices des injustices qui ont frappé et continuent d’affliger les Premiers Peuples du Québec et du Canada.

Aujourd’hui, je ressens le besoin de rendre hommage à leur courage et leur résilience. Trop longtemps, les voix des Premiers Peuples n’ont pas été entendues. Au-delà de la consternation et de l’horreur, le traitement indigne de Joyce Echaquan nous a tous fait prendre conscience de la persistance du racisme dans la société. Et le deuil des 215 enfants du pensionnat de Kamloops est partagé par des millions de Canadiens qui, tardivement sans doute, prennent pleinement conscience des actes inqualifiables commis par ceux qui les ont précédés, dont les Premiers Peuples portent seuls le fardeau depuis des années.

Je reconnais m’être questionné avant d’écrire ces mots. En tant que membre de la majorité allochtone, puis-je parler d’une réalité qui me bouleverse, mais que je ne connais que de surface ? Je crois pouvoir le faire, à tout le moins à titre de recteur d’une université qui accueille des étudiants autochtones et qui a la volonté d’en accueillir encore plus. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Le milieu de l’éducation est invité à la réflexion alors que remontent à la surface des évènements sinistres qu’on a tenus à l’écart de l’histoire officielle et des manuels scolaires, dans une indifférence calculée qui faisait obstacle à la vérité et à la compréhension mutuelle. Ceux et celles qui forment la jeunesse ont le pouvoir de corriger les erreurs du passé et d’écrire un présent qui soit différent.

Je crois que nous devons le faire avec responsabilité, mais aussi avec humilité. En gardant en tête que le lien de confiance entre le système d’éducation et les communautés autochtones est encore fragile. En s’assurant de respecter les valeurs des Premiers Peuples. En acceptant qu’encore beaucoup de chemin reste à faire pour bâtir des relations sincères et de réciprocité, mais que nous pouvons marcher côte à côte, allochtones et autochtones.

C’est la voie qu’a choisie l’Université de Montréal, qui s’est engagée formellement à améliorer la représentation et l’accueil des Premiers Peuples au sein de l’établissement. Nous souhaitons former une relève autochtone fière qui contribuera à l’atteinte du plein potentiel de notre société de demain. Nous nous sommes dotés d’un plan d’action en ce sens et nous avons recruté des employés autochtones pour contribuer à sa mise en œuvre.

C’est dans le cadre de ce plan que nous remettons aujourd’hui le Prix de la valorisation des langues autochtones aux spécialistes de l’enseignement et de la protection de leur langue, Marcel Godbout, de la Nation huronne-wendat et Iris Kahtehron:ni Stacey, de la Nation mohawk.

Nous immortalisons notre engagement de valorisation des langues autochtones en installant une grande plaque à l’entrée la plus empruntée du campus. Le symbole est fort : lorsque les étudiants reviendront en classe à l’automne, des milliers de personnes se feront souhaiter chaque jour la bienvenue dans les langues des 11 nations autochtones du Québec.

J’ai espoir que par des actions concrètes et une volonté d’être des lieux de vérité et d’accueil, les universités deviennent des espaces de fierté culturelle et d’affirmation identitaire pour les peuples autochtones. Ensemble, nous pouvons construire une communauté inclusive au sein de laquelle chaque personne trouve sa place et peut s’épanouir. Ensemble, nous pouvons aussi construire un pays qui célèbre les cultures autochtones, et qui donne aux Premiers Peuples l’espace qui leur revient pour s’affirmer et grandir, dans le respect et la justice.

Nous avons la responsabilité d’y parvenir. Nous le devons à ces enfants disparus que nous n’oublierons jamais. Nous le devons aussi à nos enfants à naître.

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