OPINION

Des mesures préventives pour diminuer la violence

La ville de Toronto a été la scène de plus de 200 fusillades depuis le début de l’année 2018, une forte augmentation depuis l’an dernier.

Les Torontois, consternés par cette soudaine vague de violence, cherchent à comprendre ce qui est en train de se produire dans leur ville, généralement considérée comme l’une des plus sûres en Amérique du Nord. Mais surtout, ils souhaitent que la violence cesse.

Or, l’enjeu est complexe. Bien que les fusillades soient souvent liées au crime organisé, les plus mortelles ont plutôt été perpétrées par des « loups solitaires » sans passé criminel qui souffraient de problèmes de santé mentale. Le maire de Toronto John Tory préconise des mesures préventives et le nouveau premier ministre de l’Ontario Doug Ford mise sur la lutte contre la criminalité. Le gouvernement fédéral est aussi interpellé par la situation, le contrôle des armes à feu découlant de sa juridiction.

La semaine dernière, M. Tory a annoncé des investissements de l’ordre de 12 millions, avec l’appui du fédéral, pour financer 16 initiatives visant la prévention du crime, avec les jeunes torontois des quartiers à risque de violence en tête.

Une augmentation des services communautaires et des offres d’emploi pour les jeunes permettra, c’est le pari du maire, de contrer leur recrutement par les gangs de rue. Ces mesures ne régleront pas la situation du jour au lendemain, mais elles sont un pas dans la bonne direction.

Néanmoins, ni ces initiatives ni les 200 policiers supplémentaires déployés chaque nuit dans la métropole depuis la mi-juillet n’auraient su contrer la fusillade de dimanche, qui a eu lieu dans un quartier excentré et n’était pas en lien avec le crime organisé.

Au provincial, Doug Ford prône plutôt la méthode punitive : appréhender les criminels et les traduire en justice. Ford avait promis, durant la campagne électorale du printemps dernier, de revoir la réforme des services de police provinciale qui avait été adoptée par le gouvernement Wynne en mars dernier, au terme d’une consultation de deux ans.

La loi 175 visait notamment à mieux encadrer et contrôler l’action policière et à revoir les pouvoirs de l’Unité spéciale d’enquête. Elle avait aussi mis fin à la controversée pratique du fichage racial. Ford a freiné la mise en œuvre de ces réformes au début du mois de juillet et a promis, dans son discours du Trône, de modifier cette loi. Même si le premier ministre s’était engagé en campagne électorale à investir 1,9 milliard en santé mentale durant la prochaine décennie, aucune mesure dans ce domaine ne fait partie de sa stratégie pour freiner les fusillades.

Le gouvernement fédéral n’est pas en reste. Le cabinet de Justin Trudeau compte maintenant parmi ses rangs l’ancien chef de police de Toronto, Bill Blair, qui a récemment accédé au poste de ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé. Il est trop tôt pour savoir quelle approche ce dernier préconisera, mais il y a fort à parier qu’un resserrement de la réglementation sur la possession d’armes à feu, une avenue aussi préconisée par John Tory, sera à l’ordre du jour.

Or, il s’agit d’un dossier épineux : la dernière mesure importante de contrôle des armes à feu du gouvernement fédéral, le registre des armes à feu, avait coûté cher au gouvernement libéral de Jean Chrétien, pour être finalement aboli par Stephen Harper en 2012. Or, depuis 2012, les importations d’armes à feu ont monté en flèche au pays, nourrissant sans doute le crime organisé.

De toute évidence, les décideurs ne démontrent pas, pour le moment, une vision concertée pour contrer cette vague de violence qui déferle sur la Ville Reine.

Une stratégie efficace de sécurité publique doit impérativement prendre en compte les enjeux de la santé mentale et du contrôle des armes à feu.

Plusieurs options sont possibles, d’investissements ciblés en santé mentale jusqu’à l’imposition d’examens psychologiques dans le processus d’obtention du permis d’arme à feu. La présence policière accrue et la lutte contre le crime organisé préconisées par le gouvernement Ford panseront peut-être les plaies à court terme et redonneront aux Torontois un sentiment de sécurité, mais elles ne sauront pas mettre un terme au problème des fusillades dans les années à venir.

* Également professeure à l’Université Queen’s

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