SLAXX

La revanche du coton

Comédie d’horreur, le long métrage québécois SLAXX raconte l’histoire de jeans avant-gardistes semant la mort et la terreur dans un magasin très tendance. La revanche du coton ? Sans doute. Mais attention ! L’horreur n’est pas dans les scènes les plus ensanglantées du film. La Presse en discute avec trois des artisans.

Un film d’horreur gore et bourré d’hémoglobine dont le méchant qui sème la mort est... un vêtement ? Vraiment ?

« Bien sûr ! J’ai fait mes recherches », lance la réalisatrice de SLAXX, Elza Kephart, en éclatant de rire.

Et la voilà qui énumère avec aplomb un nombre impressionnant de films d’horreur dont le méchant est un objet. « Rappelez-vous Christine avec cette auto qui tue, expose-t-elle. Il y a aussi eu le film allemand Killer Kondom. Il y a Death Bed : The Bed That Eats, Attack of the Killer Tomatoes et aussi Rubber, de Quentin Dupieux, un film que j’adore. »

Va donc pour ce « sous-genre » du film d’horreur dont SLAXX, dont la première a eu lieu à Fantasia, est le dernier venu. Dans ce film tourné en anglais (avis : mieux vaut voir la version originale que la traduction) qui évoque des pantalons (« slacks ») tueurs, le personnage principal chez les humains se prénomme Libby.

« Une héroïne au cœur pur qui n’a qu’une idée en tête, faire le bien et changer le monde », lance son interprète, Romane Denis, vue dans le film Charlotte a du fun et la comédie musicale Mamma Mia, dont elle défendait le personnage central de Sophie.

Dans SLAXX, l’angélique et naïve Libby est déterminée à faire sa petite place dans le monde de la vente au détail. Or, elle amorce sa première journée de travail dans une succursale de la chaîne CCC (pour Canadian Cloting Clothiers) la veille du lancement d’une nouvelle ligne de jeans, les Super Shaper (SS). Une fois enfilés, ceux-ci se moulent, assure-t-on, à la morphologie du corps de la personne qui les porte. Un vêtement non genré et inclusif, clame la publicité.

Or, si Libby est l’innocence même, ce n’est pas le cas des autres employés, tous plus compétitifs les uns que les autres. Au point où chacun tente d’essayer les jeans avant leur lancement officiel.

Tout ça sous la supervision du souriant, ambitieux et insipide Craig (Brett Donahue), jeune homme dont l’unique rêve est de devenir directeur régional de la chaîne. « Des gens comme Craig, on les croise dans le milieu de la vente avec leur personnalité de façade, dit le comédien. Ils louangent l’esprit d’équipe, mais c’est toujours pour le bien de la compagnie. »

C’est là que les choses se corsent. Fabriqués à partir de coton génétiquement modifié et ayant fait une victime innocente chez les travailleuses indiennes chargées de la cueillette contre un salaire de misère, les jeans SS décident de prendre leur revanche.

On épargnera les détails du massacre se dessinant à l’horizon, sauf pour dire que les jeans sont non seulement tueurs, mais ils possèdent un pouvoir d’aspiration digne des meilleurs vampires pour faire disparaître les traces de leurs actes. Ce son quand ils aspirent le sang... ARRKKK !

Les monstrueuses… entreprises

Dans la vraie vie, la cinéaste Elza Kephart a bien plus peur des grandes entreprises que des jeans mangeurs d’humains. En fait, elle reconnaît d’emblée que son film porte une critique sociale assumée. La mode imposée, le « fast fashion », les influenceuses, les entreprises installées dans des pays où les travailleurs ont peu de pouvoir... Disons qu’il y a pas mal de monde montré du doigt dans son film.

« J’aimerais que les gens retiennent que le monstre, ce n’est pas les jeans, ce sont les entreprises, dit-elle. Ce sont elles qui détruisent tout et se balancent des gens. Les jeans sont ici des anges vengeurs qui remettent les pendules à l’heure. »

« Le message du film ne passe pas à travers Libby, endosse Romane Denis. Ce message est porté par la paire de jeans possédée. »

Si méchantes soient les entreprises, Elza Kephart reconnaît qu’elles lui ont donné la matière inestimable se trouvant au cœur de l’histoire. « Un film uniquement sur une paire de jeans tueuse, c’est drôle, mais insuffisant en contenu », dit-elle.

La cinéaste raconte qu’à l’origine, l’idée de faire ce film lui est venue d’une amie qui n’aimait pas le mot « slacks ». « Pour l’irriter, je le répétais sans cesse, dit Mme Kephart en riant. Puis, un jour, je l’ai lancé avec la voix d’un tueur. Ce fut ma première idée. Et quand, un jour, la coscénariste Patricia Gomez Zlatar m’a raconté avoir travaillé dans un magasin Gap, j’ai trouvé les détails de son récit horrible. C’est là que nous avons pensé à camper l’histoire dans un magasin au lieu d’une école, comme on le voit dans bien des films de jeunes. »

Féminin et féministe

La cinéaste, la scénariste et plusieurs membres de l’équipe de production de SLAXX sont des femmes. La distribution est largement féminine. Certains personnages sont dévorés d’ambition, d’autres ont l’esprit plus cartésien. Mais chez la plupart, l’ego très fort. L’héroïne, Libby, est la plus rationnelle du groupe. Mais son idéalisme va lui nuire.

L’ensemble des personnages a plu à Romane Denis. « À la lecture du scénario, je me suis dit : “Qu’est-ce que c’est que ça”, lance-t-elle. Mais j’ai constaté que c’était écrit, réalisé et produit par des femmes. Il est rare d’avoir accès à un projet comme celui-ci, féminin et féministe. Il passe très bien le test de Bechdel. Ce n’est pas une petite histoire d’amour avec un gars : c’est un film où l’on parle de justice, d’écologie et de gens travaillant dans des sweatshop trop souvent loin de nos préoccupations. Ça me plaît. »

« Nous vivons dans une société où les hommes ont encore le pouvoir et mon film est représentatif de cela, souligne Elza Kephart. Par ailleurs, je suis une femme ambitieuse qui croit à la solidarité féminine. Les femmes doivent s’entraider. »

En salle le 11 septembre

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.